lundi 27 avril 2020

Brève cosy


Et sinon chez nous le confinement se passe toujours très bien.

Tout autour de nous, c'est le craquage général, mais ici, ça va.

Oui parce que dans notre foyer de glandeurs, on est habitués à se la couler douce comme des petites patates de PC, et puis avec des enfants en bas âge, c'est pas comme si les sorties en boîte ou au restau auraient été une option de toute manière.

En revanche, pour certains membres de notre famille, c'est plus difficile à accepter, cas d'école à l'appui:

1. Ma belle-mère qui est sévèrement claustrophobe et se retrouve qué-blo dans un appartement de 50 mètres carrés.



2. Ma soeur qui doit gérer le télétravail en plus de deux gamines qui se prennent le chou en permanence, cf. nos discussions téléphoniques méga relou compliquées :

- Et là il me dit "Mais c'est pas grave si t'as pris trois kilos, moi j'ai toujours aimé les gros culs!"
- Han! Mais quel mufle!
- Et là je....
- MAMAAAAAAAN ! Emma elle arrête pas de piquer ma poupééééééé!
- C'EST MÊME PAS VRAI!
- Les filles, je suis au téléphone avec tata...
- AIEUH! MAMAN! ELLE M'A TAPÉE!
- T'ES RIEN QU'UNE SALE MENTEUSE!
- TOI LA MENTEUSE!
- TOI LA CROTTE DE BIQUE!
- AIEUH!
- MAMAAAAAN!
- MAMAAAAAAAAAAAN!



3. Ma grand-mère qui est remontée comme jamais dans sa vie, parce qu'elle a appelé le coiffeur pour prendre un rendez-vous après le 11 mai (sa permanente retombe, juge toi-même de l'immensité de la crise) et que la coiffeuse a eu l'outrecuidance de lui dire "les personnes âgées je ne les prends pas en priorité, de toute façon vous serez les derniers qu'on laissera sortir".



(Alors six ans de guerre, de bombardements et de famine, pas de soucis, mais deux mois à la maison à lire des romans Harlequin et à repasser des chaussettes, ça, c'est la fin du monde?)

4. Mon grand-père qui s'ennuie comme jamais dans sa vie, et il arrive doucement à bout de trucs à faire.

Il a réparé tout ce qui était réparable, il a enlevé toutes les mauvaises herbes du jardin, il a planté des légumes, il a mis des petits tuteurs sur ses petits pois, il a taillé ses rosiers, il a ratissé la cour, et maintenant, il ne sait pas, il ne sait plus, alors il fait juste. Des trucs.

Genre, l'autre jour, j'ai cru qu'il avait touché le fond parce que je l'ai vu repeindre la porte du garage.

(La porte INTÉRIEURE du garage.)

Mais avant-hier, il trouvait qu'il y avait trop de pollen dans l'air, alors il a PASSÉ L'ASPIRATEUR SUR LA TERRASSE.



Et aujourd'hui, je l'ai vu en train de faire les carreaux:

- Salut mamie, salut papy! Mais t'avais pas déjà fait les vitres?
- Penses-tu! Ça fait trois jours qu'il les relave tous les jours! Tous les matins je veux lire mon journal, et il est là à me bloquer les soleil parce qu'il faut qu'il fasse les vitres!
- Mais il FAUT que je fasse ça le matin, c'est là qu'on a la bonne lumière pour voir les saletés! T'as qu'à lire ton journal le soir!
- Lire un JOURNAL le SOIR? Mais schàtzi tu t'entends parler?

(Dans cette guerre, il n'y aura point de vainqueurs.)

Pendant ce temps, mes enfants vivent leur meilleure vie : ils passent toutes leurs journées avec papa et maman, ils mangent la cuisine de mamie tous les jours, et comme il a fait beau tous les jours depuis le début du confinement, ils passent leurs après-midis dans le jardin à manger des pâquerettes.

(Enfin, Samuel mange des pâquerettes.)

(Auguste semble préférer grignoter de tout petits bâtons avec ses gencives molles.)

Et il semblerait qu'ils m'aient accompagné dans ma bonne résolution de me remettre en forme, parce qu'en même temps que je reprenais le sport, ils ont commencé à se tenir debout.

