Ça fait longtemps que j'ai pas parlé de contes et légendes par ici. Et comme les frimas de l'hiver naissant (paye ton climat semi-continental) me rend nostalgique des histoires au coin du feu (paye ton chauffage au bois dans la forêt), eh ben je vais vous raconter une histoire de chez moi.
(J'ai trop halluciné mais il paraît que des gens ne la connaissent pas!)
C'est l'histoire d'un garçon qui s'appelait Hansel, et de sa sœur qui s'appelait Gretel. (En fait c'est Hans et Gretchen, mais c'est les diminutifs allemands.) Mais comme j'avais dit que je vous raconterai une histoire de chez moi, je vais vous raconter l'histoire d'un garçon qui s'appelait Seppala et de sa soeur qui s'appelait Jeannala. (Joseph et Jeanne, mais avec des diminutifs cette fois-ci alsaciens.)
L'histoire de Jeannala et Seppala, c'est exactement la même que celle de Hansel et Gretel, sauf que Jeannala et Seppala habitent du bon côté du Rhin. (ha! ha!)
Donc Jeannala et Seppala habitent dans une cabane, dans les bois, on va dire vers Kaysersberg (comme ça tu t'attaches plus à l'histoire) et leurs parents sont pauvres alors ils leur donnent pas à manger. Mais comme ils sont pas aussi ingrats que les parents du Petit Poucet, ils les abandonnent pas dans la forêt, ils leur font juste manger des cailloux.
Un jour que Jeannala et Seppala sont allés dans la forêt relever leurs pièges à sanglier (c'est comme des pièges à écureuils, mais en plus gros), ils s'enfoncent dans les bois et ils se perdent.
Soit dit en passant, faut vraiment le faire exprès pour se perdre dans les bois à Kaysersberg, parce que d'un côté tu tombes sur la cartonnerie, et de l'autre côté tu tombes sur Ammerschwihr. Il faudrait monter tout droit pendant deux heures et passer sur l'autre versant, mais bon comme c'est des pentes à 50 degrés, tu te rends un peu compte que t'es du mauvais côté de la montagne. (Et puis de toute façon, si tu marches pendant dix ou douze heures, t'arrives à Munster et là c'est la civilisation à son sommet, rends-toi compte, ILS ONT UN SALON DE COIFFURE!)
(Il y a une autre version avec les parents qui les abandonnent, des cailloux blancs et des miettes de pain, mais moi on me racontait qu'ils se perdaient. Et puis de toute façon, les cailloux blancs, je pense qu'on en a déjà fait le tour.)
Et pendant que Jeannala et Seppala sont perdus pour toujours sur au moins quatorze kilomètres de forêt inhospitalière, voilà qu'ils tombent sur une maisonnette nichée au milieu d'une clairière. Cette maisonnette a la particularité d'être construite entièrement en pain d'épice.
Alors là on rigole bien, parce que les frères Grimm ils ont de l'imagination à revendre, mais pas tellement d'esprit pratique. Je sais pas toi, mais moi je m'imagine vivre dans une maison en pain d'épice, et franchement bonjour la galère : déjà vas-y comment ton régime il en prend un coup, au bout de deux jours t'as plus de maison et tu te pèles le cul dans les bois, mais par contre t'as trente kilos en plus. Et puis en admettant que tu résistes à la tentation, il n'en reste pas moins vrai que 1) vas-y pour nettoyer 2) je doute que ce soit très isolant l'hiver et 3) l'été, non mais t'imagines le nombre d'insectes au centimètre carré?
Bref, dans la maison de pain d'épice vit une vieille sorcière. De toute façon, le fond des bois, on l'a compris, est l'endroit le plus mal famé de la galaxie, pire que downtown Los Angeles, pire que le Neuhof, pire que (tam taaam) CORBY elle-même. Quand tu te perds dans le fond des bois, t'as une chance sur deux de tomber sur un ogre ou une sorcière qui va essayer de te boulotter à l'apéro, c'est statistique.
Il se trouve que cette sorcière mange les enfants (sans blaaague) et que la maison en pain d'épice est un habile stratagème pour attirer les petits enfants dont elle est friande (et j'espère pour elle qu'elle est aussi friande de mouches).
