Et donc en Nouvelle-Zélande on avait un long week-end, parce que le dernier lundi d’octobre, c’est la fête du travail.
(En souvenir du 28 octobre 1890, qui était la première fête du Travail en Nouvelle-Zélande, et le premier anniversaire du Maritime Council – une organisation regroupant les tout premiers syndicats du pays.)
Bref, depuis, on a un long week-end à chaque fin octobre, et c’est cool parce que c’est presque l’été.
Donc, avec Flaxou, on s’est dit que c’était bien beau de vivre emmurés sous la pluie depuis juin, mais que maintenant, c’était reparti pour la saison des road trips.
Donc on est partis en direction d’une région qu’on n’avait jamais visitée avant : la région de Gisborne, aussi appelée « Eastland ».
(Les routes sont en rouge et jaune, les chemins de terre battue sont en blanc.)
• Le bon vin
• Le micro-climat ensoleillé
• Le décor de tous les films ou séries qui se passent chez les Maoris en milieu rural (on peut citer Boy ou encore Whale Rider - deux excellents films, soit dit en passant)
• Le dicton selon lequel cette région est « la première au monde à voir le soleil tous les matins » et qui m’a fait hausser les sourcils jusqu’au plafond, parce que pendant un moment j’ai sincèrement cru que les Kiwis n’avaient pas saisi que la terre était ronde, mais fausse alerte, en fait ils parlaient juste des fuseaux horaires (sauf qu’en fait, même là, Samoa ou Fidji voient techniquement le soleil se lever avant eux, mais bon, tu as maintenant l’habitude du raccourci Nouvelle-Zélande = le monde entier.)
Et bien entendu, aucune région côtière de Nouvelle-Zélande ne serait complète sans son phare tout moisi qui est inexplicablement super important.
(Ceci est une photo Google – on n’y est même pas allés.)
(C’était deux heures et demie de route sur une voie non goudronnée pour voir un phare de deux mètres de haut, alors merci bien, on s’est fait rouler une fois, mais pas deux.)
La région Est telle qu’on l’a expérimentée est un endroit beau, grand, et très rural – la moitié du territoire, c’est des parcs naturels, et l’autre moitié, c’est des pâturages pour vaches et moutons.
Un résumé rapide des caractéristiques typiques de la région Est :
• Des petites routes qui serpentent au bord de la côte et/ou dans des gorges
• Plein de marae (maisons de rassemblement pour les communautés maories)
• Plein de bétail et d’animaux domestiques qui se baladent au bord des routes (non seulement des vaches et des moutons, mais aussi des poules, des chevaux, des dindons, des chiens, et même des paons)
(Sérieusement ? Des paons ?)
Ça doit être une tendance de la côte Est, je sais pas comment te l’expliquer, mais y’en a littéralement tous les kilomètres.
On en a tellement vu qu’on en a fait un jeu de voiture avec Flaxou, dont je te livre ici les règles en exclusivité : le but est d’arriver à dix points pour gagner la partie. Si tu es le premier à repérer la boîte aux lettres/micro-ondes, tu dois crier « MICRO-ONDES ! » et tu gagnes un point. Par contre, si tu te prononces trop tôt et qu’il s’avère que c’était pas un micro-ondes, mais une boîte aux lettres normale, tu perds deux points.
(On s’est quand même arrêtés une fois en plein milieu de la route pour double-checker ce qui s’est avéré être un mini-four-boîte-aux-lettres.)
(On a décidé que le point serait accordé quand même.)
Bref, voici venu le moment de te détailler nos aventures.
On est partis vendredi soir et on a fait les 5 heures de route jusqu’à Whakatane assez pépères. Arrivés à l’hôtel passées 22h, évidemment, la réception était fermée, mais comme j’avais appelé pour dire qu’on arriverait tard, ils nous avaient laissé les clefs dans un dispositif super sécurisé : dans une enveloppe devant la porte d’entrée.
(Je rigolerais bien si je ne savais pas pertinemment qu’aucun Kiwi – fût-il un brigand mal intentionné – n’irait jamais ouvrir une enveloppe si elle n’est pas à son nom.)
(Y’a des choses qui sont au-delà du tolérable même pour les gangsters.)
Bref, le lendemain matin, on a embarqué sur le petit bateau d’une compagnie de tourisme locale, direction White Island, une île volcanique située à 48 kms des côtes.
Et 48 kilomètres en pleine mer sur un petit bateau, c’est long. Deux heures, pour être précise.