(Oui, je fais du "sport".)

(30 minutes de fitness suivies d'un Coca et un-demi paquet de chips.)

(CA COMPTE QUAND MÊME OKAY?)

(J'ai même acheté des poids pour mes chevilles, àchtung c'est du sérieux)

(En plus je voulais des 500g parce que c'est ceux qu'on utilisait à mon cours de fitness, mais ils étaient plus en stock, donc j'ai pris des 750g je me suis dit "bah c'est presque pareil")

(EH NON!) (NON NON NON!)

(Bref.)

Donc les enfants se mettent debout, c'est génial, je suis hyper fière d'eux, juste un petit truc, vous pouvez arrêter de VOUS JETER DANS LE VIDE?

Non parce que la station debout c'est super hein, la belle vie d'homo sapiens, tout ça, mais tu penses qu'ils auraient pu démarrer par un combo "je me lève - je m'assois"?

MAIS NON!

C'est tellement plus marrant de se mettre debout et puis de se jeter par terre la tête la première!

(Voire la tête en arrière sur le carrelage, DOUBLE FUN!)

Donc ma vie est désormais rythmée par les *bonk* suivis de cris plus ou moins perçants, et comme en plus ils s'entêtent à se mettre debout en même temps, je peux en assurer qu'un à la fois, on dirait qu'ils essayent de me forcer à choisir un préféré.

(Et je m'y oppose.)

(Il n'y aura pas dans cette famille de Boromir et de Faramir.)

(C'est exactement par crainte de cette situation que j'ai refusé cette idée de prénoms quand Professeur Flaxou l'a proposée.)

(Alors par contre SOI-DISANT que Elladan et Elrohir c'était "trop obscur" et "que personne n'aura la ref", mais PARDON EUX AU MOINS C'EST DES JUMEAUX, excuse-moi de vouloir faire ton sur ton.)

(En plus j'ai pris la référence la plus facile.)

(Les gars ils sont dans le Seigneur des Anneaux!)

(Si j'avais voulu faire obscur, j'aurais pu faire obscur, hein.)

(Elrond et Elros, Elured et Elurin, c'est pas les jumeaux qui manquent dans cette lignée!)

(Bref bref.)

Dans la série "progrès", ils ont aussi appris à dire "maman".

Par contre, "maman", c'est pas moi.



En fait, ils ne disent pas "maman" pour m'appeler spécifiquement. C'est juste le mot qu'ils ont trouvé pour dire "y'a quelque chose qui ne va pas".

(D'ailleurs, pour être tout à fait précise, ils ne disent pas "maman", ils pleurent "maman".)

(Parce que, quand tout va bien, pas moyen de leur faire cracher un seul "ma"!)

Et alors moi, comme une truite, la première fois qu'un des gamins s'est réveillé de sa sieste en criant "mah-mah!", j'étais RA-VIE, je te raconte pas comment c'était le plus beau jour de ma vie.



("Yeeeuuuh mon bébé qui m'appelle, il veut sa maman, sa maman adorée, j'arrive mon petit ange!")

Eh ben c'est bon, maintenant que je l'ai entendu MILLE FOIS PAR JOUR, ça me gave bien, vous pouvez vous arrêter quand vous voulez.

(Ah oui, parce que j'ai beau avoir compris rationnellement que ce n'était pas MOI qu'ils appelaient en disant "maman", je cours quand même à chaque fois comme une belle quiche.)

(Réflexe pavlovien de merde.)

Et donc, quand ils ont sommeil, quand ils ont faim, ou encore l'une des cinq mille fois de la journée où ils se cognent la tête parce qu'ils ont toujours pas compris qu'ils ne pouvaient pas se mettre assis SOUS une table basse, c'est la fête du "mah-mah".

Même quand ils voient leur père qui passe devant eux pour aller se chercher un café, ils rampent vers lui en criant "mah-mah", et j'ai beau être quelqu'un de progressif sur les questions de genre, ça me vexe quand même un peu.

(Maman c'est MOI, okay?)

(C'est moi qui ai fait tout le boulot pendant les huit premiers mois, c'est pas pour qu'on m'usurpe mon titre maintenant!)

