jeudi 11 août 2022

Des nouvelles de Romulus et Rémus


Et sinon les grumeaux ça va toujours bien.

(Et non, y'a toujours rien d'autre dans ma vie à part mes enfants, merci d'avoir espéré pour moi, c'est gentil mais illusoire.)

Ça va toujours bien mais clairement c'est pas grâce à eux, vu que, si on les laissait aux manettes plus de trois minutes, ils seraient déjà morts mille fois.

(Merci la pédagogie Montessori de favoriser l'initiative personnelle, mais je pense qu'on va attendre un peu.)

Morts de quoi, tu me diras? Ah ben de plein de choses : électrocutés, tombés du balcon, écrasés par des voitures, tombés dans des précipices, bouffés par des chiens... le fun semble se trouver dans la variété du type de suicide.

Et on ajoutera aussi à cette catégorie "morts de faim", puisque les grumeaux semblent bien déterminés à bouffer pas grand-chose à part de la soupe à la grimace.

En fait, si on les écoutait, ils se nourriraient uniquement de pâtes à l'huile et de charcuterie (mais on a quand même une variation : l'un est plutôt jambon, l'autre plutôt cervelas) (qu'on ne vienne pas me dire que les jumeaux sont toujours pareils).

Avec Professeur Flaxou, on en avait tellement marre de passer des heures à se battre à chaque repas qu'on a même sorti le grand jeu : un livre P'tit Loup.


(Un tout petit échantillon de notre imposante collec)

P'tit Loup, si tu ne connais pas, c'est THE grosse vedette des livres pour 2-3 ans (ex aequo avec Tchoupi et Petit Ours Brun) (Oui, je sais, moi aussi j'étais surprise que ça existe encore, Petit Ours Brun). Il existe actuellement une bonne trentaine d'albums (mais y'en a un nouveau qui sort tous les 3 mois, c'est un rythme de production absolument dingue) et chaque album aborde un thème cher à cette tranche d'âge : P'tit Loup jardine, P'tit Loup fait une colère, P'tit Loup sur le pot, P'tit Loup n'aime pas ranger, etc.

Je suis tombée sur "P'tit Loup n'aime que les pâtes" et évidemment c'était du pain bénit. 


On leur a lu l'histoire plein de fois pour qu'ils comprennent bien qu'à la fin, P'tit Loup essaye les lasagnes aux légumes et il aime beaucoup ça, et que c'est important de goûter à tout, et tout le toutim.

(Le livre finit quand même sur P'tit Loup qui dit "les légumes, c'est bon pour ma santé", je pense que c'est plutôt clair.)

Et le même jour, quand Auguste va chercher le bouquin pour son "temps lecture" du soir, je l'entends se conter le truc :

- Maman dit "il faut goûter". Petit Loup dit "moi c'est les pâtes que je préfère". Mmmmm, c'est bon les pâtes! Fini!


(En fait le gosse réécrit ses propres fins.)

(Il fait de la fanfiction OKLM.)

Au final, on a quand même réussi à les persuader à goûter à tout ce qu'on leur présente, grâce à un trait de génie qui m'est venu tout droit des mamies:

- Je peux avoir une tartine de Kiri?
- T'as pas touché à tes légumes. Il faut les goûter pour avoir le droit de passer à la suite. 
- Mais je veux paaaaaas!
- Dis-moi, tu as quel âge?
- Euuuuh deux ans!
- Alors il faut manger deux cuillères, comme tu as deux ans. Tu y arrives?
- Oui!
- Oh, et dis-moi, c'est bientôt ton anniversaire, non?
- Ouiiiii!
- Et tu auras quel âge?
- Euuuuh TROIS ANNNNS!
- Ah ! Alors, dans ce cas, est-ce que tu penses que tu es assez grand pour manger déjà TROIS cuillères? 
- Ouiiiiii!


(Heureusement qu'ils sont pas fute-fute, sinon on gagnerait jamais.)

En parlant de gagner, y'a un grand perdant dans cette grande aventure de l'éducation, et c'est mes principes.

(Je dirais bien "nos principes" mais Professeur Flaxou, contrairement à moi, ne s'est jamais fait beaucoup d'illusions.)

