Parce qu'après une bonne décennie de Marvelitudes tous les six mois sur grand (et petit) écran, quand Flaxou m'a dit "Eh, y'a une nouvelle série Amazon avec des super-héros un peu anti-héros", j'ai fait peu ou prou cette tête-là:
(Et ne commence même pas à me chauffer avec les films choraux à bases de multiples super-héros, parce que c'est encore plus répétitif.)
("Nos amis ont bien du mal à s'entendre! Mais ils vont devoir s'unir pour affronter la vague et terrible menace du gros-rayon-dans-le-ciel".)
Et, depuis le volet final des Avengers en 2019, plus aucune histoire de super-héros n'a réussi la tâche colossale de titiller mon intérêt émoussé.
Bref, les super-héros, c'était cool deux minutes, mais j'ai tourné la page, merci.
Et voilà qu'Amazon sort "The Boys", énième série inspirée d'un énième comic "subversif", et dans la PREMIÈRE PUTAIN DE SCÈNE, UN SUPER-HÉROS OBLITÈRE UNE PASSANTE EN COURANT A TRAVERS SA GUEULE:
(OKAY)
Et puis on a, en vrac, une jeune ingénue qui veut protéger la veuve et l'orphelin et se fait agresser sexuellement par un Aquaman du pauvre, une méga-corporation qui jette du pognon à tous les quidams qui passent pour cacher les frasques de ses "héros" hors de contrôle, et un ersatz de Superman qui CRASHE UN AVION ET TUE TOUT LE MONDE A BORD juste pour protéger les intérêts de la firme qui détient les droits de son personnage.
Et tout ça dans LE PREMIER EPISODE!
Bref, tu l'auras compris, "The Boys" est une série réellement subversive, dans une vibe qui me faisait beaucoup penser à "Preacher" (et OH SURPRISE les comics sont tous les deux écrits par le même mec, comme quoi la vie est bien faite).
C'est très rafraîchissant de voir une fiction où les personnages "antihéro" sont littéralement ANTI-HÉROS. Genre ils veulent vraiment TUER les héros. Parce que, dans le vrai monde de la réalité véritable, si tu donnes aux gens des super-pouvoirs, ils vont faire de la merde avec. (Même ceux qui étaient bien intentionnés au départ.)
Je ne vais pas te raconter toute l'intrigue, parce qu'il y a des rebondissements et que j'ai pas envie de spoiler, mais sache juste que la série est plutôt marrante (faut aimer l'humour noir), plutôt bien écrite (en dehors de quelques soucis de logistique dans la saison 2, mais je pinaille), et que les acteurs sont bons.
Et je vais même pardonner les énormes problèmes d'accent de Karl Urban (on sent bien qu'il essaye de faire un accent cockney, mais ça finit toujours par sonner comme un Kiwi qui essaye d'imiter un Australien) parce qu'on voit tellement peu Karl Urban et il est super, je l'adore:
(Cœur avec les doigts)
Et je vais MÊME pardonner le fait qu'ils aient un personnage qui s'appelle FRENCHIE et qui n'est PAS joué par un Français (sérieusement?), parce que sans déconner, je sais pas comment ils ont fait, mais ce mec a vraiment une tête de Français:
(Et il est super mimi, je le kiffe.)
(En vrai je kiffe tout le monde dans cette série, donc t'as vite fait le tour.)
Surtout, la série est très mordante vis-à-vis des dérives du capitalisme corporate (sens-tu comme un thème dans ce top 2020?) (sens-tu comme un vent de révolution?) (sens-tu comme une envie de pendre les riches avec leurs tripes et faire cramer leurs baraques pardon je m'emporte).
Vought, le conglomérat pharmatico-médiatique qui encadre les super-héros, fait beaucoup penser à une sorte de Dark Disney, avec ses origines obscures, sa culture corporate toxique, son "optimisation" fiscale, et son armée d'avocats prêts à étouffer tous les scandales à la racine.
Ah oui, et sa récupération de thèmes progressistes, en mode "nous aussi on est woke":
(DU GÉNIE)
Tu l'auras compris, la série est très mordante (big up aussi à cette secte scientologique où, pour une raison que je ne m'explique pas, tout le monde boit un Perrier Citron du pauvre). Les personnages de la bande des Boys sont tous très attachants, et même les super-héros ont une psychologie intéressante et peuvent, dans certains (rares) moments, se montrer sympathiques (je pense notamment à Maeve ou Lamplighter).
