dimanche 8 décembre 2013

Un an les pieds dans les fougères

Ça fait maintenant un an que j'ai déménagé en Nouvelle-Zélande.

C'était une idée que j'avais depuis pas mal de temps.

D'abord, quand j'avais cinq ans, j'ai décidé que quand je serai grande je déménagerai en Australie, parce que j'avais regardé un reportage sur la Seconde Guerre mondiale et ils avaient mentionné plein de pays mais pas l'Australie, donc je pensais que l'Australie était le seul pays au monde qui n'avait jamais connu la guerre, et que du coup, statistiquement, j'avais de meilleures chances de survie là-bas en cas d'holocauste nucléaire.

(Je pensais beaucoup à la guerre nucléaire quand j'étais petite. Je pensais que la planète allait exploser dans le feu nucléaire, parce que c'est ce qui était montré à la fin du générique de Il Était une Fois l'Homme.)

Quelques années plus tard, j'ai réalisé qu'en fait l’Australie avait connu la guerre quand même, mais l'idée était là depuis trop longtemps, donc je me suis dit : rien à foutre, j'irai quand même.

Et puis j'ai vu un documentaire de National Geographic sur la faune Australienne et j'ai dit :



- En fait c'est bon.

J'étais en train de commencer à projeter mes envies de voyages futurs vers le Canada (aux neuf ans de ma copine Sandra, sa mère avait fait des crêpes et j'avais goûté du sirop d'érable pour la première fois de ma vie), quand une amie de ma mère est partie vivre en Nouvelle-Zélande, et nous a envoyé une carte postale.

C'était une carte postale d'un paysage de l'ïle du Sud, et c'était la plus belle chose que j'avais jamais vue de ma vie.

A ce moment-là, je me suis jurée que j'irai habiter dans ce pays une fois grande, et que je deviendrai garde forestier ou ermite (je sais pas si les concours de garde forestier sont difficiles, alors au cas où) et que tous les matins je me réveillerai devant un paysage comme celui-là.

Et puis, deux ans plus tard, j'ai vu le Seigneur des Anneaux pour la première fois de ma vie, et bon, t'as qu'à jeter un oeil au nom de ce blog pour comprendre où ça m'a mené.

C'était donc tout prêt dans ma tête : je passe mon bac, je fais mes études en France où c'est pas cher, je déménage en Nouvelle-Zélande, je rencontre Peter Jackson, on devient potes, je deviens assistante de réalisation sur ses films, il me présente Elijah Wood, on se marie, on vit heureux, générique.

(Et, dans la version plus réaliste : je passe mon bac, je fais mes études en France où c'est pas cher, je déménage en Nouvelle-Zélande, je rencontre Peter Jackson et je pousse des couinements de fangirl, je trouve un boulot cool, je rencontre un Kiwi, on se marie, on se trouve un chalet dans la Southland, et tous les matins je me réveille devant un paysage du Seigneur des Anneaux.)

(Oui, ben j'ai jamais dit que ce serait HYPER réaliste non plus.)

Finalement j'ai passé mon bac et rencontré Professeur Flaxou dans la même foulée, et, quand je l'ai entendu parler Anglais, j'ai mis de l'eau dans mon vin par rapport à mon projet d'avenir. Surtout que Professeur Flaxou était le genre de personne qui te dit :

- Bah voyager c'est cool pour les vacances, mais bon j'vois pas bien l'intérêt de partir vivre dans un autre pays. Faut tout réapprendre, c'est fatigant. Pis faut rencontrer des gens et trouver du travail et une maison et moi je suis bien ici j'ai un PC et y'a une boulangerie en bas de chez moi, qu'est-ce qu'il te faut de plus?

Donc je me suis dit : tant pis. J'irai pas vivre en Nouvelle-Zélande. J'irai en vacances, peut-être que ce sera mieux comme ça, après tout je sais rien de la Nouvelle-Zélande à part les making-of du Seigneur des Anneaux, si ça se trouve à visiter c'est génial mais pour y vivre c'est pourri.

Et oui, bien sûr, quand je pensais à l'idée de rester en France toute ma vie, ça me faisait un petit pincement au coeur, mais bon je suis pas folle non plus, si je dois choisir entre un pays et une personne, je choisis la personne, le pays il va nulle part.

(Au pire j'attends que Professeur Flaxou meure de vieillesse, et là, paf! J'me casse!)

Mais ensuite, il s'est passé un truc génial.