J'ai plutôt bien géré le "pas d'écrans avant trois ans" que recommandent tous les spécialistes de la petite enfance, et quand je dis "j'ai plutôt bien géré" ça veut dire que j'ai tenu presque deux ans avant de laisser tomber.

Maintenant, les gamins se tapent une-demi heure de dessins animés par jour, et ça c'est en semaine, parce que le week-end ils vont manger chez mamie et c'est open bar:

- Mamie tu mets la téléééééé?
- Bien sûr, mon lapin.
- Bon, je vais prendre une douche vite fait, et je reviens.
- Mais tu sais Charlotte, tu peux les laisser tout le temps que tu veux! Ils sont tellement sages! Moi ça ne me fait pas de travail du tout! Laisse-les toute la matinée même, si ça t'arrange, moi je suis tellement contente de les avoir! Regarde comme ils sont sages et comme ils se tiennent bien!

Les enfants:


(Ah, ça pour être sages.)

Ce qui nous sauve un peu pour le moment, c'est que, comme on n'a pas la télé à la maison (ils regardent leurs dessins animés sur Netflix via le PC ou mon téléphone) c'est facile de leur faire croire que le choix de dessins animés est beaucoup plus limité à la maison:

- Allez, on sort du bain! On va s'habiller en regardant Puffin Rock.
- Tu peux mettre Peppa Pig?
- Ah non désolée mon chou, Peppa Pig c'est que chez mamie, et c'est que le matin. Le soir chez mamie la télé ne marche pas.
- Ah d'accord.


(J'en profite tant que ça dure.)

(Avec un peu de chance, d'ici à ce qu'ils flairent l'arnaque, ils seront trop grand pour cette abomination qu'est Peppa Pig.)

(Et avec beaucoup de chance, on pourra peut-être naviguer l'écueil de la Pat'Patrouille en prime.)

(Laisse-moi rêver.)

J'ai également réussi à tenir jusqu'ici sans les taper (même si, des fois, le p'tit taquet à l'arrière de la tête me démange sa mère) mais clairement, pour l'éducation bienveillante, on repassera:

- Mets tes chaussures.
- Je veux pas mes sandales! Je veux mettre mes baskets!
- Il fait 39 degrés, tu mets tes sandales, sinon tu vas avoir trop chaud aux pieds.
- Mais non j'aurai pas chaud!
- Mais si t'auras chaud! Mets tes sandales!
- Nan!
- Bon tu sais quoi, je m'en fiche, mets-les tes baskets, mais alors va chercher tes chaussettes.
- NAAAAN! JE VEUX PAS DE CHAUSSETTES! 
- Alors mets tes SANDALES!
- NAAAAN!

Et là normalement, selon l'éducation bienveillante, on est censés emprunter l'un des chemins suivants :

1. On prend le temps de se calmer et de discuter de la situation à tête reposée, en expliquant bien à l'enfant le raisonnement derrière notre décision afin qu'il arrive lui-même à la même conclusion que nous.

2. On le laisse mettre ses baskets sans chaussettes, et tant pis s'il a des ampoules, la prochaine fois il comprendra.

Ou alors, on fait comme moi et on gueule:

- BON MAINTENANT CA SUFFIT LES CAPRICES TU TE TAIS ET TU ME DONNES CE PIED! J'EN AI RIEN A FAIRE C'EST MOI QUI COMMANDE ET SI T'ES PAS CONTENT C'EST LA MÊME CHOSE! ET TOI LA-BAS TU ARRÊTES DE JOUER AVEC TON ZIZI PENDANT QUE JE GRONDE TON FRÈRE! MAINTENANT TOUT LE MONDE DANS LA VOITURE ET ON VA ALLER PASSER UNE SUPER JOURNÉE A CIGOLAND!

(Oui, une fois que la gueulante a commencé, il faut un temps avant que le volume redescende.)

Et pour celles et ceux qui se disent à cet instant "Heu, on en parle de cette phrase avec le zizi, ou bien?" eh bien c'est simplement parce que, depuis que mes gamins n'ont plus de couches, ils se tripotent constamment.

Déchirée entre ma peur de les complexer et d'en faire des frustrés et des pervers, et mon envie de ne me pas me taper la honte en public rien qu'une seconde de ma vie, j'ai quand même posé quelques principes de base:

- Ce n'est pas poli de se toucher le zizi devant les gens. On peut le faire quand on est tout seul à la maison, mais c'est tout.
- Mais moi je trouve que c'est rigolo de faire un tout gros zizi!
- Ben t'es bien le fils de ton père.
- Quoi?
- Rien. Je t'aimerai pour toujours. Même si tu deviens chelou.

