dimanche 24 juin 2018

Vis ma vie au milieu des copies


En ce moment, c'est la saison des examens.

J'ai donc dit adieu à mes petits enfants de BTS (oui, ils ont 22 ans, mais tout ce qui est né après 1992 est un enfant, c'est pas moi qui invente les règles), non sans émotion.

Le soulagement était l'émotion principale, hein, on va pas se leurrer.

Pas que je les aimais pas, les bambins (ils étaient bien mignons et pas trop turbulents), mais vraiment, enseigner à des classes entières, c'est pas fait pour moi. (c.f. le fait qu'il m'ait fallu cinq mois pour apprendre tous leurs prénoms) (et encore) (sur ma fiche de présence, y'a un Julien, et je sais toujours pas qui c'est).

Faut dire que, quand on enseigne en cours individuels ou à des petits groupes, on s'habitue très vite à la crème de la crème : des élèves disponibles, motivés, intéressés, avec qui on peut passer du temps à travailler l'oral, et au passage apprendre à les connaître, bâtir un vrai rapport, et pouvoir très vite évaluer leur niveau et les progrès qu'ils font.

Alors évidemment, quand tu compares ça à une classe de 25 élèves aux niveaux allant d'excellent à super débutant, et dont seulement le quart à envie d'être là, c'est pas le même délire.

(Et encore, là, au moins un quart des élèves était intéressé. Je ne te cache pas l'admiration que j'ai pour mes potes profs dans le primaire et le secondaire, qui doivent gérer, soit des enfants avec la capacité de concentration d'une mouche, soit des ados rebelles qui, au mieux, s'en balek de toi et de ton cours, et au pire te haïssent activement.)

(Ces gens devraient être payés mieux que le président.)

Bref.

J'ai dit au revoir à mes élèves, donc, mais pas sans un examen final, ce qui est aussi une nouveauté pour moi, puisque dans la formation pour adultes, soit les gens ne passent pas d'examen du tout, soit ils passent le TOEIC ou un autre test du genre, et c'est pas moi qui m'en occupe, je reçois juste une copie des résultats.

J'ai donc soigneusement préparé l'examen pour mes élèves, tout en me faisant un peu plaisir sur les exemples ("complétez : Le Seigneur des Anneaux est le ________ film du monde.") (la réponse était bien sûr "meilleur") (pour "pire film du monde, voir "Hobbit").

Et puis, comme j'ai vraiment pas envie d'être là pour faire passer des rattrapages, je leur ai tout prémâché, à mes gamins.

Je leur ai dit tout au long de l'année "ce sujet-là, faites attention, il sera dans l'examen final!". Trois semaines avant, je leur ai fait une liste de tous les sujets qui seront abordés dans l'examen final. Je leur ai fait préparer à la maison des exercices d'expression écrite similaire à l'examen final, et qu'on a corrigés ensemble.

Honnêtement, le jour de l'examen, j'étais en train de me demander si je ne leur avais pas trop facilité la tâche, tellement tout semblait facile.

Sentiment qui s'est encore aggravé quand j'avais prévu un examen pour 2 heures, et que le tout dernier est parti au bout d'une heure et demie.

"Merde", me suis-je dit, "je leur ai trop mâché le travail, c'était beaucoup trop facile, ils vont tous avoir des bonnes notes!"

Sauf que là je suis en train de corriger, et non.

Pas du tout.

C'est qu'ils s'en battaient les couilles, en fait.

Alors, ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit : il y  en a quand même beaucoup qui s'en sont très bien sortis – et notamment, j'étais très heureuse de voir que tout le monde sans exception a répondu correctement à ma question bonus:



(Oui, parce que j'en pouvais plus d'avoir passé un semestre à les entendre me dire "shimical products", je désespérais.)

Certains élèves ont visiblement eu plus de mal que d'autres, mais on sent qu'ils ont vraiment tenté le coup:




(Life hack : quand on ne se souvient pas du mot "worst", on PEUT tenter "really bad".)



("Eruption cutanée" se dit "rash", mais j'aime ton raisonnement, gamin.)


