Pince-mi et Pince-moi les babtous chelou

(Passion rochers moussus)

Et sinon mes enfants vont très bien, ils se comportent exactement comme moi et c'est seulement maintenant que je me rends compte que c'est un peu chelou.

Genre, le côté obsessionnel (que j'ai mis des années à masquer à la face de la terre mais qui est 100% encore là et en pleine forme) (demande à pauvre Flaxou qui doit vivre avec la phrase "Ça me rappelle un sketch de Foil Arms and Hog" vingt-deux fois par jour) est bien présent chez les gamins aussi, merci maman.

Ça fonctionne par périodes plus ou moins longues, et, comme avec moi, ce n'est pas tant qu'une obsession vient en chasser une autre, mais plutôt qu'elle vient se rajouter à la liste.

(Avec quand même l'obsession la plus récente qui consomme le plus de temps de cerveau, c'est logique.)

(Mais les autres obsessions restent encore à tourner en arrière-plan, comme des tâches Windows.)

L'hiver dernier a par exemple été marqué par la découverte des sea shanties que les gamins ont immédiatement surkiffé. (Demande à pauvre Flaxou, bis) (qui a dû écouter "Wellerman" en boucle 40 minutes par jour) (cet homme a bien du courage).

(Je dirais bien "pauvre de moi" aussi, mais en vrai j'adore les sea shanties.)

(Et pour ce qui est d'écouter la même chanson mille fois de suite... D'où tu crois que ça leur vient?)

Au printemps, ça a été les Zoombinis, une passion qui est arrivée aussi subitement qu'elle est repartie (ils ont arrêté d'y jouer à la seconde où c'est devenu trop difficile).

(Fla face au difficile constat que ses enfants sont des casu.)

Et puis, au début de l'été, Auguste a découvert le jeu Skyjo, et ça l'a rendu ZINZIN, cf. cette conversation tous les jours du monde:

- Après l'école est-ce qu'on pourra jouer au Skyjo?

- Est-ce que tu vas râler si tu perds?

- Mais moi je vais pas perdre maman, tu vas voir.

Deux minutes plus tard:

- On compte les points?

- Moi j'ai TROIS POINTS maman!

- Bravo! Moi j'en ai zéro, donc j'ai gagné.

- On s'en refait une?

- ....

- Auguste?

Oui, mon benjamin semble avoir quelques soucis de gestion du stress, ce qui n'est pas arrangé par sa nature ultra-compétitive - et ce, même quand il joue tout seul.

Un de ses jeux préférés, c'est le Wordle - un genre de Motus où, chaque jour, on a six essais pour deviner un mot de cinq lettres. Il appelle ça "le jeu des lettres" et ça l'enthousiasme beaucoup trop pour un enfant qui, je le rappelle, ne sait ni lire, ni écrire.

Mais alors, comment joue-t-il, me diras-tu? Eh bien, je trouve les mots, je les épèle, et il a le droit de les taper sur mon téléphone et d'appuyer sur ENTER.

En tout cas, ça, c'est la théorie:

- Maman maman! Tu me mets le jeu des lettres?

- Oui. Tiens, tu mets ADIEU pour le premier essai?

- Mais euh! Pourquoi on commence toujours par le même mot?

- Parce qu'il utilise plein de voyelles.

- Moi j'ai envie de faire le mot moi-même aujourd'hui! Je choisis.... DINOSAURE!

- C'est trop long.

- Alors.... LOUP!

- C'est trop court, mais tu peux mettre LOUPS au pluriel. Ça s'écrit L, O.....

- Non!! Ne me dis pas! Je trouve les lettres moi-même!

- Mais chaton... 

- Le mot c'est "llllllloup" donc ça commence par un L....

- C'est vrai.

- Et ensuite c'est un "ou"...

- Pour faire le son "ou", il te faut deux lettres...

- ME DIS PAS LESQUELLES!!

- Mais...

- JE FAIS TOUT SEUL!!!

- ...

- Alooooors, pour faire le son "ou", je pense que c'est... un W, et un F. C'est ça?

- Non, il faut mettre un...