Par contre, dans le cadre de l'acquisition de la propreté, ils ont passé l'essentiel de l'été dehors en slip ou cul-nu, et ça a créé des situations que j'avais honnêtement jamais vu venir:

- Quelle bonne idée d'avoir acheté cette petite pataugeoire!
- Ouais, au moins on peut se rafraîchir un peu pendant la canicule.
- Papa, regarde! Mon zizi a disparu!
- Qu'est-ce que.... SORS TON PÉNIS DE CET ESCARGOT TOUT DE SUITE!


(C'était juste une coquille vide.)

(Dieu merci, c'était juste une coquille vide.)

(Non parce que si déjà je dois commencer à économiser pour dix ans de thérapie, j'aimerais ne pas avoir à dédommager l'escargot en sus.)

Donc sinon, à part les incidents zizi, les enfants sont à peu près propres, s'habillent seuls, se lavent seuls, dorment dans un lit de grand, enfin bref, ils ont complété leur transition et ne sont officiellement plus des bébés.

Sauf quand ça les arrange, évidemment.

- Maman, tu poooooortes!
- Mais enfin Sammy, je ne vais pas te porter dans les escaliers, tu es beaucoup trop lourd! Et puis tu es grand maintenant.
- Mais non... Ze suis ton petit bébé. 

Moi:


- Oooooh mais bien sûr, viens dans mes bras tout de suite mon petit bébé d'amour.

Fla qui contemple la scène:


J'y peux rien, ces enfants ne sont pas vraiment expressifs dans leur affection. (Ce qui est le comble vu leur papa qui me répète que je suis belle et qu'il m'aime dix fois par jour.) (J'adore comme j'écris ça en mode ça me saoule, comme une sale connasse.) ("Oh nan, mon mec est beaucoup trop démonstratif! Tout le temps en train de me faire des bisous, de me prendre dans ses bras, de me dire à quel point je suis géniale, nan mais au s'cours".)

Bref, je dis à mes gosses que je les aime tous les jours, et en trois ans, ils ne me l'ont pas dit une. seule. fois.

(Tout juste avais-je droit à un petit "moui" du bout des lèvres quand je partais à la pêche en mode "Je t'aime, mon petit chou. Et toi, tu aimes ta maman?" comme une crevarde.)

Et je m'étais résignée à ce que leur affection ne soit délivrée que sous la forme d'un petit câlin mollasson et d'un bisou mouillé de temps en temps, quand un jour, sorti de nulle part, le miracle:

- Maman, je veux encore du ketchup!
- Il manque le mot magique.
- S'il te plaîîîîît!
- C'est bien. Voilà du ketchup.
- Merci! Tu sais maman moi je t'aime très fort.

Moi:


Et maintenant, ça les prend de temps en temps de le dire aux moments les plus aléatoires : pas quand on fait un câlin, pas quand je leur dis bonne nuit, mais par contre j'ai eu droit à des "maman je t'aime" en faisant les courses, au milieu d'un repas, en voiture, ou même pendant qu'ils étaient en train de pisser sur leur pot.

(Je prends ce qu'on me donne.)

Sinon, une question qu'on me pose souvent concernant mes enfants, c'est "qui est le meneur?"

(Pas "est-ce qu'il y a un meneur?", tu noteras.)

Je suppose que c'est une question qu'on se pose plus avec les jumeaux, vu qu'avec les enfants d'âge différents, on part du principe que l'aîné est le leader (ce qui est déjà un postulat merdique). Perso, je trouve ça tout aussi merdique de penser qu'il y a forcément un meneur et un suiveur dans une paire de jumeaux, et ça m'agace encore plus quand les gens me disent comme une évidence:

- Ha, ce Auguste, on voit que c'est le meneur, hein! Il a un sacré caractère!

(Malus x1000 : quand les gens me disent ça DEVANT les mômes.)

(Prophéties auto-réalisatrices, tout ça.)

Alors, que ce soit dit: oui, certes, j'ai un enfant qui a un caractère de cochon.