(Oui, bon, le concept est là en tout cas.)


Et d'autres se sont clairement dit que, vu le coeff de cette matière, c'était pas trop la peine de se faire chier :




(Ce mec a recopié la moitié de l'énoncé dans son texte, et il a QUAND MÊME ÉTÉ FOUTU DE FAIRE DES FAUTES DANS LE RECOPIAGE!)

Je tiens aussi à préciser qu'après avoir passé une heure de cours sur les formules de politesse dans les emails + avoir distribué à chaque élève une copie des formules de politesse les plus courantes dans les emails + leur avoir fait faire un devoir maison où ils devaient écrire un email en utilisant les formules de politesse sus-citées + leur avoir dit qu'ils auraient un exercice similaire dans leur examen final et qu'il fallait donc bien revoir les formules de politesse, ce gus arrive quand même à me sortir "Dir Dear" et "Thanks you please".



Ceci est pas mal déprimant, bien sûr, mais j'ai eu le moral remonté dès la copie suivante, grâce à cette SUPER formule d'intro :




(Pour ceux qui en douteraient : la formule que je leur ai apprise était "Dear Sir or Madam".)

Par contre, dorénavant, je veux démarrer tous mes emails comme ça, c'est super dramatique, j'adore.



(Ah ça c'est sûr que ça manquera pas de pimenter mes courriers à l'Urssaf.)

Enfin, de toute évidence, mes élèves étaient en totale roue libre avec cet exercice d'expression écrite:



Pour ma préférée, j'hésite entre le mec qui avait tellement envie de meubler qu'il m'a fait une phrase entière pour me dire à quel point il aime manger au restaurant :




(Okay, super, non mais moi aussi hein.)

Et avec celui qui m'a carrément ressorti une phrase de mème internet :





Mais ce qui m'a le plus fait rigoler, c'est quand même la partie vocabulaire.

Alors, il faut savoir que mes élèves suivent une formation technique, ils se doivent donc de connaître du vocabulaire technique. C'est pourquoi je ne veux pas que tu lises ce qui va suivre en te disant "en même temps, moi non plus je ne sais pas comment dire ça", parce que tous ces mots ont été vus en cours. Puis répétés. Puis martelés. Puis injectés dans leurs cerveaux de moules à la seringue hypodermique.

Et, pourtant, j'ai quand même chopé CINQ personnes différentes qui m'ont traduit "saignement de nez" par "blood nose" ou "nose blood" (et je ne vais même pas parler du "nose blowing"). Ci-dessous, certains de mes préférés : 



(Le mot recherché était "tweezers", franchement, on était pas loin.)


(Alors j'ai même pas le temps de parler des divers désastres de cette copie, mais ... DRNWE ??!)

(Ce... ceci n'est pas un mot, chaton.)

(Dans aucune langue !)

Big up aussi à ceux qui avaient visiblement fait l'impasse sur les révisions de vocabulaire, et m'ont carrément sorti des mots en français, OKLM :


(Du calme, K-Maro.)

Et j'aime à penser que dans la tête de celui-là, il y a eu un dialogue interne de ce genre : 

- Merde, comment on dit "casque" en anglais?
- Hmmmm ... je dirais : pareil, mais avec un accent anglais.
- Comment j'écris l'accent anglais? 
- Bah mets un K, ça va le faire.



- Han, mais je connais aucun des autres mots en fait !
- Bah mets juste "protection" partout, ça passera crème.

(NON.)

Et puis, enfin, big up au champion qui m'a traduit "pansement" par .... "pensement".



(Honnêtement, ça se tentait.)

Bref, je suis maintenant en train de prier en même temps que mes mauvais élèves pour que les autres notes de leur semestre compensent leur résultat en anglais, et que ni eux ni moi n'aient à se déplacer pour faire des rattrapages.



D'ici là, je te dis à bientôt pour la perle du mois! 

Many bisous very baveux 💗

1 commentaire:

  1. ahahah mon dieu, jme destine à une carrière de prof de français et cet article me fait à la fois rire et pleurer...

    RépondreSupprimer