- ME DIS PAAAAAS! Je recommence! Alors pour faire le son "ou", il faut.... un G... et un X. 

- ....

- C'est ça?

Honnêtement, je regrette d'avoir passé toute ma jeunesse à éroder mon capital patience sur le Silmarillion, parce qu'il y a des fois où ça me serait bien utile.

D'autant que ce genre de tribulations ont toujours le chic pour se dérouler PILE les jours où je suis sur les rotules parce que mes rêves de SPM m'ont empêchée de dormir toute la nuit.

Oui, quand je suis en SPM, je fais deux sortes de rêves:

1) Eh! Tu te rappelles? Tu te rappelles du truc super important? Non! T'as oublié! T'es en retard! Hyper en retard! Dépêche-toi! Pourquoi tu trouves pas ta voiture? Comment ça, tu te rappelles pas où tu l'as garée? Mais dépêche-toi bon sang, tu vas être en retard au truc important! Et comment ça se fait que t'as qu'une seule chaussure?

2) Eh, tu l'aimes ta famille, pas vrai? Et si on faisait une simulation pour voir comment on se sentirait s'ils étaient tous MORTS?

(Réponse : pas gégé.)

Bref bref Brejnev.

Malgré les crises de colère passagères, faut avouer qu'on est dans une vibe plutôt cool avec les enfants en ce moment ("plutôt cool" = mon rituel de coucher ne consiste plus à hurler dans un oreiller), et j'apprécie de plus en plus de pouvoir avoir de vraies conversations avec mes enfants et de découvrir leurs personnalités qui s'affirment.

Personnalités qui, encore une fois, me rappellent les géniteurs, parce que Gus-Gus le pragmatique est le digne héritier de son père, tandis que Samuel le romantique me fait plutôt penser à moi au même âge.

Exemple récent de cette dichotomie:

- Maman, est-e que tu pourrais me donner un bocal qui ferme bien?

- Oui, bien sûr Sammy. Pourquoi faire?

- Comme ça je pourrai capturer un rayon de soleil dedans, et si j'ai peur la nuit, j'aurai qu'à ouvrir mon bocal.

Et j'ai à peine le temps de mourir de mignonnitude que j'entends son frère répliquer de l'autre pièce:

- Heu mais banane, t'as qu'à utiliser une lampe de poche.

(Comment il nous pourrit notre groove, n'empêche.)

Et sinon, tous les jours de ma vie, j'utilise des phrases que j'aurais jamais imaginées sortir de ma bouche - exemple récent: "Pose ce crâne et va te coucher".

(On a trouvé un crâne de chevreuil dans la forêt et c'est désormais le jouet préféré des enfants.)

(Ils veulent dormir avec, c'est super.)

(Une bonne petite vibe "culte druidique/children of the corn" c'était tout ce qu'il manquait dans cette maison de malades mentaux.)

("Et ça, c'est mon crâne. Le Seigneur de la Forêt me murmure des choses à travers. Il me dit de mettre le feu.")

(J'extrapole, mais on sait tous vers où ça se dirige cette histoire.)

De toute façon, ça m'étonnerait pas qu'on se retrouve avec des néo-païens, vu qu'Auguste est en train de réinventer la religion OKLM:

- Maman, on joue que c'est toi l'enfant et moi le parent, et tu me poses des questions!

- Ok. Pourquoi le ciel est bleu?

- Parce que c'est la couleur que la Terre a choisi, parce que le bleu c'est sa couleur préférée.

- Une autre question, maman!

- D'accord. Pourquoi tu as un frère jumeau?

- Parce que maman avait deux bébés dans le ventre en même temps.

- Et c'est toutes les mamans qui font deux bébés en même temps?

- Heu... non je crois pas. Je crois que normalement c'est seulement un.

- Alors pourquoi maman en avait deux?

- Heuuuuuu.... ben c'est la Terre qui a décidé!

(Okay, grand prêtre de Gaïa)

Le mot de la fin:

- Les enfants, c'est l'heure de dormir. Auguste, tu as rangé le crâne?

- Non, il dort.

(Ces gosses me tuent.)