(Quelle idée aussi de lui donner un nom d'empereur.)

("Mais c'était un des bons empereurs!" Bah heureusement hein, tu voulais pas qu'on l'appelle Caligula quand même?)

Et oui, c'est vrai, Samuel est une assez bonne pâte avec son frère, et a tendance à céder à ses caprices pour lui faire plaisir (ou simplement le faire taire) avec une facilité déconcertante, et, souvent, malgré notre intervention.

(Genre quand Samuel chope le dernier yaourt à la framboise, qu'Auguste pète une pile, qu'on lui rappelle que la dernière fois c'est lui qui a eu le dernier et qu'il faut partager, et d'un coup, Samuel nous dit "en fait moi je voulais le yaourt à la fraise, j'ai changé d'avis, tiens Gus-Gus tu peux prendre le mien".)

Et on pourrait croire, de prime abord, que mon Sammy est une pauvre victime qui se fait constamment bolosser par son frangin tyrannique, mais ce serait bien mal connaître ces gosses.

(D'autant que, même à moi, il y a plein de choses qui m'échappent dans leur dynamique.)

Quoi qu'il en soit, c'est hyper réducteur de faire d'Auguste le leader de facto, quand tous les jours, j'ai droit à ça:

*au réveil, immédiatement* Il est où Sammy?

*au moment de mettre les chaussures*
- Tu veux tes Crocs ou tes sandales?
- Il a quoi, Sammy?

*au moment du goûter*
- Tu veux une tartine de confiture ou de chocolat?
- Il prend quoi, Sammy?

Et ainsi de suite, et ainsi de suite.


(Auguste quand son frère va pisser.)

Pour résumer : y'a pas de meneur, ils s'influencent tous les deux l'un l'autre, et pour ma part, je retrouve la configuration que j'avais prévue dès le début: un Président charismatique qui fait croire à tout le monde qu'il est confiant et décideur, et une éminence grise qui conseille dans l'ombre. 

(Ce sera un peu les Sarkozy et Patrick Buisson, mais sans le côté facho) 

(Ou bien les jumeaux Kaczynski, mais.... aussi sans le côté facho.)

(Bon, ou alors comme un Miterrand et François de Groussouvre.... mais sans le côté facho.)

(Okay okay, alors ce sera comme Nixon et Henry Kissinger, mais....okay tu sais quoi, oublie.)

(Je vais laisser Professeur Flaxou en faire des scientifiques, finalement.)

jeudi 4 août 2022

Un long week-end à Dublin


Et sinon je suis partie en long week-end à Dublin.

(Eh non, y'a pas que mes enfants dans ma vie!)

(Ils ne représentent QUE 95% de mon temps de cerveau disponible, okay?)

Avec mes copines Sarah et Lucie, on a décidé de se faire un petit break sans mômes et sans mari, le week-end de la liberté, le week-end des FOLIES FURIEUSES:

- Alors vous allez genre, sortir en boîte?
- Mieux! On va faire des MUSÉES!

(Oui, ça reste des week-ends entre intellos, hein.)

(Mais ça reste un truc qu'on ne peut pas faire avec des enfants en bas âge!)

(Liberté tout de même.)

(Au fait, je précise qu'on est parties en avril, mais je publie cet article en août, ça te donne une idée de mon temps libre.)

Et donc on est parties à Dublin avec un planning de folie, merci aux talents de Lucie la prof:

- Mercredi c'est la journée en bus à Galway, voici vos billets, NE LES PERDEZ PAS! Jeudi on a le rendez-vous à 9h30 pour la prison de Kilmainham, j'ai regardé l'itinéraire en amont, on a 32 minutes de tram et 16 minutes de marche, donc mettez vos réveils à 7h30, toi Charlotte 7h15 parce que je sais que tu prends ta douche le matin. Si jamais on se perd à n'importe quel moment du séjour, le point de rendez-vous c'est le salon de thé. On synchronise nos montres tout de suite?

(Tu la sens, la meuf qui est habituée aux voyages scolaires?)

Et autant te dire que l'ambiance était plutôt "hop hop" que "cool zen", parce qu'on est toutes mamans et qu'on sait bien que c'est pas tous les jours qu'on a des vacances où on peut faire ce qu'on veut sans boulets aux pieds nos adorables chérubins à prendre en compte.