Jeannala et Seppala, ils sont pas trop au courant ou alors ils sont un peu cons (en même temps, la montagne alsacienne au Moyen Age, v'la le taux de consanguinité) et puis aussi, la rando, ça creuse, donc ils se mettent à mâchouiller la maison. Là encore, les frères Grimm ne sont pas avides de commentaires quant à la manière dont ils s'y prennent. Mais personnellement, je pense qu'ils commencent par les coins, parce que c'est plus facile à mordre. (On voit que j'ai eu le temps de réfléchir à ce genre de choses pendant mes cours d'allemand du lycée.)
Sur ces entrefaites, la sorcière surgit de sa maison et leur dit :
- Non mais ça va pas bien de bouffer ma maison??!
(Sur ce coup-là je suis un peu d'accord avec la sorcière, c'est pas des manières. On est pas en Lorraine ici, ho.)
Elle attrape Seppala et le met dans une cage, et elle force Jeannala à devenir sa servante, en la menaçant de tuer son frère si elle essaye de s'échapper. (Vous avez remarqué? C'est la fille qui se retrouve à faire la boniche et c'est le garçon qui se la coule douce en cage, ah bravo la perpétuation des clichés.) Ensuite Jeannala doit faire la cuisine pour engraisser son frère, comme ça la sorcière peut le manger (vas-y le taux de cholestérol qu'elle doit avoir). Et tous les matins, elle vient vérifier si Seppala devient bien gras.
Seulement la sorcière est presque aveugle, du coup elle le fait tendre son bras à travers les barreaux et elle le tâte. Et pour la duper, Seppala lui tend tous les matins un os de poulet, comme ça, elle a l'impression qu'il ne grossit pas. (Dis donc, sacrée moche vue quand tu ne sais pas faire la différence entre un bras humain et un os de poulet. Ça ne m'aide pas à expliquer comment, au début de l'histoire, elle a réussi à choper Seppala et à le mettre dans une cage. Je penche pour l'option "Dexter", c'est-à-dire qu'elle l'a piqué avec une seringue de tranquillisants d'abord.)
Donc la sorcière n'est pas trop contente, et on la comprend ! Elle doit voir passer trois gosses par an dans son trou paumé. (J'espère qu'elle mange des blaireaux, ou quelque chose, à côté.) Alors elle perd patience et elle décide de manger Seppala. Elle dit à Jeannala "Allume le four, je vais bouffer ton frère, tiens-moi au courant quand le four est bien chaud et pas d'entourloupes" (elle doute de rien, la moche).
Jeannala attend que le four devienne bien chaud, et puis elle dit :
- Oh là là dame sorcière, j'étions trop petite, je ne saurions vérifier si l'poêle étaisse ben chaud.
(Quoi? C'est pas comme ça qu'ils parlaient dans les temps anciens?)
Du coup la sorcière tombe en plein dans le piège qu'on a vu venir gros comme une maison (de pain d'épice, ha ha!) et elle dit à Jeannala :
- Poussez-t'y, la vilaine, j'allois y vérifier par moi-même la chaudure de cey feu.
(J'adore parler comme ça.)
La sorcière se penche vers le poêle, et là Jeannala la pousse un bon coup et l'immole dans le four sus-nommé. (Fallait y penser.)
Tout heureuse, elle court délivrer son frère, et ils repartent de chez la sorcière avec son trésor (mais d'où sort-il celui-là?). Encore une fois comme dans tous les contes de fées, on ne sait pas trop comment ils rentrent chez eux, vu qu'à la base ils étaient perdus et que c'est pas en restant trois semaines dans une cabane de pain d'épice que tu acquiers magiquement un sens de l'orientation (quoique...il faudrait faire le test pour le prouver). Quoi qu'il en soit, ils rentrent chez eux (Seppala sans doute un peu essoufflé) et ils sont accueillis par leurs parents avec des larmes et des cris de joie.
Ce qui rend ma version de l'histoire beaucoup plus crédible; laissez-moi vous rappeler que dans l'autre version, ils essayent de les perdre DEUX FOIS, alors pourquoi être heureux quand les enfants reviennent?
(Je penche pour la solution évidente : 1) ils sont heureux à la vue du fric, pas des enfants 2) maintenant que Seppala est gros, ils peuvent le manger.)
Voilà, c'est la fin de l'histoire de Jeannala et Seppala. J'espère qu'elle vous aura donné envie de manger du pain d'épice et des mandarines (pour ma part, j'en suis à ma deuxième boîte de Schoko-Lebkuchen).