Et sinon, ils commencent tout doucement à développer chacun leur caractère, ce qui est super chouette à observer.

On sait donc maintenant que Samuel préfère le petit suisse et qu'Auguste adore la viande, que Samuel ne reste jamais en place et qu'Auguste a un certain goût pour la lecture.

Et quand je dis "un goût", c'est



UN GOUT.

(Mais c'est du Steinbeck, messieurs-dames, donc c'est du BON goût!)

Et donc, tous les soirs, je range ma bibliothèque sens dessus dessous, et tous les matins, je pose Auguste par terre et il va consciencieusement tout retourner.



(C'est comme si j'avais mon petit Sisyphe de poche.)

J'ai bien essayé de le leurrer en mettant des livres pour enfants devant les étagères, mais ça a marché une-demi seconde et il s'est rué sur les gros tomes.

Je ne sais pas si c'est le goût de la reliure qui le fait kiffer, ou de pouvoir faire du tam-tam sur les couvertures rigides, mais il semblerait que mon fils aime les gros pavés – ce qui fait évidemment de moi la maman la plus fière du monde.

- Mais t'as qu'à mettre tes livres hors de portée si tu ne veux pas qu'il te les abîme.
- NON! Je ne veux pas brider ses instincts.
- Quels instincts?
- T'as pas vu? Regarde.
- Oui, il mâchonne un bouquin.
- Il mâchonne le SILMARILLION !
- ...
- C'est l'oeuvre de Tolkien la plus complexe! La plus académique! La plus chargée en mythologie! Et c'est vers celle-là qu'il est allée directement! Tu comprends ce que ça veut dire?
- ...
- Il va être un LITTÉRAIRE!
- Cha, il a dix mois.
- UN GÉNIE!
- Même pas un an.
- UN PRODIGE!
- Un prodige qui sait pas encore tenir une cuillère.

En vrai, évidemment, tout ça c'est pour rire, je ne compte pas former mes enfants à une carrière d'académicien.

(Ils seront un combo Président / Premier Ministre, ou rien.)

mardi 7 avril 2020

Brève orthographique


Le français est une langue compliquée.

Et ça n'a jamais été aussi évident pour moi que depuis que je suis devenue prof d'anglais.

- Et donc, ce present perfect, c'est l'équivalent anglais du passé composé?
- Non, ça, ce serait le past simple, ou prétérit.
- Mais alors c'est quoi l'équivalent du passé simple?
- Aussi le prétérit.
- Et l'imparfait?
- Toujours le prétérit.
- Je...
- En gros, si c'est une action au passé, on met du prétérit.


Donc ouais, le français, c'est balèze, mais, pour moi, ça n'avait jamais été un souci. Parce que, d'une part, je dévorais quatorze bouquins par semaine, et que d'autre part, j'avais une super mémoire, et donc je savais écrire correctement en français, non pas parce que j'avais appris les règles, mais parce que je connaissais de mémoire la bonne orthographe.


(Moi en train de vanter mes talents d'Académicienne, une illustration)

Et je mets tout ceci au passé parce que désormais tout a changé.

D'une, j'ai eu deux enfants et j'ai perdu mille neurones (oui, ces deux faits sont corrélés).

De deux, je ne lis plus beaucoup (cf. les enfants sus-mentionnés) et presque exclusivement en anglais.

(Sauf quand c'est un roman écrit dans une autre langue, là, je lis évidemment la traduction française.)

(Je précise parce que j'ai des élèves qui étaient persuadés que ma vie en dehors des cours, c'était que de l'anglais. Genre je lisais des romans japonais en anglais, je parlais anglais à mes mômes, je bouffais des haricots à la sauce tomate sur du toast, et tout le toutim.)

(Non, je mange du Saint-Nectaire comme Jean-Claude Tout le Monde, et la seule expérience bilingue que mes enfants connaissent, c'est quand je les insulte en alsacien.)

Bref bref.

C'est ici, sur le blog, que j'ai remarqué que mon français commençait à boiter, quand j'ai réalisé qu'il ne se passait plus un article sans que j'aille faire une recherche Google en mode "KOman on écri sa".

