dimanche 26 mai 2019

Je m'fais pas de bile


(Ce titre est un jeu de mots à retardement, tu comprendras quand t'auras lu l'article.)

Et donc, au troisième trimestre de ma grossesse, j'ai commencé à ressentir des démangeaisons dans les mains et les pieds, qui ont progressivement empiré et se sont étendues aux bras et aux jambes, jusqu’à ce que je me retrouve à faire des quasi-nuits blanches passées à me gratter comme une forcenée.

Le gynéco m'avait dit que c'était rien, mais j’ai quand même fini par céder à l’appel de l’Internet et à googler mes symptômes (même si on est d’accord que c’est la pire chose à faire, surtout quand on est enceinte), et ce que j’y ai lu n’augurait rien de bon : pré-éclampsie, choléstase gravidique, bref, autant de mots qui foutent bien la trouille.

Au bout d’une semaine, j’ai donc profité d’un de mes cours sur l’accouchement pour demander à la sage-femme si elle pouvait me faire une ordonnance pour un bilan sanguin, vu que mon gynéco avait clairement mieux à foutre. Elle m’a demandé pourquoi, je lui ai décrit mes symptômes, et puis elle m’a regardé comme ça :


Avant de me dire :

- Alors, personnellement, je ne donne jamais d’ordonnances si je n’ai pas ausculté la patiente. Par contre, je vous conseille de rappeler votre gynéco et de lui demander un rendez-vous d’urgence. Ne vous laissez pas décourager, insistez ! Il vaut mieux faire un examen qui s’avère inutile que d’ignorer quelque chose de potentiellement dangereux.

Donc j’ai rappelé mon gynéco, ou plutôt sa secrétaire :

- Ah non, je ne peux pas vous le passer, il est en rendez-vous toute la journée.
- Est-ce qu’il peut me rappeler dans l’heure qu’il suit ?
- Ah non, il est en rendez-vous jusqu’à ce soir, mais il pourra vous rappeler vers 20h.
- Et me donner un rendez-vous demain ?
- Ah ben ça non, il part en vacances demain.
- ….
- Mais il pourra vous voir d’ici dix jours, probablement !

Moi et ma combativité légendaire, on a promptement déclaré :

- Oui okay désolée de vous avoir dérangé, merci !

Et puis Professeur Flaxou m’est tombé sur le râble :

- Non mais c’est n’importe quoi ! Tu vas me rappeler ce numéro et exiger un rendez-vous AUJOURD’HUI !
- Mééééé la madame elle a dit qu’il était occupééé…
- Je m’en fous ! Il faut t’imposer ! Rappelle-toi ce qu’a dit la sage-femme ! Il faut écouter ton corps ! Si ton corps te dit que ça ne va pas, il faut que tu tiennes tête ! Pour les bébés !
- Bon… pour les bébés.

J’ai donc rappelé, bien décidée à faire un scandale, épaulée par mon cher et tendre :

- Oui alors ça ne va pas trop…
- HEUM HEUM
_ Heu je veux dire, non, ça ne va pas DU TOUT ! J’ai un problème, c’est pas urgent…
- HEUM HEUM
- Enfin SI C’EST URGENT ! Et il faudrait que je puisse voir le docteur aujourd’hui, s’il a encore des disponibilités…
- HEUM HEUM
- Je veux dire IL FAUT QUE JE LE VOIE AUJOURD’HUI C’EST URGENT C’EST GRAVE VOILA MERCI BEAUCOUP DÉSOLÉE DE VOUS AVOIR DÉRANGÉ.


(Ce cauchemar)

Et là, surprise totale, la meuf m’a dit de passer immédiatement, et qu’on me trouverait un créneau.

(Donc en fait, insister … ça marche ?)

(Est-ce que c’est pour ça qu’il existe tous ces gens malpolis qui demandent à parler au responsable ?)

(Est-ce que JE devrais demander à parler au responsable ??!)

Bref, une-demi heure plus tard, je me retrouve dans le cabinet de mon gynéco, qui très clairement s’en cirait totalement la bite de mes problèmes :

- Je vous l’avais déjà mentionné la dernière fois…
- Et je vous avais dit que c’était rien.
- Oui, mais là, ça empire, ça s’étend, il paraît que ça peut être lié à des problèmes de foie, je m’inquiète un peu.
- Non, mais c’est rien, vous avez probablement juste la peau sèche. Prenez rendez-vous chez un dermatologue.

