Instant Kiwi n°13: Maoris, Pakehas et choc culturel
Quand j'ai emménagé en Nouvelle-Zélande (un an déjà! j'ai pas vu le temps passer) (sinon toi, ça va bien dans tes 10 mètres carrés d'espace vital?) j'ai pas vraiment expérimenté le choc culturel, vu que la culture Kiwie est grosso modo exactement la même que la culture Britannique.
(Mais ne le dis pas aux Kiwis sinon ils vont faire leur petit caca nerveux "Nan on est spéciaux, on est différents, on a une culture à part" - dis ça à ton plat national les fish'n'chips, AHAHA).
Et le choc culturel Britannique, je l'avais déjà vécu lors de mon année en Angleterre, en suivant le schéma classique dit "en N", qui se constitue de trois phases :
1. La phase dite "lune de miel" : tu viens d'arriver, c'était ta décision de partir, donc c'est génial, t'es tout content, tout est nouveau et typique et tout le monde est beau et gentil. AKA "oh mais tout le monde est si gentil avec moi, mon boulot est trop cool, mes élèves sont si mignons, ma coloc est géniale, je fais des supers voyages, han je gagne ma vie comme une grande mais la vie est un champ de fleurs!"
2. La phase dite "de dépression" : les différences culturelles commencent à te peser. Avant, elles te semblaient intéressantes et nouvelles, maintenant, elles t'agacent. En fait, tout et tout le monde t'agace profondément. Tu te sens déconnecté, tes proches te manquent, bref, c'est la lose à Mulhouse. AKA "putain quel job de chiotte j'avance pas et ces élèves quelle bande de petites têtes de nœuds, et cette putain de pluie elle s'arrêtera jamais, j'ai envie de mourir et y'a pas de fromage"
3. La phase dite "d'adaptation" : on accepte les différences culturelles entre le pays d'adoption et le pays d'origine, et on s'intègre. Tu es passé par une phase où tout était génial et une phase où tout était nul, et maintenant, tu peux poser un regard objectif sur le pays et sa culture, en observant le bon et le mauvais et en acceptant le tout. AKA ce qui m'est arrivé juste avant de repartir en France (haha).
(Bon, après, très souvent, l'adaptation dans un nouveau pays ne suit pas du tout ce schéma, puisque le choc culturel est plus ou moins prononcé selon la culture de base de chaque individu, ses expériences personnelles, et tout le toutim. Pour plus de témoignages de chocs culturels, va donc lire les aventures de mon copain Florent en Grèce et en Finlande (Florent aime les terres de contrastes, elles reflètent sa nature profonde d'aberration génétique) (il est Franco-Allemand).)
Et donc, en arrivant en Nouvelle-Zélande, je n'ai pas eu à subir les courbes de cette adaptation (à moins qu'en fait oui, et si ça se trouve je suis encore dans la lune de miel, mais bon je pense pas, c'est juste que ce pays est génial), puisque la culture Britannique et la culture Kiwie se ressemblent comme deux gouttes d'eau.
La raison de cette ressemblance, tu t'en doutes, c'est la colonisation de la Nouvelle-Zélande par l'Angleterre alors que ce n'était qu'un pays tout neuf et tout beau.
(Pour la petite histoire, la Nouvelle-Zélande est passée à ça de porter des sabots et de manger du gouda, et a également échappé de justesse aux marinières et aux cuisses de grenouille - pas de bol pour moi, j'aurais pas eu autant de sanglots de désespoir en skypant avec ma famille à l'heure du déjeuner.)
(Mais du Mont d'Or juste devant la caméra, c'est du pur sadisme, on est d'accord?)
Alors évidemment, je te vois venir, tu vas me dire :
- Mais bon sang de bonsoir, la Nouvelle-Zélande elle était quand même pas vide quand les Anglais ont débarqué! (Eh, ça fait pas chelou d'utiliser cette expression quand on parle pas de flux menstruels?) (Vis ma vie de fille.) Quid de la culture Maorie?
Alors, la culture Maorie, c'est pas une légende, elle existe bel et bien, et pas seulement dans le passé lointain, mais également aujourd'hui (même si, évidemment, les traditions se perdent, mondialisation, modernisation, je t'en parle pas plus, tu connais la chanson).
Le grand problème de la culture en Nouvelle-Zélande, c'est qu'on a affaire à deux cultures très différentes (Européenne et Polynésienne) et qui, depuis l'époque de la colonisation, ne se sont quasiment jamais mélangées.
A l'époque de la colonisation, on avait bien les Pakeha-Maori, des Européens qui tombaient amoureux de la culture Maorie (et de ses femmes, bien souvent), à l'image de Tom Adamson, un bushman (c'est un peu les cow-boys de la Nouvelle-Zélande) qui s'est battu avec les Maoris du côté du gouvernement pendant les guerres Maories. Et la raison pour laquelle j'en parle c'est juste pour caser cette photo, parce que je trouve que Tom Adamson est l'homme le plus classe de l'univers.