Et deux heures, quand il fait moche et que le bateau tangue, c’est looooooong.
Bref : tout le monde a vomi partout.
(Tout le monde sauf Professeur Flaxou, sans doute protégé par l’aura de son quart d’ADN breton.)
Y’en a qui ont vomi par-dessus bord, y’en a qui ont vomi dans les toilettes, y’en a qui ont eu pas de bol et ont vomi sur le pont, et y’en a qui ont eu encore moins de bol et ont vomi dans le bateau – ce qui a fait vomir les rares gens qui vomissaient pas déjà.
(Oui je sais, j’ai beaucoup dit « vomi » dans ce paragraphe, mais y’en avait vraiment beaucoup.)
Moi j’ai tenté d’être brave, et je suis restée presque tout le voyage à serrer les dents et les poings, les yeux fixés sur l’horizon, en me répétant « Tout va bien. Tu n’as pas la gerbe. Tu te sens super. Tu es une Viking. »
Et puis, alors qu’on approchait tout juste de l’ile et que je me disais « Ouf, ça y est, on est arrivés, bien joué championne ! », y’a un type dans le bateau qui a renversé son petit sac en papier, et là, mon cerveau s’est mis en mode « survie primale » :
- Ça sent le…vomi? VOMI! OH MON DIEU QUELQU’UN A VOMI! ON EST TOUS EMPOISONNES ! ON VA TOUS MOURIR ! AZY GERBE !
- Mais c’est juste le mal de mer…
- GERBE J’TE DIS !
- Mais on a même pas mange la même cho…
- MAINTENANT ! ET QUE CA SAUTE!
Et donc j’ai dégueulé tout mon petit-déj dans le sac à vomi le plus minuscule du monde (mais j’ai réussi à pas en mettre une goutte à côté malgré le tangage de compète du bateau, j’étais super fière) et ensuite mon cerveau était très content :
- Aaaaah ben voilà ! On se sent mieux maintenant, pas vrai ?
- Ben….oui.
- C’est parce qu’on avait mangé un truc empoisonné. Maintenant c’est sorti de notre système. Je nous ai sauvé la vie.
- Mais pas du tou…
- TU VAS MIEUX OU TU VAS PAS MIEUX ?
(Les instincts de conservation, ces gros trolls.)
Bref bref.
Une fois que tout le monde avait pris un chewing-gum Emile (références de 1994 bonjour), on a enfin débarqué sur le plancher des vaches, ou plutôt le plancher des cailloux et du magma en fusion, qu’est White Island.
White Island, c’est une île qui est en fait pas vraiment une île, mais un petit volcan.
Et il est plutôt incroyablement actif, ce qui est super cool si on a pas peur de jouer avec le destin :
- Et autour de vous, vous pouvez voir les cratères de la dernière grosse éruption.
- C’était il y a combien de temps ?
- Oh, ça fait longtemps. Au moins… un an.
- …
- Peut-être même un an et demi.
AH BAH TU ME RASSURES VACHEMENT, HAROUN TAZIEFF, DIS DONC.
- Alors, on vient de me signaler que les sismographes ont détecté une activité volcanique élevée durant les trois dernières heures.
- Alors quoi, on doit évacuer l’ile ?
- Oh bah nan, on va quand même finir le tour. On va juste s’approcher un peu moins près du gros cratère de soufre en fusion.
(La bonne idée de l’année.)
Mais malgré le fait qu’on aurait pu mourir, c’était quand même super fun.
On a vu plein de trous qui fument et qui sentaient l’œuf pourri, on a fait coucou à un immense cratère de boue en ébullition (mais qu’on n’a pas vraiment pu voir, rapport à toute la vapeur), on a toussé nos mères dans les nuages de soufre, et on a bu de l’eau pleine de métal :
- Voici la seule source d’eau potable de l’ile. Allez-y, goûtez. Ça a quel goût?
- C’est salé, et… ferreux.
- C’est parce que cette eau contient énormément de minéraux. Beaucoup trop pour les êtres humains, d’ailleurs – surtout parce qu’il a plein de métaux lourds : du fer, de l’or, du mercure, du plomb…
SUPER JEAN-MI, TROP SYMPA DE ME DIRE CA UNE FOIS QUE JE L’AI BUE.
(Mon estomac plaqué or ne te dit pas merci.)
White Island a autrefois été occupée par une compagnie minière, et les mineurs habitaient dur l’ile pendant huit mois d’affilée et minaient le soufre sur les parois de la montagne.