Alors, deux choses :

1) Je passe mes journées ET MES NUITS à m’enduire de crème hydratante pour soulager les démangeaisons, je suis luisante en permanence et ma peau miroite comme celle d’un dauphin, donc CLAIREMENT c’est pas un problème de peau sèche.

2) Je n’ai aucun bouton, aucune plaque, aucune tache, aucune rougeur, RIEN qui n’indiquerait un problème d’épiderme, donc laisse tomber pour que mon dermatologue accepte de me voir avant deux bons mois.

A contrecœur, le gynéco m’a quand même prescrit un bilan sanguin, en me disant que je pouvais y aller quand je voulais parce qu’il n’y avait pas besoin d’être à jeun.

Le lendemain, je me pointe au labo pour faire ma prise de sang :

- Vous êtes bien à jeun ?
- Heu… ben non. Le docteur m’a dit qu’il n’y avait pas besoin.
- Ah, ben je suis désolée, mais il s’est trompé. Pour les sels biliaires, il faut que vous soyez à jeun, sinon ça va fausser les résultats. Il faut que vous reveniez demain… ah non attendez, c’est férié ! Il faut que vous reveniez jeudi. Désolée.


TOUT. VA. BIEN.

Je me repointe au labo jeudi matin, bien à jeun, je fais ma prise de sang, et je pars bosser. Puis, dans l’après-midi, la secrétaire de mon gynéco m’appelle :

- On a reçu les résultats de votre prise de sang, et je veux pas vous alarmer, mais il faut vous présenter aux urgences dès que possible.


(Des fois, ça m’emmerde d’avoir toujours raison comme ça.)

S’en est suivi une heure de mics-macs, parce que je ne pouvais pas me présenter aux urgences sans mes résultats d’analyse, mais en fait y’avait que mon docteur qui avait reçu les résultats d’analyse, mais rappelle-toi il était en vacances et la secrétaire avait fermé le cabinet, donc j’ai appelé le labo et ils m’ont dit qu’ils m’avaient envoyé les résultats et que ça allait arriver d’une minute à l’autre, sauf que non, du coup j’ai rappelé, et là :

- Ah ! Mais je comprends mieux ! On vous a malencontreusement envoyé les résultats par la poste. C’est pour ça que vous n’avez rien reçu sur votre boîte mail !


(Non mais c’est la Saint Branquignole aujourd’hui, c’est pas possible.)

Bref, en fin d’après-midi, je débarque aux urgences pour qu’on me pose un monitoring.

(Un monitoring, c’est une machine qui surveille les battements de cœur des bébés, et les contractions utérines, s’il y en a.)

Après une demi-heure, un médecin arrive :

- On vous a expliqué ce que vous avez ?
- Absolument pas.
- Alors c’est probablement une choléstase gravidique. C’est un problème de foie assez rare dû aux hormones de grossesse. En gros, les cellules de votre foie n’évacuent plus la bile comme il faut, et les acides biliaires passent dans le sang, ce qui cause les démangeaisons.
- Et c’est dangereux pour les bébés ?
- Ça peut l’être. Les acides biliaires peuvent provoquer un ralentissement du rythme cardiaque des bébés, voire la mort in utero.


(Mais à part ça, c’était juste un problème de mains sèches, hein, trou du cul de gynéco ?)

Du coup, maintenant que j’étais sur place, les gens voulaient plus me laisser repartir :

- On n’a pas encore le résultat des sels biliaires, c’est ce qui nous indiquera le degré de votre pathologie. En attendant, on va vous donner une chambre, on fera des monitorings trois fois par jour, et on vous donnera un médicament qui va aider à combattre les démangeaisons.
- Et donc… je vais devoir rester ici cette nuit ?
- Cette nuit, demain… au moins jusqu’à lundi.

J’ai donc été hospitalisée pour la première fois de ma vie, et comme c’est pas les Etats-Unis et que j’ai une mutuelle, j’ai eu droit à une chambre privée. Donc, d’après mon expérience, être hospitalisée, c’est un peu comme séjourner dans un hôtel premier prix dont on n’aurait pas le droit de sortir.

