(Ce qui se passe quand je dis à mes enfants "j'adore l'automne, c'est ma saison préférée, j'aime tellement les belles couleurs des feuilles")
(TOUS LES JOURS en ouvrant les boîtes à goûter.)
("T'as vu maman, ce qu'on a trouvé! C'est tout pour toi! T'es contente?")
(Oui merci, mes amours, j'adore l'humus.)
Et sinon les enfants vont bien (moi aussi mais tout le monde s'en fout) (monde de phallocrates) et récemment ils ont commencé le judo dans une vaine tentative de contrer leur nature chaotique histoire de les canaliser un peu.
Et, à la surprise générale, ça leur plaît bien!
- Tu nous amènes au judo, maman?
- Heu non, là on va à l'école.
- C'est quand judo?
- Dans une semaine, puisqu'on y était hier.
- C'est juste une fois par semaine?
- Oui.
- Moi je voudrais que ce soit tous les jours!
(Haha, mais c'est pas toi qui lave les kimonos, mon petit père.)
Ils ont fait quelques séances et ils ont déjà appris à saluer (mal) et à faire quelques prises (ça, bizarrement, ils y arrivent HYPER BIEN).
(Serait-ce parce qu'ils se bagarrent au sol depuis qu'ils sont bébés?) (oui) (clairement oui) (les mecs sont arrivés à l'initiation au judo avec 5 ans d'expérience non sanctionnée)
Et du coup, tout le monde est content : les enfants, et moi qui peut désormais lire pendant une heure tous les mercredis (alors qu'avant, je devais aller me cacher aux dons de plasma pour le même résultat!)
(Les seuls qui sont moyennement hype, c'est les pauvres instructeurs, qui se retrouvent face à deux enfants identiques habillés pareil.)
(En même temps, c'est vous qui avez décrété un uniforme, hein.)
Bref, les enfants sont heureux, ils ont même accordé au cours de judo le très recherché "pouce en l'air", leur méthode d'évaluation de toutes les choses dans leur vie actuellement.
J'ai maintenant compris, après enquête rigoureuse (taper la discute avec les mamans devant l'école) que la nouvelle maîtresse leur demande d'évaluer comment ils se sentent tous les matins, avec un pouce en l'air, vers le bas, ou au milieu.
Mais ça, à la base, je le savais pas!
Donc imagine ma tête la première fois où j'ai engueulé Auguste parce qu'il marchait dans le caniveau, et qu'il m'a répliqué, furax :
- Maman, avant, ma journée, elle était comme ça! 👍 Mais maintenant tu m'as énervé et tu sais comment elle est? Comme ça! 👎
(Mon fils en train de me juger, une illustration)
(Quelle idée de lui avoir donné un nom romain, aussi, à celui-là.)
(Moi je voulais l'appeler Joseph, à la base.)
(Et c'est pas pour me la ramener, mais tu verrais jamais ce genre d'attitude de la part d'un Joseph.)
(A part Joseph Staline BON OKAY.)
(Mais SOI-DISANT "Joseph c'est un nom à crever dans une tranchée" alors voilà, j'ai cédé à Flaxou et à sa passion pour l'Empire Romain, et voilà où on en est.)
(En même temps, c'était ça ou des noms germaniques qui fleuraient bon le Troisième Reich l'époque païenne, donc je pense que j'ai quand même fait le choix le plus judicieux.)
("Oh, tu vois le mal partout, je vois pas le problème à appeler son fils Siegfried ou Wolfgang" En Alsace? En ALSACE?!) (On a pas un cimetière sans croix gammées taguées dessus, et le gars veut appeler son fils SIEGFRIED?)
(Désolée pour l'injustice, mais y'a des prénoms, comme ça, ils sont interdits par le bon sens.) (Quand ton nom de famille c'est Renault, t'appelles pas ta fille Mégane, et quand t'habites en Alsace, t'appelles pas ton fils Siegfried.)
(BREF.)
Les enfants et leurs prénoms mal choisis grandissent bien, et je sais que je l'ai déjà dit, mais plus le temps passe, et plus je me rends compte de la malédiction que ça a été d'enfanter des p'tits malins:
- Aïe! Maman! Je me suis brûlé le doigt sur ma crêpe!