Bref, cette série est cool, et si, comme moi, tu n'en peux plus des super-héros, tu vas kiffer les voir se faire démonter la tronche.
(Ah oui, ça vient peut-être un poil tard, mais Alerte Chiffes Molles : cette série est un poil gore.)
(Que ceux qui n'ont pas envie de voir une baleine éventrée par un hors-bord passent leur chemin.)
Ou "Le Jeu de la Dame" comme elle se nomme en Hexagone, cette mini-série a une histoire vraiment cool qui mérite d'être racontée:
Remontons le temps jusqu'en l'an de grâce 1983, où est publié le roman "Le Jeu de la dame" par l'écrivain Américain et grand amateur d'échecs Walter Tevis. Le roman est un classique "Bildungsroman" (ou roman d'apprentissage), genre très prisé aux Etats-Unis et qui raconte le cheminement d'un héros de l'enfance à l'âge adulte (ou, plus globalement, de l'immaturité à la sagesse). Il est centré sur le personnage de Beth Harmon, une prodige aux échecs qui chemine de l'orphelinat jusqu'au statut de "Grand maître international" aux échecs, tout en luttant contre ses addictions aux tranquillisants et à l'alcool. Le roman est plutôt bien accueilli aux Etats-Unis, et est notamment salué pour ses descriptions apparemment très justes de compétitions d'échecs.
Quelques années plus tard, en 1992, Allan Scott, un scénariste écossais et grand fan du livre, achète les droits du bouquin à la veuve de l'auteur, avec l'idée d'en faire un film indépendant. Problème : tout le monde trouve que le projet pue du fion. Comment faire un truc intéressant basé sur un jeu aussi complexe que les échecs? N'importe quel novice va s'emmerder comme un rat mort!
Scott ne désespère pas, travaille sur plein d'autres trucs, mais continue à porter le projet dans son coeur. En 2007, sa chance tourne enfin quand Heath Ledger accepte de passer pour la première fois derrière la caméra pour réaliser le film, et des négociations sont engagées pour engager Elliot Page (à l'époque Ellen Page, hyper bankable après le succès massif du film indé "Juno") dans le rôle principal. Sauf que... Heath Ledger décède d'une overdose quelques mois avant la date de début du tournage.
Tout est annulé, retour à la case départ.
Puis, dix ans plus tard, Scott Frank (un scénariste/réalisateur qui avait bossé avec Allan Scott sur le film avorté de 2007) termine sa propre mini-série "Godless" sur Netflix (dont je t'avais déjà parlé, au passage) et se dit "Eh, mais je me demande si y'a pas d'autres projets de films sur lesquels j'ai bossé à l'époque et qui pourraient tenir la route en mini-séries!" Et il vient toquer à la porte de Netflix avec "Le Jeu de la Dame". Netflix accepte, après tout, ça fait quoi comme budget, une série de 7 épisodes? Quelques millions?
(Ceci est une question rhétorique, car encore une fois, Netflix n'a pas divulgué le budget.)
(Mais vu qu'ils ont tout filmé en ex-Allemagne de l'Est, quelque chose me dit que ça devait pas faire exploser les caisses.)
Et là, c'est le jackpot :
"Le Jeu de la Dame" devient la mini-série la plus regardée sur Netflix depuis la création du site, et Netflix est tellement fier qu'il publie même les stats (alors que bizarrement, ils font jamais ça pour les bides) : 62 millions de foyers ont vu la série, donc potentiellement plusieurs centaines de millions de personnes.
(On ne sait pas si c'est "ont vu jusqu'au bout" ou "se sont endormis devant les dix premières minutes", cela dit.)
Mais alors, pourquoi, comment? Qu'est-ce qui est donc si intéressant dans une histoire de meuf qui joue aux échecs pour motiver 62 millions de péquenots à la regarder alors qu'on est bien d'accord que PERSONNE sur cette terre ne joue encore aux échecs, oui?
(Enfin chais pas, tu sais jouer aux échecs, toi? Parce que moi non.)
(Mon père a essayé de m'apprendre quand j'étais gamine, mais de un, c'était pas vraiment Bobby Fischer, et de deux, j'étais pas vraiment Gary Kasparov, alors on s'est vite lassés.)
(Voilà, j'ai maintenant épuisé mes connaissances en citant les deux seuls noms de joueurs d'échecs que je connais.)
Eh ben malgré ça, figure-toi que j'ai vraiment kiffé cette série.
D'abord, parce que la partie "championnat d'échecs" est bien filmée pour les béotiens dans mon genre, et se concentre sur les expressions du visage des joueurs plutôt que sur les pions (il est alors beaucoup plus facile de comprendre les enjeux de ce qui se passe).