Et où on viendrait t’étaler du gel sur le bide toutes les 4 heures.

Et où on te réveillerait à cinq heures du matin pour te faire une prise de sang.

(Je lui donne une étoile.)

(Quoique, tous les repas sont inclus, donc disons une étoile et demi.)

Plus sérieusement, mon séjour à l’hôpital était somme toute assez plaisant : les sages-femmes étaient super sympa avec moi, ma chambre était neuve et propre, j’avais une jolie vue sur les Vosges, donc, au final, mon seul grand challenge a été de gérer l’ennui abyssal qui me tenaillait jour après jour.

(D’autant que l’hôpital n’a pas de Wi-Fi.)

Donc j’ai lu des bouquins, j’ai fait des sudoku sur mon téléphone, ma mère m’a ramené des vieux numéros de Télérama pour me faire « de la lecture légère », je les ai lus, et je me suis énervée parce que comme d’habitude ces gens racontent systématiquement la fin des films et ça m’exaspère.

(Et je me suis aussi moquée de leurs critiques pompeuses pour des films qui ne méritaient clairement pas une analyse aussi poussée.)

(« Sous l’effet d’une sorte de saisissement tragique, la dernière partie séduit vraiment. Offerte au regard, l’insoutenable légèreté des héros fait vibrer le film et impose le respect, comme la mort de Roland à Roncevaux sur les gravures des livres d’école. Dans un râle saisissant, la saga trouve un souffle nouveau. »)

(Ceci était la critique d’Avengers : Infinity War.)

(ROLAND A RONCEVAUX ? VRAIMENT ?)

Puis les résultats de mes examens sont arrivés :

- Donc nous avons la confirmation, c’est bien une choléstase gravidique.
- Vous le savez grâce à cette histoire de sels biliaires ?
- C’est ça. En temps normal, la concentration des acides biliaires dans le sang doit être inférieure à 10 µmol par litre.
- Et moi, j’ai combien ?
- 76.


(Ah quand même.)

Donc ils m’ont donné des cachets à prendre deux fois par jour, et j’ai passé un long week-end entre prises de sang, échographies du foie, et monitorings.

Au passage, c'est confirmé, numéro 1 est décidément le jumeau maléfique, c.f. sa prestation impressionnante de « on m’voit, on m’voit plus » lors de chaque monitoring :

- Alors, j’ai posé les capteurs, je vous laisse, et je reviens dans…
- Il est parti.
- Pardon ?
- Le rythme cardiaque du premier, vous l’avez perdu.
- Oh, mais ! On l’entendait tellement bien !
- Ouais, je suis désolée de vous dire ça, mais vous avez pas fini.

En prime, une grosse pensée pour cette étudiante toute gentille qui a passé quinze minutes à trouver où se cachait le cœur de numéro 1, avant d’annoncer triomphalement « JE TE TIENS ! »… pour se rendre compte deux minutes plus tard qu’en fait c’était le battement de numéro 2 que la machine captait.


(Bébé numéro 1 en train d’esquiver les capteurs, une allégorie.)

Et puis est enfin venu le jour de mon analyse de sang :

- Alors en fait, votre taux d’acides biliaires a augmenté.
- Quoi ?
- Oui, avant le traitement, vous étiez à 76, et maintenant, c’est 104.
- Ça veut dire quoi ? Le traitement ne marche pas ?
- Pas forcément, des fois, ça met juste un peu de temps. On va vous augmenter la dose, refaire une prise de sang la semaine prochaine, et bien évidemment on vous garde hospitalisée tant que les taux n’ont pas baissé de manière significative.
- Ça veut dire combien de temps ?
- Ça dépend. Ça peut être une semaine, ça peut être jusqu’à la fin de votre grossesse.
- La fin de ma grossesse… dans deux mois ?
- Ha ha ! Non, bien sûr que non. Un mois maximum, et encore, ça, c’est si on a de la chance.

Oui, parce qu’il s’avère que mes acides biliaires ne se contentent pas de foutre la merde dans mon corps, mais qu’ils peuvent aussi déclencher un accouchement prématuré.

(Juste un petit bonus sympa.)

Je me suis donc installée pour un long séjour morose à l’hôpital, rythmé par mes trois monitorings par jour et la visite quotidienne de Professeur Flaxou.