Et rien n'a été pour moi plus révélateur de mes faiblesses, et de l'horreur qu'est la langue française, que le pluriel des noms composés.


Parce que l'autre jour, saoulée de devoir googler à chaque fois "couvre-feu pluriel", "arrière-grand-parent pluriel" ou "après-midi pluriel", je me suis enfin décidée à réviser ma grammaire, et je suis allée voir une bonne fois pour toute quel mot on mettait au pluriel : le premier ou le deuxième?

Mais parce que tu crois vraiment que c'est aussi simple? Que nenni, naïve enfant!

Evidemment, si on avait été logiques et raisonnables, on aurait inventé une règle d'un bloc, genre "on met tout au pluriel" ou "on laisse tout tel quel". Mais NOOON ! NON NON NON! 

Alors d'abord, il y a une règle pour chaque TYPE de mot : si c'est un nom ou un adjectif, on met un S, mais pas si c'est un verbe, un pronom ou un adverbe. 


(Alors déjà, laisse-moi dix minutes pour me rappeler ce qu'est un adverbe, et on continue.)

Donc d'après cette règle, on écrira "des longs-métrages" et des "cerfs-volants" (ce qui est logique et harmonieux), MAIS on écrira "des va-et-vient", et "des porte-manteaux" (ce qui est moche et nul).

SAUF QUE C'EST PAS FINI !

(Bah non, ce serait trop simple.)

Parce qu'il ne faut pas seulement prendre en compte la NATURE du mot, mais également le SENS du mot qu'on met au pluriel!


Et donc, on n'écrira pas "des années-lumières" mais "des années-lumière", même si "lumière" est un nom, parce que c'est LA lumière et qu'il n'y en a qu'une.

Pareillement, on n'écrira pas "des chasse-neiges" mais "des chasse-neige", parce qu'ils chassent LA neige et pas LES neiges, ou "des lave-vaisselle" parce qu'ils lavent LA vaisselle. (Mais on écrira "des tire-bouchons" parce qu'ils retirent plusieurs bouchons.)

Encore plus sournois, on écrit "des pot-au-feu". Pourquoi? Excellente question, parce que va te faire foutre, je suppose!

(Ça se sent, que je commence à fatiguer?)

Tu me suis toujours?



Tant mieux, parce que c'est TOUJOURS PAS fini! 

Parce que maintenant que tu as passé trente minutes à décortiquer la nature et le sens de chaque morceau de ton mot composé, il faut que je te parle des EXCEPTIONS!



Ah ben oui, parce que tu pensais pas t'en tirer à si bon compte? Nan nan mon coco, si t'as un mot avec "demi" dedans, oublie tout ce que tu as appris, parce qu'il est invariable, boum c'est comme ça c'est gratuit c'est pour ton cul, ah oui et si c'est un élément savant il est invariable aussi, comment ça tu sais pas ce que c'est un élément savant? Ça te paraît hyper vague comme détermination? MAIS C'EST PARCE QUE CA L'EST! CES RÈGLES SONT ÉCRITES AVEC LE CUL !!!


(Okay, c'est bon, je me calme.)

Les "éléments savants", donc, c'est tous ces mots hérités du latin, genre "anti", "multi", ou encore tous les mots qui se finissent en -O : donc on écrira "des Anglo-Saxons", "des micro-ondes", "des anti-inflammatoires", et c'est bon là c'est fini avec les règles à la con, ou bien il faut conjuguer tout ça en sautant sur un pied à la pleine lune enroulé dans du jambon?


Bref, tout ça pour dire, lecteur, lectrice : je te souhaite un bon confinement, sans trop de couvre-feux. J'espère que tu ne fais pas beaucoup de va-et-vient et que tu restes bien chez toi, à jouer des demi-finales sur FIFA, à résoudre des casse-têtes, ou, qui sait, à composer des chefs-d'oeuvre? J'espère aussi que tu n'as pas à jouer les gardes-malades. Porte-toi bien, et n'oublie pas d'appeler tes grands-pères, tes grand-mères et tes arrière-grands-parents.


(Ah oui, bah maintenant que j'ai souffert, forcément, je me la pète.)