(Des hommes en jupe! Ah ça c'est encore un coup de ces connards de gauchistes avec leur théorie du djendeur, ma bonne dame.)
Non mais sérieusement, je trouve son look incroyablement cool, et faut avouer qu'il faut beaucoup de charisme naturel pour faire fonctionner le combo plume dans les cheveux + rouflaquettes et moustache + jupe aztèque.
(En fait ce gars était habillé comme une blogueuse mode avec 150 ans d'avance.)
(Respect.)
Pour en revenir à nos moutons : à part ces quelques exceptions...allez nan, je résiste pas, je te mets une image d'un autre Pakeha-Maori, le missionnaire slash marchand d'armes (ça ne s'invente pas) Thomas Kendall.
("Oui bonjour messieurs, vous auriez une petite minute pour parler de notre seigneur Jésus Christ?")
(Fait intéressant : Thomas Kendall a par la suite tellement kiffé la spiritualité des Maoris qu'il a été radié de l'ordre des missionnaires et qu'il est devenu, d'après ses mots, "presque complètement païen".)
Bref, mis à part ces exemples, c'était au départ pas trop l'amour fou entre Maoris et Pakehas (en même temps, ça se comprend), et, même si ça s'est au final mieux passé qu'en Australie, y'a quand même eu des guerres et des morts et tout le toutim.
Et, même aujourd'hui, les Maoris et les Pakehas (Néo-Zélandais d'ascendance Européenne) vivent complètement séparés.
Ce que ça veut dire, concrètement, c'est qu'en tant que Pakeha, tu n'as jamais d'occasion de rencontrer des Maoris, sauf si tu bosses à l'usine ou que tu es tout en bas de l'échelle sociale, et là, pouf! t'en trouves plein.
(Oui, pour l'intégration sociale des Maoris - et des Polynésiens en général - on repassera, mais je ne m'étendrai pas sur le sujet parce que c'est une histoire longue et douloureuse et qu'il y a de la mauvaise foi des deux côtés, alias "Mais non on vous discrimine pas qu'est-ce qui vous faire dire ça? On veut juste pas vous embaucher parce que c'est bien connu que vous êtes tous des fainéants, mais je vois pas où est le problème!" et "Mais non on a super envie de s'intégrer! Juste sans obéir aux lois parce que c'est des lois pour Pakehas et donc elles ne s'appliquent pas à nous, mais je vois pas où est le problème!")
En passant, si ça t'intéresse, une excellente émission sur la vie Maorie (avé les sous-titres en Anglais - heureusement, hein, parce que perso, en Maori, je sais dire "Bonjour", "Merci" et "eau", donc on irait pas très loin) et qui te permet de constater que 1) le Te Reo est une langue composée à 95% de voyelles, 2) Le Te Reo, comme l'Italien, se parle surtout avec les mains et 3) Le Te Reo n'est vraiment, mais VRAIMENT pas une langue synthétique.
Bref.
(Ceci est l'article le moins structuré du monde.)
Mais il y a une chose, une seule chose que les Kiwis dans leur ensemble ont hérité de la culture Polynésienne, et c'est ceci : la relaxitude.
(Oui j'invente des mots, et alors c'est ton site ou c'est mon site?)
J’ai déjà évoqué sur ce blog le rapport des Kiwis au temps, un exemple classique de l’adoption d’un mode de pensée polynésien dans une culture autrement très britannique.
La raison pour laquelle j’insiste sur ce point, c’est que la perception Kiwie du temps est symptomatique de leur manière de traiter tous les sujets de la vie : avec coolitude.
Un exemple flagrant : Auckland est une ville portuaire, qui s’étend (ou plutôt qui s’étale) le long des côtes du golfe de Hauraki. Du coup, beaucoup de gens qui habitent près de côtes et bossent au centre-ville prennent le ferry pour éviter le trafic. Dont certains de mes collègues de boulot.
Et un beau matin, lesdits collègues se pointent au boulot, tout sourire, avec 20 minutes de retard, et annoncent :
- Oh les gars c’était trop cool ! Y’a un orque qui s’est perdu dans la baie !
(Petite explication : la baie d’Auckland fait, genre, 20 centimètres de fond. Tu vois le tableau d’avoir un orque qui se balade là-dedans.)
- Et vous l’avez vu ?
- Ouais, c’est pour ça qu’on est en retard. Le capitaine a fait un crochet pour aller le voir, c’était trop bien !
PARDON ?
Le conducteur du ferry de huit heures du matin, celui que TOUT LE MONDE prend pour aller bosser, a entendu dire qu’il y avait un orque dans la baie d’Auckland, il a délibérément fait un détour sur son itinéraire pour aller montrer l’orque à ses passagers, et résultat s’est pointé à Auckland avec 20 minutes de retard ?
Et les gens sont CONTENTS ?
Mais mais mais, vous êtes tous des malades ?