Au passage, big up à ma team, vu qu’il ne s’est quasiment jamais passé un seul jour sans que j’aie de la visite de quelqu’un : papa, maman, belle-maman, mamie, belle-mamie, ma sœur, et évidemment ma fabuleuse Sarah qui est passé quasiment tous les jours.

(Mais en même temps, on avait trop de choses à se dire sur la dernière saison de Game of Thrones, il fallait du temps en face-à-face.)

(Je pleure encore sur le sort de la storyline de Jaime Lannister.)

(Sept saisons de développement de personnage foutues en l'air en un épisode, vraiment?)

(J'étais presque aussi fâchée que pour Ghost, mais finalement il a eu sa papouille donc tout est pardonné.)

Big up aussi à ma nièce de six ans qui a fait fondre mon petit cœur plein de bile :

- Regarde tata, je t’ai fait un dessin !
- Merci Lyson, il est très beau !
- Maman a dit que tu étais enfermée à l’hôpital et qu’il fallait que je te dessine un truc pour te faire voyager, alors j’ai dessiné toi et moi en voyage à la plage.
- C’est super ! On a un ballon, un cerf-volant… et tu nous as même dessiné un copain chat ?
- Ben oui ! C’est Frimousse ! Alors, ça te plaît?


(Frimousse = mon chat qui est mort il y a des années et qui était un si brave chat une vraie ordure mais je l’aimais quand même.)


(Le dessin en question)

Bref, je commençais à croire que j'allais rester enfermée dans ma tour d'ivoire jusqu'à la fin des temps, quand j'ai été sauvée par un docteur ridiculement beau gosse qui s'est pointé un beau matin dans ma chambre:

- Bonjour madame!
- Ouah.
- Je vous demande pardon?
- Non, bonjour, c'était "bonjour" que je viens de dire, oui, qu'est-ce que je peux faire pour vous?
- C'est plutôt moi qui peut faire quelque chose pour vous.
- Oh docteur, mais crois-moi tu peux me faire tout ce que tu veux....
- Pardon?
- Non rien, je toussais. Alors quoi de neuf?

Il s'avérait que Docteur Beau Gosse avait une bonne raison d'être là (en plus de me faire tourner la tête), parce qu'il avait le résultat de mes dernières analyses:

- J'ai de bonnes nouvelles! Vos acides biliaires ont bien baissés. En fait, ils sont même revenus à la normale.
- Et donc...?
- Et donc vous pouvez sortir dès aujourd'hui.


J'ai donc pu rentrer à la maison, non sans embarquer mille ordonnances pour douze sortes de pilules différentes à prendre toutes les six heures pendant le reste de ma grossesse – reste de grossesse qui sera heureusement assez court, vu qu'en cas de choléstase gravidique, l'accouchement est provoqué d'office à la 36è semaine – ce qui, pour moi, signifie aux alentours du solstice d'été.

(Je dis "heureusement" parce que je commence à être sérieusement handicapée par ce gros bide, et maintenant que je sais qu'ils vont bien, j'ai tout de même pas mal hâte qu'ils sortent.)

(Quelque chose me dit que je vais regretter ces mots dans quelques semaines, après dix-huit nuits d'insomnie d'affilée, mais ma foi je prends le risque.)

Épilogue : Devine quelle était la PREMIÈRE pensée de ma mère quand je lui ai dit que ses petits-enfants allaient arriver un mois plus tôt que prévu?

- Ah, mais c'est parfait! S'ils naissent avant le 21, ils seront Gémeaux!
- Des jumeaux gémeaux... okay, j'avoue, c'est marrant.
- Non, Charlotte, c'est pas que c'est marrant. Je voulais pas te le dire avant, mais la vérité, c'est que tu veux pas te retrouver avec un enfant Cancer.
- ....
- Alors DEUX !
- ....
- Déjà que ta pauvre soeur a eu un Scorpion, on va pas en rajouter!


Donc maintenant, il ne me reste plus qu'à attendre.

Attendre le 20 juin et ma mère qui s'introduira chez moi la nuit avec une seringue d'ocytocine pour s'assurer que je n'enfante pas des petits Cancers.

A bientôt pour les (toutes dernières) aventures de mon utérus!

mercredi 22 mai 2019

BOUM BÉBÉ ! Septième mois


(Ah oui mais quand j'ai dit que j'avais un gros bide, c'était pas du flan.)