Donc on a commencé fort, avec un voyage en bus pour les falaises de Moher et la petite ville côtière de Galway - voyage que Professeur Flaxou avait du mal à appréhender:

- C'est loin de Dublin?
- Ben c'est de l'autre côté du pays, sur la côte Ouest, donc c'est quatre, cinq heures de route.
- Donc vous allez passer huit heures dans le bus? En une journée? C'est de la merde!

Oh oui dis donc, quel cauchemar! 

Huit heures assise avec rien d'autre à faire que parler à mes amies, lire mon livre, ou écouter des podcasts sans interruption! Avec la possibilité de grignoter autre chose que des Dinosaurus pré-mâchés! 

(Huit heures de bus c'est pas un cauchemar, mec. Huit heures de bus, c'est plus de temps libre que j'en ai sur une semaine entière.)

(Bref.)

Un voyage pas regretté du tout, donc, vu que les falaises de Moher c'est plutôt incroyablement magnifique:



(Et en plus y'avait des boutiques et j'ai trouvé des peluches de macareux pour mes enfants.)

(Mes enfants que je m'étais juré de ne jamais laisser approcher d'une télé avant leurs trois ans, et qui ont saisi leurs peluches dans leurs petites mains en criant "C'est Oona et Baba! Comme dans Puffin Rock!".)

Et puis c'était direction Galway, en passant par Burren, un paysage lunaire complètement ouf:



Et par une très jolie campagne parsemée de lapins sauvages et de châteaux forts:



Pour finalement arriver à Galway et se rendre à l'endroit le plus important de la ville:

- On fait quoi, on va au port, à la cathédrale, ou...
- BOOKSHOP!!!!


C'était le grand dilemme du séjour : quel est le nombre maximum de livres qu'on se donne le droit d'acheter, sachant qu'on doit rentrer avec uniquement un bagage à main (bagage à main déjà quasi-plein à l'aller, au demeurant)? 

Ce nombre variait selon notre degré de bon sens : pour moi, c'était deux ; pour Sarah, trois; et pour Lucie, sept ("mais en fait juste quatre parce que l'un des bouquins c'était une trilogie mais regroupée en un seul toooome" OK mais qui a dû prendre un sac en plus juste pour caser ses bouquins de la taille d'une Bible, hm?)

Mais sinon Galway c'était joli hein:





Le lendemain, c'était direction Kilmainham Gaol, une prison qui commençait déjà avec un potentiel bien glauque:



(Rappelle-moi ce que je fous ici?)

Où on s'est pelé les miches pendant des heures:

- Et pensez qu'aujourd'hui, on a des vitres en verre et vous êtes bien habillés; alors imaginez la température pour les hommes, femmes et enfants qui étaient emprisonnés ici à l'époque.
- Excusez-moi? Vous avez dit "enfants"?
- Oui, en général des adolescents qui étaient condamnés pour vol ou mendicité, mais d'après les archives, il y a eu des enfants emprisonnés dès l'âge de 6 ans.
- Mais c'est terrible!
- Enfin c'était plutôt leur rendre service, parce que c'était l'époque de la Famine, donc au moins, quand ils purgeaient leur peine de prison, ils étaient nourris une fois par jour pendant quelques semaines...


(Su-per.)

On était bien contentes d'arriver dans la partie moderne de la prison:


Puis dans la cour extérieure, où on a même eu droit à un rayon de soleil:


Même si, évidemment:

- Et c'est dans cette cour que les rebelles de la guerre d'indépendance ont été fusillés au petit matin. Juste contre ce mur, là-bas! Vous trouverez leurs lettres d'adieux à leurs familles dans la dernière salle du musée.

Et donc on s'est dit "tiens, on a parlé que d'histoires glauques toute la matinée, et si on allait chialer un bon coup?"




(Je re-chiale en uploadant ces fichiers, pas merci mon SPM.)

On est sorties de là drainées et tristes, et on s'est dit, comment est-ce qu'on pourrait se remonter le moral cet après-midi? Et la réponse était plutôt évidente:


(DES LIIIIVRES)

Direction Trinity College, donc, et leur bibliothèque qui renferme l'incroyable Livre de Kells, un bijou médiéval incomparable et chef-d'oeuvre de l'art Anglo-Saxon, avec ses enluminures complètement gue-din:


Extraordinairement bien préservé pour un truc écrit sur du vélin, le livre est tellement protégé qu'on ne peut le voir que sous atmosphère contrôlée et dans une pièce tamisée, où il est présenté comme un truc du Da Vinci Code:


(Tellement envie de planifier un casse élaboré pour le voler tel Benjamin Gates.)

