(Salut, je suis un drogué Gettyimages, je me fais des rails de sucre en poudre avant d'aller à la Bourse)
Professeur Flaxou et moi, on est un peu un couple de puritains concernant les paradis artificiels.
C’est-à-dire
que mon expérience se résume à… rien du tout.
Oui, c’est
dur à croire, je sais. Ma mère ne m’a jamais cru, d’ailleurs. Quand est arrivé
le moment où il a fallu me parler des choses de la vie (les abeilles, les
fleurs, l’héroïne, tout ça), ça a donné une conversation un peu comme ça :
- Bon, et
puis tu sais, la drogue, c’est mauvais.
- Je sais.
- A ton âge,
c’est sûr, on ne voit pas les dangers, on a envie d’expérimenter…
- Non, mais
en fait, j’ai pas spécialement envie.
- Charlotte.
Ne me mens pas. Je sais que tu as déjà essayé la drogue.
- Quoi ?
Mais non !
- Oh, allez !
Tu vas me dire que t’as jamais tiré sur un pétard ?
- Ben, non !
- Ecoute, je
suis peut-être ta mère, mais je ne suis pas stupide ! Moi aussi j’ai été
jeune !
- Mais je…
- Moi aussi
j’ai pris du LSD !
Eh ben
heureusement que j’ai jamais pris de drogues, parce qu’avec la conversation
suivante, j’aurais pu remballer ma mère toute ma vie à chaque fois qu’elle m’aurait
dit « Ceci est une intervention ».
- T’as pris
du LSD ?
- Mais je
savais pas ! C’était dans la bouteille de gin que ce mec m’a tendu en
boîte. J’allais pas non plus vérifier chaque bouteille qu’un inconnu me filait !
C’était une
autre époque, c’est ça qu’il faut se dire.
- Non, et
puis MOI je le connaissais pas, mais c’était un ami de Michèle.
- Michèle ?
Ma MARRAINE Michèle ?
OK, c’est
super, ma marraine connaissait des gens qui droguaient les jeunes filles à leur
insu. Tout va bien.
- Non, mais
c’était rigolo, parce que du coup, on en avait toutes pris, et après Nadine
était allongée dans un champ de poireaux et on arrivait pas à la relever…
- Nadine ?
La marraine de ma sœur, Nadine ?
De mieux en
mieux.
- Mais bon,
on a rien dit à ton père, sinon il nous aurait engueulées.
- Ben oui, accepter
de l’alcool de gens qu’on connaît pas !
- Mais non,
pas pour ça ! Il nous aurait engueulé parce qu’on est rentrées en voiture !
Tu sais, ton père, ça a toujours été un peu un rabat-joie.
Ah oui, c’est
sûr. C’est super joyeux de faire Mulhouse-Kaysersberg en voiture à quatre
heures du mat’ quand on voit à peine la route parce qu’elle se fond dans une
forêt enchantée (sic.)
Cette conversation
m’a complètement traumatisée. (Surtout quand j’ai appris que c’est ce soir-là
que ma mère, complètement fonce-dé, a dit à ses amies « Je vous aime et si
j’ai des enfants vous serez les marraines ! » C’est du joli.)
Du coup, je
sais pas si c’était juste pour emmerder ma mère parce qu’elle me croyait pas,
mais j’ai jamais essayé de drogue, même pas des douces. Jusqu’en 2007, j’avais
même jamais essayé la clope ; ensuite j’ai tiré une taffe des clopes
soviétiques à 17 roubles d’Adèle, par un bel après-midi à Kitaï Gorod (comment
je me la pète, genre je connais les noms des quartiers de Moscou – en fait c’était
juste quelque part à Moscou, je sais plus trop où, y’avait un étang et des
canards, c’était très joli) et tout le monde s’est foutu de ma gueule :
- Nan, mais
là, tu crapotes ! Faut avaler la fumée !
Donc moi, j’ai
avalé la fumée comme t’avales un verre d’eau, normal ! Ensuite j’ai failli
mourir étouffée et tout le monde a rigolé, parce qu’apparemment, c’est pas
comme ça qu’on avale la fumée (mais c’est comme ça qu’on chope un cancer du
larynx). Je sais pas, moi, on me dit d’avaler, j’avale !
ATTENTION :
La phrase ci-dessus ne doit en aucun cas être sortie de son contexte. T’es
gentil.