Mon septième mois de grossesse a démarré sous les meilleurs auspices :

- Fla?
- Oui?
- Tu peux me faire mes lacets?

Sonnez trompettes, battez tambours, c'est officiel, je ne peux plus toucher mes pieds.

Avec mon ventre de plus en plus imposant, je ne pouvais plus non plus manger proprement (trop de distance entre moi et la table) ou conduire aisément (ci-mer mes petites jambes de vingt centimètres qui n'arrivent plus à toucher les pédales). C'est donc au septième mois que j'ai décidé d'arrêter de travailler.

- Alors, j'en profite pour vous dire que le cours de la semaine prochaine sera notre dernier cours ensemble avant octobre, parce que je pars en congé maternité.
- Oh! Déjà?

Oui, "déjà".

Je me trimballe plus de poids dans le bide qu'une meuf enceinte de neuf mois, mais oui, "déjà".

Si j'avais été salariée, j'aurais disparu du radar quelque part en mars, mais oui, "déjà".


(On va mettre ça sur le compte des hormones, hein.)

J'ai d'ailleurs dû batailler un moment avec le concept des indemnités grossesse pour les auto-entrepreneurs :

- Bonjour, je vous appelle pour avoir des informations au sujet de mes indemnités journalières, je comprends mal à partir de quand je peux partir en congé.
- Alors c'est très simple : vous pouvez prendre vos indemnités journalières forfaitaires d'interruption d'activité 14 jours avant l'accouchement, pour une durée totale de 44 jours.
- Mais... je suis enceinte de jumeaux! 14 jours avant ma date présumée d'accouchement, j'aurai probablement DÉJÀ accouché !
- Dans ce cas, vous pouvez prendre une autre indemnité journalière forfaitaire d'interruption d'activité pour état pathologique, d'une durée de 30 jours consécutifs, que vous pouvez prendre quand vous voulez. Et, pour des jumeaux, vous avez droit à 30 jours supplémentaires, qu'il faut prendre après la première indemnité forfaitaire, mais avant la deuxième, sachant que la deuxième doit impérativement commencer 14 jours avant votre date présumée d'accouchement. C'est clair?



(Moi devant mon calendrier en train de compter les jours.)

(Je savais que j'aurais dû faire prof de maths.)

Bref, j'avais grosso modo six semaines devant moi pour préparer l'arrivée des bébés.

On a commencé par s'occuper de la future chambre des bambins:

- Oh, pourquoi, tu veux changer quelque chose dans cette chambre?
- Ben, cette vieille moquette hideuse, pour commencer.
- Mais... c'est pas hideux, le violet marronnasse !



(Non, c'est vrai, elle est magnifique, cette moquette de 1975.)

C'est donc Flaxou qui s'y est collé pour rendre la chambre habitable:

- On pourrait pas plutôt se répartir la charge de travail?
- Okay, je te propose ça : toi, tu t'occupes de faire la chambre, et moi, je m'occupe de faire les bébés qui vont y résider. Deal?
- AH BEN EVIDEMMENT C'EST FACILE DE JOUER CETTE CARTE HEIN!

Mais je dois dire que Flaxou a pris son rôle à cœur, et s'est donné du mal pour arracher la moquette:


Puis démonter les placards :


Puis repeindre les murs (et le conduit de cheminée) :



Puis poser du parquet:




(Avec l'aide des futurs tontons!)

(PS : tu noteras l'encadrement de la porte qui plafonne à 1m65, preuve s'il en faut qu'on est une famille de hobbits, vu que mon grand-père a construit la maison et qu'il s'est de toute évidence dit : "on passe large".)

Et après tout ça, il y a eu les journées passées à galérer pour remettre tous les éléments des placards en place:

- Je comprends pas où vont les plinthes.
- Je croyais que mon papy avait tout écrit au dos quand il les a enlevées?
- Oui, mais regarde ce qu'il a écrit !
- "Cheminée côté ouest", eh ben?
- Mais POURQUOI IL S'EXPRIME EN POINTS CARDINAUX??!
- Mais pourquoi pas? Tout le monde sait où est l'ouest!
- SEULEMENT DANS TA FAMILLE CHELOUE!

(Perso, moi je sens le mec aigri juste parce qu'il se prend des montants de porte à longueur de journée.)