C’était pas particulièrement mauvais pour la sante d’être sur White Island, parce qu’ils minaient à l’air libre et que le soufre n’est pas mauvais pour les poumons (donc ils avaient moins de problèmes de sante que les mineurs de charbon, par exemple). Par contre, ils devaient se brosser les dents dix à douze fois par jour, parce que le soufre rongeait l’émail de leurs dents.
(Mais bon, à choisir entre des dents pourries et un cancer du poumon, c’est vite vu.)
Le seul problème, c’est qu’ils se retrouvaient souvent à bosser à moitie à poil, parce qu’ils devaient attendre le bateau de ravitaillement pour leur apporter des nouvelles fringues, mais l’acidité de l’air et de la terre rongeait tous les textiles super vite.
(On peut donc dire que White Island était la première île naturiste de Nouvelle-Zélande.)
(Pourtant ça avait l'air super, y'avait des bains de boue thermaux et tout.)
(Tu payes une blinde en thalasso pour un truc pareil.)
(On a essayé de me faire croire que c’étaient des pièces de fonderie, mais je reconnais un mécanisme Dwemer quand j’en vois un, va pas me la faire à l’envers.)
Et puis c’était le moment redouté du retour, qui en fait s’est très bien passe parce que la mer s’était calmée entre-temps.
(J’ai quand même attendu d’être sur la terre ferme pour manger le sandwich qu’ils m’avaient filé.)
(Courageuse mais pas téméraire.)
C’était donc un samedi super fun, même si toutes nos fringues, nos cheveux et la voiture ont senti le soufre pendant trois jours, on avait l’impression d’avoir fait un brunch avec Satan, c’était formidable.
On a passé l’essentiel du samedi soir et du dimanche matin sur la route, avec un court arrêt pour la nuit dans un motel qui sentait bon le formica et la naphtaline – ce qui était quand même trop de confort pour Professeur Flaxou le prolo :
- Tu nous a pris une chambre pour la nuit dans un motel ! Un MOTEL ! Alors qu’on aurait pu se garer sur le bord de la route et dormir dans la voiture !
- Mais on peut se permettre de dormir dans des motels maintenant : on a du boulot, on gagne notre vie.
- On se RAMOLLIT, oui !
Car oui, Flaxou a beau avoir 30 balais, dans sa tête, il est toujours étudiant.
- Normalement, en vacances, on va pas dans des hôtels. C’est des trucs de prout-prout, ça. En vacances, on se lave dans les rivières, on dort sur la plage dans un sac de couchage, et on mange des pâtes à l’eau.
- T’as mangé du steak littéralement à chaque repas depuis avant-hier.
- Ah ! C’est ta bourgeoisie qui me contamine !
(Et encore, ça c’était avant qu’on arrive. Quand il a vu qu’on avait une salle de bains incluse, j’ai cru qu’il allait faire une syncope.)
Dimanche matin, on s’est mis en route pour Gisborne, avec un petit passage à Te Araroa pour aller faire un petit coucou à Te Waha o Rerekohu, le plus grand pohutukawa du monde :
Et puis on s’est dirigés vers Tatapouri, un lieu-dit dans les environs de Gisborne, où il y a une plage et un camping et c’est à peu près tout. Mais ça tombait bien, on était justement là pour la mer, et surtout pour ce qu’il y avait dedans. Parce qu’on est arrivés chez Dive Tatapouri, on a enfilé les pantalons en caoutchouc les plus glamour du monde :
(Bonjour, je fais huit mille kilos.)
Et on est partis faire coucou à des raies.
En effet, il y a pas mal de raies en Nouvelle-Zélande, mais étonnamment, personne ne les pêche – les Kiwis trouvent que c’est pas bon (les rustres). Du coup, les raies sont plutôt peinardes avec les humains, et craignent surtout les prédateurs marins (type orques ou requins). Donc, la plupart du temps, elles vivent très près du rivage, là où les orques ne peuvent pas les chasser. On peut donc les observer de très près.
De très très près.
Genre elles viennent se coller sur ta jambe, ce genre de près.
(« Hey, qu’est-ce que s’up ? »)
Pour moi qui ai la trouille de n’importe quel poisson de plus de dix centimètres, tu te doutes que c’était une sacrée expérience. Mais en fait les raies étaient très sympa : elles venaient nager près de nous, tranquillement, et on pouvait leur faire des câlins :
(C’est tout doux !)
Et, clou de l’excursion, on nous a filé des morceaux de poisson cru, et les raies sont venues manger DANS NOTRE MAIN !