- Tu vois, Samuel, si tu avais utilisé ta fourchette comme je te l'ai dit mille fois, ça ne serait pas arrivé!
- Mais euh si j'avais utilisé ma fourchette, c'est ma bouche que j'aurais brûlé, alors c'est pire.
(Okay, Lord Loophole)
Et bien sûr, son frère n'est pas en reste:
- Maman, je veux pas finir mes légumes, c'est trop berk!
- Tu sais que si tu ne les finis pas, tu n'auras ni dessert, ni dessin animé.
- Mais heu c'est tant mieux en fait! Parce que les écrans c'est mauvais pour les yeux, et trop de sucre c'est pas bon pour la santé!
- Maman, je veux pas finir mes légumes, c'est trop berk!
- Tu sais que si tu ne les finis pas, tu n'auras ni dessert, ni dessin animé.
- Mais heu c'est tant mieux en fait! Parce que les écrans c'est mauvais pour les yeux, et trop de sucre c'est pas bon pour la santé!
(Il utilise mes propres mots contre moi, ce salopard.)
Au final, maman a plus d'un tour dans son sac, ou plutôt, j'ai qu'un seul tour (soudoyer) mais ça marche toujours.
Le truc est de trouver le bon degré selon l'obstination du bambin:
- Niveau 1 : tu auras un bonbon (classique)
- Niveau 2 : tu auras un fruit (oui, c'est plus recherché que les bonbons) (on est obligés de les restreindre sur les fruits sinon ils passent leur temps à chier) (mais si on ne veillait pas au grain, ils ne se nourriraient que de ça, matin, midi et soir)
- Niveau 3 : tu auras un dessin animé (on est de retour sur les classiques)
- Niveau 4 : tu auras le clip animé de Gloryhammer "Keeper of the Celestial Flame of Abernathy" OKAY JE SAIS MAIS NE ME JUGE PAS, ils m'ont vu le regarder UNE FOIS, je pensais que ça les intéresserait une seconde et demie, et voilà, ça fait un an et ils me le réclament une fois par semaine, j'ai créé des monstres métalleux.
(Maintenant je les entends jouer entre eux et ça fait "Haha, tu ne m'auras jamais, Zargothrax! Je suis Angus MacFife et j'ai mon marteau magique!" "Ha oui, mais moi j'ai un clone et il se change en dragon!") (Je meurs de mignonnitude.)
- Niveau 5 : tu auras une vidéo Youtube sur les volcans en éruption (version Samuel) / tu auras une vidéo Youtube de Thomas Pesquet dans la station spatiale internationale (version Auguste)
Le niveau 5, je sais que c'est pas clair, mais c'est la promesse la plus alléchante pour soudoyer ces énormes nerds.
(Même si, évidemment, il reste encore le levier ultime qui surpasse tout : "tu pourras jouer aux jeux vidéo avec papa")
(Mais on l'utilise avec parcimonie parce qu'on veut pas activer l'ADN de geeks trop tôt.)
(J'aimerais bien qu'ils prennent encore un peu de soleil pendant quelques années avant de devoir sortir les ampoules de vitamine D.)
Auguste m'a d'ailleurs dévoilé son plan de carrière et il a TROP HÂTE :
- Moi tu sais je vais aller vivre dans l'espace maman! Je vais trouver plein d'autres planètes et j'irai vivre dessus!
- C'est très bien, mon cœur, mais est-ce que tu me promets que tu reviendras sur Terre pour voir ta vieille maman?
- Heu mais c'est bon, je t'ai déjà assez vue.
(On est peu de choses.)
Sans compter qu'il a omis un détail plutôt important:
- Maman, moi j'aimerais qu'il y ait jamais école.
- Tous les enfants sont obligés d'aller à l'école. C'est comme ça qu'on apprend des choses.
- Mais je peux apprendre des choses à la maison!
- Papa et moi, on ne peut pas tout t'enseigner, tu sais. Regarde, tu veux être astronaute. Eh bien, pour être astronaute, il faut être très fort dans tout un tas de choses! Il faut connaître la physique, les mathématiques, la biologie, la mécanique... C'est plein de choses qu'on ne peut pas t'enseigner, nous, parce qu'on ne les connaît pas, on est pas astronautes. C'est pour ça que c'est important d'aller à l'école.