Bref, la chambre est finie, et elle est jolie comme tout :


(Manque plus qu'à ranger nos huit mille pyjamas et bodys.)

Au septième mois, j’ai aussi commencé à avoir des démangeaisons dans les mains et les pieds.

Ça a commencé doucement, comme une piqûre de moustique, et ça a progressivement empiré.

A mon rendez-vous mensuel chez l’obstétricien, j’en ai profité pour le mentionner :

- Au fait, je ne sais pas si c’est lié à la grossesse, mais j’ai des démangeaisons assez fortes dans les mains et les pieds, surtout la nuit. Ça commence à devenir pas mal dérangean…
- Oui oui, on va d’abord faire l’échographie, hein.

Une fois l’échographie terminée, le médecin me parle des prochains rendez-vous à prendre, puis :

- Bon, ben on se revoit le mois prochain, bonne continuation !

- Ah ? Mais, attendez, et pour cette histoire de démangeaisons ?
- Oh, c’est rien. Allez, au revoir !

Sauf que ce n’était pas rien. Non non non !

Mais comme c'est une très longue histoire, je te dis rendez-vous très prochainement sur ce blog pour le fin mot de l'histoire.

(Je fais du teasing pire que HBO.)

dimanche 5 mai 2019

BOUM BÉBÉ ! Sixième mois


Au sixième mois, j'ai commencé à avoir un gros bide.

Mais genre un VRAIMENT gros bide.

Je le sais parce que les gens dans les lieux publics ont commencé à avoir pitié de moi et à me laisser passer devant eux (à la poste, au supermarché, etc.)

(Par contre, au marché du lundi matin, je peux crever la bouche ouverte avant qu'une des mamies ne se déloge de l'étal des fruits et légumes.)

(C'est pas qu'il est pas passionnant, ton menu de Pâques, Gertrude, mais j'ai deux têtes qui appuient lestement sur ma vessie, alors si tu pouvais t'enfiler tes blettes et décarrer, ce serait super duper.)

C'était aussi devenu impossible de confondre mon ventre de femme enceinte avec un ventre de femme en surpoids, et du coup, j'ai eu droit à moult conversations passionnantes avec des inconnus :

- Allez-y, madame, passez devant!
- Merci, c'est gentil.
- Je sais ce que c'est d'avoir un gros ventre comme ça, c'est pénible de rester debout!
- Un peu, mais ça va, je me plains pas.
- Allez, courage! De toute façon, vous êtes dans la dernière ligne droite, là, non? Vous allez accoucher d'un moment à l'autre!

OUI ENFIN DANS TROIS MOIS, QUOI.

MAIS SI C'EST CA QUE TU ENTENDS PAR "D'UN MOMENT A L'AUTRE", ALORS OUI.

Ça devenait aussi de plus en plus difficile de continuer à faire de l'exercice physique avec mon gros bidou, et donc je me suis rabattu sur la dernière option qu'il me restait : LA PISCINE.

J'ai dû faire les premières séances avec Flaxou comme coach, puisque j'ai 30 ans et que je sais à peine nager, donc il a dû m'apprendre à nager pour de vrai:

- N'importe quoi! Je sais nager la brasse!
- Cha, je t'aime, mais tu sais pas nager la brasse.
- Mais si! Regarde, ça c'est la brasse!
- Non. Agiter les bras et les jambes aléatoirement comme un petit chiot et maintenir péniblement la tête hors de l'eau, c'est pas nager la brasse. Si tu fais ça plus de trois longueurs, tu vas te tuer le dos.
- Ah mais parce qu'il faut que je fasse plus de trois longueurs?

Du coup, il m'a appris à faire le dos crawlé, que je maîtrise désormais comme une championne, (maintenant, faut juste que j'apprenne à maîtriser comment aller tout droit dans le bassin, au lieu de partir en vrille comme une torpille mal lancée, mais chaque chose en son temps), et je fais une heure de piscine par semaine.

- Fla, devine combien j'ai nagé aujourd'hui?
- Je sais pas.
- UN KILOMÈTRE!
- Ah, c'est super! Et après l'échauffement, t'as fait combien?



(Clairement, nous n'avons pas les mêmes valeurs.)