Cette
première expérience avec la cigarette n’a donc pas été très concluante (après, j’avais
un mal de tête et un goût de vieux cendrier dans la bouche pendant 12 heures).
(Bon, c’était peut-être parce que c’étaient les clopes les moins chères de
toute la Russie, ceci explique cela.)
Ensuite, une
autre fois, j’ai fumé une chicha (et là, laisse tomber, on me la fait pas à l’envers,
j’ai rien avalé du tout), mais c’était pas de la drogue, c’était juste du
charbon parfumé à l’orange.
(Juste du
charbon. Pas de souci. Ça se saurait si le charbon c’était mauvais pour la
santé. Regarde les mineurs dans « Germinal » : c’est des
chochottes, c’est tout.)
Et mon
expérience avec les choses qui se fument se résume à ça.
(Mon
expérience avec les choses qui s’injectent se résume à mon rappel
diphtérie-tétanos-polio, et mon expérience avec les choses qui se sniffent se
résume à ma morve.)
Et quant à
Professeur Flaxou, c’est un peu plus insidieux (et beaucoup plus marrant).
Parce que,
vois-tu, Professeur Flaxou, son expérience avec la drogue c’est : 3 taffes
sur un joint en une soirée (suite à quoi il a passé la nuit à vomir).
Par contre,
Professeur Flaxou, il a un physique un peu spécial au niveau du visage :
il a des cernes.
Mais alors,
quand je te dis des cernes, c’est pas des cernes laïques, hein ! C’est pas
genre « Oh j’ai mal dormi la nuit dernière, j’ai des cernes ! »
C’est genre « Oh j’ai pas dormi depuis soixante ans et tous les matins je
me verse du jus de citron dans les yeux », ce genre de cernes.
En plus, trois
mois de l’année, il fait une allergie au pollen, et ses yeux passent de bleus et
jolis à rouges et gonflés (avec occasionnellement des petites larmes qui
suintent de ses paupières bouffies, c’est charmant).
Du coup,
tout le monde essaye de lui vendre de la beuh.
(En plus, si
Professeur Flaxou voulait acheter de la drogue, je pense qu’il préférerait
simplement traverser le couloir et aller chez notre voisin le dealer, qui
embaume l’ascenseur avec ses odeurs de chichon (un jour je suis montée jusqu’au
huitième avec lui, je te jure, j’étais un peu stone rien qu’avec ça)).
Mais quand
je dis « ils essayent », c’est pas « Psst ! Tu veux la drogue ? ». C’est des
mecs, quand ils voient des clients potentiels, ils font pas semblant, hein !
Par exemple,
un soir, Professeur Flaxou prenait le train, et faisait un somme dedans. D’un
seul coup, il sent une main qui le secoue. Il ouvre les yeux, et devine quoi ?
Ouais, c’était un mec qui l’avait réveillé
pour lui vendre de la drogue !
(En bonne communicante,
quand il m’a raconté l’histoire, après avoir rigolé un peu, je me suis surtout
indignée face à la stratégie de com employée par le dealer. Merde, mais c’est
complètement contre-productif, comme attitude !)
(En même
temps, quelque chose me dit que les dealers suivent rarement des cours de
marketing.)
Et alors,
hier, c’était quand même le top du top.
Professeur Flaxou
était sur son vélo, et allait à un entretien d’embauche. Donc faut l’imaginer
en costard, avec une cravate, des belles chaussures, et son SUBLIME VTT vert et
rose de quand Décathlon avait qu’une seule marque (la marque « Décathlon »).
Et là, y’a un
mec qui le voit, qui se fout sur la route, qui manque de se faire renverser par
une voiture, qui barre le passage à Professeur Flaxou avec ses bras, et qui lui
dit :
- Eh ? Bien
ou bien ? Tu veux acheter du matos ou quoi ?
(Comme quoi,
c’est la crise pour tout le monde :
même les dealers se jettent sous les roues des voitures pour éviter la faillite.)
Et sinon, je
sais pas comment finir mon article, alors je finirai par la parade (bien connue
des Skyblogs) de la question « lâche tes coms » : et toi, on a déjà
essayé de te vendre des trucs illégaux ? (beuh, coke, feux d’artifices en
provenance d’Allemagne ?)
(Tu peux te lâcher, je suis pas Vigipirate.)
(Tu peux te lâcher, je suis pas Vigipirate.)