Sérieusement, tu fais un coup pareil en France, t’as une émeute sur les bras mon pauvre Marcel. Les passagers ils te butent à coups d’extincteur, y’a pas à sourciller !
(Franchement, va arrêter le RER de Paris Nord pour nous montrer un écureuil, on va voir ce que ça donne.)
D’ailleurs, quand j’ai entendu cette anecdote, au début, je l’ai pas crue. Je pensais que c’était une excuse bidon de mes collègues pour justifier leur retard. Mais ensuite, j’ai vu qu’ils en avaient fait un article dans le New Zealand Herald.
(Le New Zealand Herald fait des articles sur TOUT. De la courbe du chômage national aux élèves de primaire qui ont planté un pommier sur le mont Maunganui. C’est un peu le Monde croisé avec les DNA section départementale.)
Et en fait, tout le monde en Nouvelle-Zélande (ou presque) vit avec ce mode de pensée à la polynésienne : on se relaxe, on prend les choses comme elles sont, et Hakuna Matata.
(Bon OK, c’est pas du Maori, c’est du Roi Lion, mais je peux pas être cultivée tout le temps.)
Alors, pour la plupart des trucs, c’est super chouette, même si mon pauvre petit cerveau germanique a encore du mal à ne pas s’énerver quand le bus est coincé dans les bouchons et que je suis la seule à me stresser le ciboulot en mangeant toutes les petites peaux de mes doigts, au milieu d’une foule de gens qui regardent par la fenêtre en disant :
- Oh Georgette tu savais qu’ils ont ouvert un nouveau Countdown ici ?
- Ah non, j’avais pas vu, d’habitude le bus passe trop vite.
- Heureusement qu’on a le temps de le voir, aujourd’hui.
- C’est magnifique la vie dis donc.
(Putain mais mmmff grmpblpl.)
Mais je pense quand même que la gentillesse de gros nounours tout doux des Néo-Zélandais peut en partie être attribuée à cet état d’esprit cool et pépère. Pourtant, des fois, la relaxitude, c’est pas super. Parce que ça donne des choses très agaçantes pour mon petit cœur d’Alsacienne, comme la super énervante habitude des Kiwis de remettre tout au lendemain.
Parce que, chez les peuples polychrones - comme les Néo-Zélandais, entre autres - on a une approche du temps plus fluide que chez les peuples monochrones (bibi) : le temps est vu comme circulaire (si ce n’est pas fait aujourd’hui, ce sera fait demain, vu qu’aujourd’hui et demain, c’est la même chose) au lieu de linéaire.
Ajoute à ça le fait que les Kiwis ont une vision à long terme proche du néant (j’étais franchement pas si loin avec Hakuna Matata), et tu comprendras que certaines choses qui paraissent évidentes aux yeux des Européens (du Nord) sont loin d’entrer dans l’esprit des gens d'ici comme une priorité.
J’en veux pour preuve le fait que mes collègues ne font jamais leur propre vaisselle dans la cuisine et que je me retrouve toujours à la faire parce que ça me rend folle de voir des trucs qui traînent dans l’évier. (C’est la culture, ou alors c’est tous des gros porcs irrespectueux. Au choix.)
(J’aime bien me dire que c’est la culture, ça me retient de leur péter la gueule.)
(Je te jure, s’ils nettoient la vaisselle comme ils torchent leur cul, je voudrais pas voir la gueule de leurs slips.)
Mais bon, dans son ensemble, c'est vraiment super cool de vivre dans une société où on ne vient pas péter une pendule dès qu'un moindre petit truc ne se passe pas comme prévu sur huit générations. Ça laisse de la place à la créativité, à l'innovation, et surtout, au plaisir.
Donc, pour résumer cet article :
Les Maoris n'ont pas transmis grand-chose de leur fascinante culture aux Pakehas, mais ils leur ont au moins enseigné la voie de la zénitude, et ça c'est chouette.
Alors, si t'as pas envie de crever d'un ulcère à 40 ans, viens en Nouvelle-Zélande!
(On pourra aller à la plage ensemble et profiter de la vie à l'ombre des Pohutukawas.)
(Oui, à l'ombre - ce serait bête d’échapper à l’ulcère pour crever d'un cancer de la peau.)
"Alors, si t'as pas envie de crever d'un ulcère à 40 ans, viens en Nouvelle-Zélande!" ah, et laisse tes habitudes et tes réflexes derrière toi, aussi, hein, sinon, l'ulcère.... ^^
RépondreSupprimerEt comment les étudiants Kiwis vivent ils la période des exam? détendus du slip aussi? il faut vraiment que je vienne faire une petite cure de Kiwi-relax (c'est juste cher comme remède au stress) :)
RépondreSupprimer(ceci est un petit commentaire sympa et rigolo)
RépondreSupprimer(mais je le rédigerai seulement seulement demain, à la réflexion. Je vais d'abord écouter le gros porc maori au rire tonitruant et polychrone que tu viens de révéler en moi :)).