J'ai continué à faire des échographies toutes les deux semaines, principalement pour que le médecin puisse vérifier que les bébés ne développent pas de syndrome transfuseur-transfusé.

(Le syndrome transfuseur-transfusé, c'est un truc pas trop cool qui peut se produire dans le cas d'une grossesse monochoriale biamniotique (un placenta, deux poches amniotiques). En gros, il peut s'établir un flux artériel à sens unique entre les deux bébés, d'où le fait que l'un "transfuse" l'autre. Si ça n'est pas décelé rapidement, ça peut amener à la mort d'un, voire des deux bébés.)

Sauf que, quand j'ai expliqué ça à ma famille, je suis pas rentrée dans les détails (déjà que ma mère ne dort plus parce qu'elle est persuadée que je vais faire du diabète et qu'on va devoir me couper les pieds), et j'ai juste dit qu'il fallait faire des échographies plus souvent pour s'assurer que tout se passait bien.

Seulement, la famille n'a pas vraiment saisi le concept de la place qu'il y avait dans mon bide, et du coup, tous les quinze jours, j'avais droit à la même conversation avec chaque futur grand-parent:

- Alors, comment ça s'est passé?
- Super, tout va très bien!
- Tu m'envoies les photos?

Donc, j'en profite pour expliquer la chose ici comme je l'ai expliqué à ma famille : des photos, IL N'Y EN A PLUS. A partir du quatrième-cinquième mois, c'est fini, on ne voit PLUS RIEN.

Les clichés tout mignons où on voit les deux bébés en entier dans la même photo, c'est au premier trimestre, et après, c'est mort, ils sont toujours tournés, l'un derrière l'autre, l'un en-dessous de l'autre, laisse béton.

- Mais c'est le sixième mois, là ! Vous avez fait l'échographie 3D, celle où on voit tout bien leur petite frimousse, avec tous les détails !

EH BEN NON MICHELINE.

Mes bébés ont semblerait-il déjà hérité du gène de la chiantise de leur père, et se sont mis dans la position la moins évidente possible, à savoir face à face. Donc, non, je n'ai pas de jolie photo 3D, je n'ai même pas de photo floue en noir et blanc avec un vague profil, c'est fini, je ne verrai pas leur visage avant le jour de l'accouchement, il va falloir attendre jusqu'à fin juin pour que je sache s'ils ont le front énorme de Flaxou ou mes grandes oreilles, va falloir s'y faire.

(Par contre, je peux te montrer des tas de super photos de fémur ou d'aorte.)

(Ça, j'en ai à la pelle.)

J'ai aussi découvert les joies d'avoir des bébés de plus en plus grands qui bougent de plus en plus:

- Aïe!
- Ça va?
- Oui, c'est juste numéro un qui me donne des coups de pieds dans les côtes.
- Pauvre chérie.
- Aïe!
- Qu'est-ce qu'il y a?
- Non, c'est numéro deux qui piétine mon estomac, ça me fait des remontées acides.
- Pauvre chérie.
- Ouh! Je dois faire pipi.
- Mais tu reviens des toilettes!
- Ouais, mais il y a une tête qui appuie sur ma vessie.
- C'est quel bébé?
- LES DEUX!

Donc il semblerait que les bébés commencent à se sentir à l'étroit, eh ben laissez-moi vous dire que vous êtes pas au bout de vos peines, les potos. Parce que là vous faites un kilo et 35cm chacun, donc vous pensez que ça va se passer comment dans deux mois, quand vous ferez le double de votre poids et 15cm en plus?

Mais clairement, ces petites ordures se fichent de ce que je ressens (et semblent aussi se ficher du fait qu'ils ont besoin que je reste en forme pour qu'ils continuent à vivre), parce que tous les jours, toute la journée, c'est les olympiades du trampoline dans mon utérus.

Spéciale dédicace à numéro un, que clairement on n'a pas appelé comme ça parce que c'est notre préféré, hein, parce que perso je l'aimerai beaucoup plus quand il se sera un peu calmé et qu'il arrêtera de pincer mes nerfs avec ses petits doigts d'acier et de coincer ses pieds sous mes côtes toute la sainte journée.

- Han! Mais tu peux pas dire des choses comme ça!
- Comme quoi?
- Que t'aimes pas ton bébé! C'est affreux!
- J'ai pas dit que je l'aimais pas! J'ai dit que je préférais l'autre!
- ....
- Donc c'est bon, non?