Bon, j’avoue que ça me foutait un peu la trouille, alors j’ai lâché mon bout de poisson dans l’eau genre huit fois avant de réussir à le garder dans ma main tremblotante quand la raie s’approchait, parce que j’avais peur qu’elle me morde. (Alors que les raies ça a pas de dents, mais bon, cherche pas la logique.)
Mais finalement j’ai rassemblé mon courage, la raie est venue se poser au-dessus de ma main, ça a fait PPPHHHWOM comme un aspirateur, et j’avais plus de poisson, mais encore toute ma main.
(Parfait.)
Et si c’était une journée fun pour moi qui ai peur des poissons, je te laisse imaginer l’extase de Professeur-Flaxou-j’aime-tout-ce-qui-va-dans-l’eau, qui a bombardé le guide de trente millions de questions :
- Combien d’espèces différentes de raies est-ce qu’il y a en Nouvelle-Zélande ? Combien de temps ca vit en moyenne ? Vous les nourrissez tous les jours ou bien elles chassent ? Y’en a combien dans la crique environ ?Vous arrivez à les reconnaitre ? Pourquoi vous partez ? Ah c’est fini ? Je peux vous poser encore des questions?
(Allez, un dernier câlin, et on plie bagages.)
Bref, après cet intermède « Meilleur jour de ma vie » pour Professeur Flaxou, on est allés se balader dans les gorges de Waioeka :
Sauf que le guide n'avait pas précisé que la fin de la balade serait, disons, sportive, car voici où on s'est retrouvés à la fin de la rando:
Devant nous, c'est donc où on devait aller, et au milieu coule une rivière.
(Dis donc, c'est la journée de références des années 90, aujourd'hui.)
Tu noteras les câbles en travers de la rivière, pour les athlètes qui voudraient faire les malins et traverser comme des surhommes en se tractant à la force de leur bras.
Donc évidemment, confrontée à une épreuve pareille, j'ai noué mes chaussures autour de mon cou et j'ai traversé à gué.
(Mais ça va, il faisait chaud.)
Et puis on s’est arrêtés pour la nuit dans le village de Matawai et son unique hôtel/restaurant, un endroit charmant si on n’a jamais vu de film d’horreur.
(Ambiance « Chaque pièce est pleine de portraits de gens de l’ancien temps qui te suivent des yeux » et « On a accroché plein d’objets en fer rouillé aux murs parce que ça fait terroir, mais en fait on dirait juste des instruments de torture ».)
Ah oui et est-ce que j’avais mentionné que la fierté de l’hôtel, c’était un agneau à deux têtes empaillé depuis 1930 ?
(Ça vous pose une ambiance, tout de suite.)
(PS: Ceci est une photo Google, j'avais pas mon appareil sur moi.)
Mais bon, pour un hôtel de film d’horreur, il était propre, de bonne qualité et confortable – même si on était les seuls dedans à part l’hôtelière et c'était un peu chelou:
- Vous voulez manger vers quelle heure ?
- Heu… je sais pas, d’ici une heure ?
- Parfait. Ce soir, on a du steak.
- Et… y’a d’autres options ?
- Oui : steak aux champignons et légumes, ou steak avec salade et frites.
(Heureusement qu’on n’est pas végétariens.)
(Et puis ça ne faisait que le sixième steak de Flaxou en trois jours.)
Bref, après une nuit super Kiwie où on s’est écroulés comme des loques à 21h pour se réveiller frais et pleins d’entrain à 6h30 du matin (sans déconner, je me lève plus tard que ça quand je dois aller bosser), on s’est mis en route pour notre dernière rando avant de rentrer : Motu Falls.
Une balade qui se méritait, vu qu’on a dû se farcir une-demi-heure de route sur un chemin de terre pour y arriver, mais ça valait le coup :
(Grosse pensée pour mon poto Indiana Jones.)
Et puis c’était le départ pour les six heures de route jusqu’à Auckland, avec Flaxou préposé au volant et moi préposée aux photos floues prises de la route :
Et après toute cette route, on était quand même soulagés de revenir à la maison.
- Y’a pas grand-chose dans le frigo, tu veux que je décongèle un truc pour le dîner ?
- Ouais, j’me ferais bien un steak.
- …..
- Quoi ? C’est encore le week-end!
Ce week-end sera donc désormais connu dans notre famille sous le nom de « Le week-end où on a toussé dans un volcan, j’ai vomi dans un bateau, on a fait des câlins à des raies et Flaxou a mangé huit steaks ».
(J’ai pas plus court pour le moment.)