- Mais maman, la maîtresse non plus elle est pas astronaute!
J'ai quand même réussi à lui expliquer le concept de "il faut commencer par le commencement" mais le gosse est quand même déter à faire l'école de la vie, cf. son commentaire en regardant Thomas Pesquet sur l'ISS:
- Mais sinon maman, au lieu d'aller à l'école, j'appelle le monsieur là, et je lui demande de m'apprendre à être astronaute!
(Stage de troisième sur l'ISS.)
(On n'y songe pas assez.)
Bon et sinon y'en a qu'un sur deux qui a des amis, enfin si on croit Sammy le rejeté:
- Tu sais, maman, moi je suis content de venir manger à la maison à midi!
- Ah oui? C'est meilleur qu'au péri?
- Oui, et aussi parce que j'ai pas d'amis.
(Je sais que j'ai dit "je voudrais qu'ils soient plus comme moi" mais PAS COMME CA)
- Mais tu as ton frère.
- Oui, mais des fois je le trouve pas, parce qu'il est parti jouer avec d'autres enfants, alors des fois je marche juste un peu tout seul dans la cour.
(PAS COMME CA!)
Et là, je te vois venir, lecteurice, avec ton petit coeur brisé de chagrin!
Mais non!
Cet enfant raconte de la merde!
Parce que TOUS LES JOURS je les amène à l'école, et y'a des troupes entières d'enfants qui font :
- C'est Samuel! Samuel et Auguste! Youhou! Samuel et Auguste! Salut! Salut Samuel ! Salut Auguste!
Et mon fils les SNOBE.
Il passe à côté d'eux et TOURNE LA TETE DE L'AUTRE COTÉ comme un personnage de la Comtesse de Ségur.
(Mes enfants se rendant à l'école, une illustration)
Et laisse tomber ses alibis MERDIQUES quand j'essaye de creuser l'histoire:
- C'est qui cette petite fille? Une camarade de classe?
- Oui, c'est Céline.
- Peut-être que tu pourrais en faire une amie?
- Ah non, elle chante pas bien.
- Samuel! Hé ho! Saaaaa-muuuuu-eeeeel!
- Mais alors Sammy? Tu veux pas aller jouer avec Ellie et Liliana? Elles t'appellent!
- Ah non, moi je veux pas jouer avec les filles.
- Hein? Mais pourquoi pas?
- Parce qu'elles ont des cheveux très longs, et j'ai trop peur qu'elles perdent des cheveux pendant qu'on joue au loup, et qu'après les cheveux ils aillent dans ma bouche.
(Je pensais qu'il allait juste être un vieux mascu toxique de merde, mais en fait c'est encore un autre délire.)
(Je ne sais pas si c'est mieux ou pire, en tout cas c'est....différent)
Et puis ensuite, j'ai fait la connaissance de Pierrot.
Pierrot, qui dit bonjour à Samuel tous les matins. Pierrot, qui partage son goûter avec lui à dix heures. Pierrot, que je retrouve invariablement en train de jouer avec Samuel au périscolaire le soir. Pierrot, que Samuel a inscrit sur sa liste d'invitations à son anniversaire.
- Ah! Donc tu as des amis, mon chou! Pierrot, c'est ton ami!
- Heu....non.
Après analyse poussée (parce que toi-même tu sais que je vais pas lâcher le steak de la sémantique) il s'avère que Samuel ne considère aucun enfant comme son ami, parce que sa définition d'un ami, c'est quelqu'un dont il est proche comme son frère (et donc évidemment, ça exclut le monde entier, sauf son frère).
(J'ai soudain cette image de lui se mariant et déclarant dans ses vœux "Tu es une connaissance très chère et je te tolère presque tous les jours".)
(J'ai soudain cette image de lui se mariant et déclarant dans ses vœux "Tu es une connaissance très chère et je te tolère presque tous les jours".)
(On est pas sortis du sable.)
Sans transition, je laisse le mot de la fin à mini-César:
- Moi ce matin, j'étais comme ça 👎 parce que je voulais rester avec maman. Mais maintenant, on est le soir, et je suis avec maman, alors je suis comme ça ! 👍
(Okay, d'accord, c'est mignon.)