Le sixième mois, c'est également celui où on a choisi les parrains et les marraines des enfants:

- Et du coup, vous faites le baptême quand?
- Non, mais on les baptisera pas.
- Mais alors ils auront pas VRAIMENT de parrain et de marraine, hein!


Oui, ben étant donné que le rôle des "vrais" parrains et des marraines est strictement d'assister l'enfant dans son épanouissement en tant que chrétien, je vois pas en quoi ça pose problème pour nous autres hérétiques de ne pas avoir de "vrais" parrains et marraines.




(Est-ce que c'est trop demander que de simplement vouloir choisir des gens qui vont être obligés de leur faire des plus gros cadeaux que les autres?)

Comme marraines, j'ai choisi Sarah, qui était ravie:

- Mais du coup, j'aurai lequel?
- Ben, j'avoue que j'y ai pas encore vraiment réflé...
- Je peux avoir numéro deux?
- Heu... si tu veux.
- Yes! Jackpot!

Et j'ai choisi ma soeur, qui était également ravie:

- T'as déjà décidé qui aura lequel?
- Oui, tu auras numéro un.
- Oh! C'est trop tard pour changer?

Pauvre numéro un : même pas encore né, et tout le monde se bat déjà pour avoir l'autre.

(En même temps, c'est ça qui arrive quand on ne s'arrête JAMAIS de jouer au xylophone avec mes côtes, espèce de sale gosse.)

Enfin, le sixième mois, c'est celui où j'ai commencé les cours sur l'accouchement avec une sage-femme.

Comme je vis dans la montagne, bien entendu ma sage-femme est une hippie (enfin, les hippies d'Alsace, on s'entend) (c'est pas le niveau du Larzac, tu t'en doutes), et elle m'a tout de suite mise à l'aise avec son côté naturel et rassurant :

- Il faut écouter son corps, et faire confiance à son corps. On a tendance à ne pas faire confiance à son utérus, parce que c'est la première fois qu'il porte la vie. Mais pourtant, on fait confiance à tous nos autres organes ! On ne s'endort pas en craignant que notre cœur s'arrête de battre pendant la nuit. On ne mange pas en craignant que notre estomac n'arrive pas à digérer ce qu'on lui envoie. Ayez le même degré de confiance envers votre utérus ! Dites-vous que votre corps peut gérer tout ce qu'on lui envoie. Marion, si votre bébé fait quatre kilos, c'est parce que vous POUVEZ le faire sortir ! Charlotte, si vous avez des jumeaux, c'est parce que votre corps PEUT s'en charger !

(Okay, génial, maintenant, si mon corps pouvait se charger de décaler mon estomac hors de portée des pieds des foetus, ce serait super, merci.)

Plus sérieusement, je trouve ces cours super utiles, j'ai appris plein de choses sur la gestion de la douleur, les gestes pour relâcher la tension, et les postures à aborder pour minimiser l'inconfort – et, rien que pour ça, je pardonne à ma sage-femme d'avoir démarré ses cours avec un discours de propagande de trente minutes sur l'homéopathie:

- Alors j'ai ici une ordonnance pour chacune d'entre vous avec plein de choses que vous pourrez prendre pendant votre fin de grossesse et votre accouchement : il y a de l'apis mellifica pour arrêter les saignements, le gelsémium élimine le stress, le millepertuis ça soigne la dépression post-partum, ah et puis je vous ai ajouté une pincée de granules à base de foie de canard dilué vingt mille fois, ça empêche toute forme de cancer et ça vous rendra immortelle. Des questions?
- ...
- Ah, et n'oubliez pas de prendre les granules hors des repas, sinon, elles n'ont pas d'effet. Ce serait bête de payer 20€ pour des pastilles de sucre!


Elle a conclu le premier cours en disant que c'était super important de parler aux bébés régulièrement, pour qu'ils entendent le doux son de ma voix et qu'ils le lient à moi, leur mère, qui les aime si profondément.

Flash-back de mes conversations avec mes foetus jusqu'ici :

- Eh! Espèce de petite merde! Tu vas te calmer maintenant ! Sinon moi je vais chercher un cintre et on n'en parle plus !

Je pense qu'on est partis sur de super bonnes bases.