(Pour les curieux : ils tournent une page de temps en temps, c'est pas tout le temps la même.)

Et on aurait pu penser que c'était le clou de la visite, mais même pas!

- Non mais déjà, t'as payé une visite spéciale juste pour aller voir un vieux livre moisi, où t'as pu voir qu'une seule page parce qu'il est sous verre, j'espère bien que c'était pas ça le clou de la visite!

(Flaxou ne peut pas comprendre.)

Le clou de la visite, disais-je, c'était évidemment la "Long Room", l'iconique bibliothèque de Trinity College:


Cette splendeur!


Cette beauté!


(Cette ref)

Et encore, là, y'a pas cette extraordinaire odeur de vieux livres, faut se l'imaginer, mais vraiment c'est merveilleux. De loin mon moment préféré de tout le séjour, d'ailleurs c'est facile à juger, té-ma cet air béat et niais:


(Best. Day. Ever.)

- Ah okay, donc t'as passé l'aprèm à regarder de loin des livres que t'avais pas le droit de toucher, et ça, c'était ton moment préféré de tout le séjour?

(Professeur Flaxou ne comprendra jamais.)

Dans la Long Room, on trouvait aussi une sublime harpe en bois, appelée "la harpe de Brian Boru" (un roi de l'Irlande unifiée en l'an mille, et fondateur de la dynastie des O'Brien, un clan de nobles qui existe encore aujourd'hui) mais qui en fait n'est absolument pas la harpe de Brian Boru, puisqu'elle a été fabriquée vers le 14è-15è siècle. 


Les plus alcooliques d'entre vous auront sûrement reconnu la harpe, non pas pour son histoire de fake news, mais pour sa similarité avec le logo d'une célèbre marque de bière dégueulasse et amère comme l'anus de Satan très prisée dans le monde entier pour une raison qui m'échappe totalement.


C'est aussi cette harpe qui a servi de modèle pour les armoiries de l'Irlande (et qu'on trouve sur les passeports irlandais), mais ça, personne ne s'en est rendu compte, hein, bande de poivrots?



Une fois la visite terminée, c'était direction un autre musée:

- Eh attendez y'a une boutique!!!
- Ouiiiii la boutique!
- LA BOUTIQUE! LA BOUTIQUE!


(La meilleure partie du musée)

Une fois qu'on avait acheté des sacs, des porte-clefs, des stylos et des T-Shirts, donc, c'était direction Dublinia, le musée des Vikings.



Oui oui, j'ai bien dit "le musée des Vikings" en Irlande, ce n'est pas une erreur.

En fait, même si on a tendance à associer l'Irlande avec la culture celtique (et c'était bien le cas pendant des siècles), les Vikings ont envahi l'Irlande très tôt (dès le 9è siècle) et ont joué un grand rôle dans la création de villes (ils ont notamment fondé Dublin) et l'établissement de routes commerciales avec le reste de l'Europe. L'histoire de l'Irlande est pleine de batailles territoriales, alliances et trahisons entre Celtes et Vikings, jusqu'à ce que finalement ils se fassent tous poutrer la gueule par les anglo-normands (plus précisément par Henry II, roi d'Angleterre et duc de Normandie, et l'arrière-petit-fils de Guillaume le Conquérant).

Du coup, si on parle d'histoire de Dublin, on va en fin de compte parler plus des Vikings que des Celtes, parce que la ville n'existait pas avant l'arrivée des Vikings (c'était, comme un peu partout en Irlande, un grand marais).

Au musée de Dublinia, on suit l'histoire de la ville dans l'ordre chronologique, avec un côté très ludique, comme cet adorable petit cabinet d'apothicaire qui nous explique les remèdes courants aux maux du Moyen Age:


Et puis c'était l'heure de retourner faire un peu de shopping dans les meilleures boutiques de la ville:


(C'était fermé, tristesse infinie.)

Et puis d'aller boire une pinte en écoutant de la musique live (ce qui apparemment à Dublin veut dire "l'intégrale des Cranberries") (ça me va).