Je me suis cassée en Angleterre pendant un an, (presque) toute seule. (Y'avait Adèle et Chloé qui me faisaient des coucous de leur petit coin du Nord.)

Et c'était nul parce que j'étais (presque) toute seule, mais c'était génial parce que j'ai tellement manqué à Professeur Flaxou qu'il a décidé de dire oui à toutes mes idées (ce qui incluait se marier et déménager en Nouvelle-Zélande).

Du coup on s'est mariés et on a déménagé en Nouvelle-Zélande (faut pas me dire les choses deux fois).

En arrivant j'avais aucune appréhension, parce que j'avais le cerveau trop plein à ras bord de couinements de fangirl et que j'avais à peine le temps de respirer entre mes piaillements de "c'est génial c'est génial tout est géniaaaaaal".

Et puis on a trouvé une maison, on a trouvé du boulot, et j'ai commencé à rentrer dans ma petite routine.

Et là, j'ai commencé à me poser LA question.

Est-ce que ça vaut vraiment le coup?

Est-ce que ça vaut le coup de me couper de presque tous les gens que j'aime, de mes repères, de ma famille, de ma culture, et de toute cette putain de bouffe tellement délicieuse (mais comment j'ai pas réalisé avant la déliciosité de la bouffe française, j'avais des œillères sur les papilles ou quoi?), tout ça juste pour vivre dans une banlieue d'Auckland et faire la même chose que ce que je faisais en France? Tout ça pour me lever le matin, marcher dans la rue, prendre le bus, bosser neuf heures par jour devant un ordinateur, prendre un bus, marcher dans la rue, manger, passer encore du temps devant un ordinateur, bouquiner et dormir, insert coin et on recommence?

Donc j'ai fait le bilan d'un an en Nouvelle-Zélande.

Le voilà :


J'ai visité l’Île du Sud :



































Et j'ai visité l’Île du Nord :























































Mais je suis aussi allée moins loin.

Je suis allée au boulot :






Et au bout de la rue chez moi :







Et à dix minutes en voiture :





Et à trente minutes en ferry :





Y'a eu des fois où le soleil c'était cool :



Mais quand même, la plupart du temps, le soleil ça reste une GROSSE PUTE :




On a goûté la fine fleur de la gastronomie Kiwie :



On a dormi dans des endroits étranges :





On s'est dégoté un petit foyer sympa :



J'ai retrouvé des potes de fac par le hasard le plus incroyable du monde - flash-back juin 2012, Strasbourg, les couloirs de l'ITIRI:

- Charlotte! Anna m'a dit que tu allais déménager en Nouvelle-Zélande?
- Ouais ouais, en décembre.
- Guilherme et moi aussi!!
- NAAAAAAAN?
- SIIIIIIII!
- MAIS C'EST TROP BIEEEEENNN!



Mais j'ai aussi rencontré des gens super : mes colocs, mes collègues, les gens du Monday Night Dinner où tout le monde s'appelle Sarah.

Je fais de la rando les week-ends. Je fais des pique-niques à la plage. Je mange des chips devant Big Bang Theory (parce qu'il y a des rituels qui ne doivent pas changer).

Et, tous les vendredis, quand je vais à la bibliothèque (et quand il pleut pas), je passe par Albert Park pour m'asseoir un moment, respirer l'odeur des roses, et finir mon livre vite vite parce que c'est le dernier jour pour le rendre et plutôt mourir que de le faire renouveler (j'ai des principes).

Dans ces moments, je fais des petites pauses dans ma lecture, je regarde autour de moi:



Et je vois les étudiants en pause, les gens en costard qui rentrent du boulot, les joggeurs qui filent devant moi et qui me font culpabiliser avec leurs corps fermes et musqués. Je sens les odeurs de la baraque à saucisses et de la friture du Chinois du bas de la rue et je double-culpabilise parce que ça me donne faim alors que ça sent plus le triple pontage que la vraie bouffe. J'entends les cloches de l'église pas loin et la musique de Noël toute pourrie qui passe en boucle au Whitcoulls depuis le premier novembre (et après on s'étonne que les gens fassent du shopping en ligne, ben excuse-moi mais chantonner "Last Christmas I gave you my heart" jusqu'à avoir envie de se tirer une balle, c'est pas une alternative qui m'enthousiasme énormément).

Et je me dis :

Ça fait maintenant un an que j'ai déménagé en Nouvelle-Zélande.

Et c'est la meilleure chose que j'aie jamais faite.