Le lendemain, après un appel à la maison pour m'assurer que tout allait bien:

- Ça va, les petits ne me réclament pas trop?
- Ecoute, ils ne t'ont pas mentionnée une seule fois, donc je pense que ça va. Les enfants? Vous voulez parler à maman?
- Heuuuu non on zoue là!
- Il dit qu'ils peuvent pas, ils jouent.


Le dernier jour, donc, c'était direction EPIC, le musée de l'immigration irlandaise, qui retrace toute l'histoire de l'énorme diaspora irlandaise et ses causes : la famine évidemment, mais aussi la pauvreté, la persécution religieuse, et pas qu'un peu les missions catholiques (parce que quel meilleur moyen quand on est persécuté pour sa religion que d'aller à son tour persécuter des gens en leur lavant le cerveau pour leur faire accepter des croyances qu'ils n'ont jamais demandé à connaître?) (BREF).

La plus grande partie du musée était surtout consacrée à l'influence de la diaspora irlandaise, principalement en Amérique, et la contribution des immigrants Irlandais à la politique, la diplomatie, la musique, l'art, l'écriture, le cinéma, etc.


Une pièce entière est d'ailleurs consacrée à une fresque réunissant tous les Irlandais célèbres issus de la diaspora : des immigrés de première génération, comme l'écrivain Oscar Wilde, l'explorateur Ernest Shackleton ou les acteurs Liam Neeson et Peter O'Toole, ou encore des immigrés de seconde et troisième génération, comme Grace Kelly, ou encore Ronald Reagan (celui-là je sais pas pourquoi vous essayez de vous l'approprier, c'est le roi des salauds au pays des trous du cul, laissez-le aux Américains, honnêtement).

Là où c'est rigolo, c'est que les gars ont clairement vu large quand ils ont pensé "Irlandais", parce qu'on trouvait dans ce musée les accomplissements de personnalités comme John Kennedy, dont la famille était Américaine depuis quatre générations (il faut remonter à son arrière-grand-père pour trouver un gars né ailleurs qu'à Boston). Mais bon, soit, la famille Kennedy est connue pour avoir clamé leur héritage culturel haut et fort à une période où il était de bon ton de le cacher, donc je comprends qu'on les intègre dans la culture irlandaise.

Par contre, je t'avoue que j'étais un peu perplexe quand j'ai vu qu'ils avaient dans leur collage Barack Obama ou même notre de Gaulle national, et accroche-toi pour les justifications, tu vas voir que c'est un travail de généalogie presque paléontologique:

Barack Obama, c'est son arrière-arrière grand-père du côté de sa mère qui a émigré aux Etats-Unis en 1850 (on dira donc qu'il a eu sur le jeune Barack une influence.... pas ouf).

Pour notre bon Général, c'est son arrière-arrière-grand-père du côté maternel qui était (déjà) militaire dans la brigade irlandaise, des mercenaires servant l'armée française sous l'Ancien Régime. 

Donc on est clairement là, OKLM, en train de revendiquer l’identité d'un gars dont 1) les racines irlandaises remontent à avant la Révolution Française et 2) qui était probablement le Français le plus chauvin que la terre ait jamais porté? Vous êtes souples, hein, les potes.

("Oui mais on a un très grand musée et on a besoin de monde pour le remplir, okay?")

Ils avaient tellement besoin de monde qu'ils ont même parlé des criminels et hors-la-loi:


("Oui okay, c'était un voleur et un meurtrier, mais c'était un Irlandais! Wouhou!")


(Putain et même lui c'était un deuxième génération mais les gars JPP de vous.)

Après, on dira ce qu'on voudra, mais ça montre une certaine ouverture d'esprit de revendiquer des gens qui sont loin d'être des Irlandais de souche. (Alors que chez nous, pour Chopin et Marie Curie, on a eu aucun mal à dire "c'est bon ils sont à nous", mais pour qu'on accepte Zizou il a dû gagner une Coupe du Monde, je me demande à quoi c'est dû.) 

Et après encore un déjeuner hautement gastronomique:


(Oui mais chaque musée c'est genre 20 balles hein)

C'était direction le dernier musée de ce long week-end : le musée de l'archéologie.

Et là, clairement, les filles m'ont perdue.

Parce que non seulement le musée est GIGANTESQUE:


Mais en plus il est plein de trucs incroyables, comme des objets d'art de la période Viking:


Des myriades de colliers et torques en or datant de l'âge de Bronze:


Une pirogue de 4500 ans creusée dans un tronc évidé et fossilisée dans les marais:


Et plein d'autres trucs en état incroyable retrouvés dans les marais (qui étaient partout, je le rappelle), notamment des corps humains sous vide qui ont visiblement mis les archéologues en émoi, cf. cette vidéo du musée qui montrait un expert tentant tant bien que mal de maîtriser son enthousiasme morbide:

- C'est une découverte absolument incroyable! Rendez-vous compte, on a un cadavre qui date de l'Age de Pierre, deux mille ans avant Jésus-Christ, donc un corps vieux de plus de quatre mille ans! En temps normal, on aurait quelques dents, des morceaux d'os si on a de la chance, et là, là, là! On a tout!! Pas juste des restes fossilisés de fibres textiles, mais des vêtements entiers ! Des cheveux! De la peau! Des ongles, des empreintes digitales, même des ORGANES VITAUX! On a même pu analyser le contenu de son estomac et voir ce qu'il avait mangé juste avant sa mort !!! C'est fabuleux!!

(Y'a rien de plus mignon qu'un scientifique qui est trop heureux d'un truc complètement nul pour le commun des mortels.)

En vrai, j'avoue que cet enthousiasme était contagieux, parce que moi aussi j'ai passé une-demi heure devant les momies des marais en mode:

- Nan mais c'est trop cool, vous avez vu ses yeux? Ils sont encore là! 
- C'est un peu dégueu quand même.
- Et il a même encore des poils de barbe, c'est fou!
- Dégueu.
- Regarde là, on voit même un bout d'entraille qui dépasse!
- Je me casse.
- A toute!

Pour les curieux, ces momies des marais seraient apparemment des sacrifices humains, probablement des rois ou des princes, dans la croyance que, les rois étant liés à la terre, leur sacrifice apaiseraient les dieux lors de périodes de mauvaises récoltes. Le dernier repas de chaque victime consistait en un mélange de céréales et de lait ou de beurre, encore une fois une histoire de symbole liée à la fertilité de la terre. D'ailleurs, on a retrouvé plusieurs centaines de kilos de beurre enterré un peu partout dans les marais irlandais, apparemment c'était une offrande. 


(La main momifiée de "Old Croghan Man", l'un des corps retrouvés récemment)

(Ils ont aussi retrouvé des tonnes et des tonnes d'objets en or enterrés un peu n'importe où, et ils savent pas vraiment si c'était des offrandes, des cachettes en cas de périodes de guerre, ou si juste les Irlandais étaient des genres d'écureuils dont le premier réflexe quand ils recevaient un truc précieux était de l'enfouir dans le sol.)

Après toutes ces émotions, c'était l'heure d'une pause-goûter dans le très prout-prout café Queen of Tarts:


- T'as vu comme le serveur il a direct donné la jolie fourchette à Sarah?
- C'est parce qu'il a reconnu sa qualité intrinsèque de princesse!
- Enfin, je mange plutôt comme une princesse... des égouts.

Puis on s'est dit que ce serait quand même abusé de visiter Dublin sans aller dans une église, donc on a fait un petit crochet par la cathédrale St Patrick:



Avant de retourner à l'auberge de jeunesse, les pieds en compote:

- P'tain en plus j'avais une super crème pour les pieds de l'époque où je bossais chez Lidl et où je faisais dix bornes par jour.... Et j'ai oublié de l'emmener.
- Honte sur toi, Sarah!
- Ouais, t'as oublié d'où tu viens!
- DES ÉGOUTS!

(On aura quand même marché 43 bornes sur l'intégralité des trois jours.)

(Et sans crème pour les pieds.)

Et ce fut le retour triomphant au bercail:

- Mes amours! Vous m'avez manqué!
- Faites un bisou à maman, et ensuite on va au lit.
- Oui, et il faut faire un gros dodo, parce que demain, on a une grosse journée!
- Demain tu repars en vacances?
- Haha! Mais non, mon chéri, je suis rentrée, ça y est.
- Ah donc demain y'aura pas de cadeaux?

(On est peu de chose.)