Et puis, surtout, parce que ce serait bien réducteur de faire du "Jeu de la Dame" une simple histoire d'échecs, puisque, comme je l'ai dit plus haut, le bouquin d'origine est avant tout un Bildungsroman, et je ne l'ai pas lu donc je ne sais pas à quel point la série y est fidèle, mais du point de vue des thèmes, on est clairement sur une.... Bildungs-série (?) (je tente des trucs)
Car si la petite prodige Beth Harmon est si attachante, c'est moins par son côté génial (qui aurait plutôt tendance à la rendre antipathique - vu que nous, spectateurs, on est en majorité des imbéciles gens simples), mais bien par sa personnalité et les obstacles qu'elle doit surmonter : orpheline, sans le sou, rejetée par ses pairs, précoce mais immature, et, surtout, tenaillée par son alcoolisme et son addiction aux tranquillisants.
Et on a beau avoir revu l'histoire "partie de rien pour arriver au sommet" des milliers et des milliers de fois, je trouve qu'il y a toujours quelque chose de prenant dans ces récits-là. C'est avec ce genre d'histoires que je me retrouve systématiquement impliquée au point de parler aux personnages devant ma télé:
- Allez, Beth, fais pas de conneries, c'est la demi-finale! Mais NON refuse ce verre de vin, tu sais bien que t'arrives pas à gérer, espèce de génie abrutie, là!
(Que j'appelle "le Syndrome Rémi Sans Famille II", vu que ce livre est la définition même de "la vie me donne des baffes continuellement pendant des années, mais tout finit bien dans le bonheur et la richesse".)
Pour porter ce genre de scénario, il faut un interprète principal en béton, et là, c'est bingo, la toute jeune Anya Taylor-Joy est magistrale.
(Elle est née après 1990, c'est donc par définition une enfant.)
Elle a une présence tellement magnétique que, dès qu'elle apparaît à l'écran, la caméra ne voit qu'elle, ne suit qu'elle, ne s'intéresse qu'à elle. Et même durant les moments les plus mutiques (les parties d'échecs), son jeu de regards, son langage corporel, est tellement intense, qu'on est absorbé par tout ce qu'elle fait.
Cela étant dit, les autres acteurs sont très bons aussi (notamment l'interprète de Benny Watts, ou encore celle de Jolene, un personnage tellement intéressant que c'est hyper dommage qu'elle n'apparaisse que si peu à l'écran).
(Le casting est tellement bon que je leur pardonne même d'avoir pris un Polonais pour jouer le rôle du champion Russe - c'est dire.)
Ajoute à ça des décors somptueux, des costumes magnifiques, une musique du tonnerre, et une esthétique très filmique qui vient apporter un agréable vent de fraîcheur au champ/contrechamp qui fait normalement l'apanage des séries "cérébrales" dans ce genre.
(Avec des plans-séquences de toute beauté!)
Bref, si tu ne fais pas encore partie des 60 millions de foyers conquis par "Le Jeu de la Dame", n'hésite pas!
Encore une mini-série de seulement 4 épisodes (en vrai, appelons un chat un chat et un téléfilm un téléfilm, hein), Unorthodox est une fiction Netflix qui raconte l'histoire d'Esty (diminutif d'Esther), une toute jeune femme Juive Orthodoxe qui cherche à échapper à l'oppression de sa communauté ultra-conservatrice de Williamsburg (un quartier de New York).
La série est quasi-intégralement tournée en Yiddish, la langue des Juifs Ashkénazes, et c'est super rigolo à écouter en tant qu'Alsacienne parce que c'est vraiment très proche de notre dialecte. (Sans surprise, puisque l'Alsace a très longtemps abrité une nombreuse communauté Juive, et que les deux langues se sont mutuellement influencées.) (Un exemple passionnant est celui du mot "bubbala", qui veut dire la même chose dans les deux langues (un terme affectueux pour désigner un bébé), et dont les origines se perdent si loin qu'on ne sait pas vraiment si l'étymologie se trouve dans l'hébreu, l'allemand, ou même dans les langues slaves.)
Bref bref (je m'arrête ici parce que l’étymologie c'est trop passionnant et il faut que je me coupe la parole ou je vais te pondre quinze pages).
La série est vaguement basée sur une autobiographie du même nom, par une jeune femme dont le parcours suit globalement celui de notre héroïne : mariée à 17 ans à un inconnu, elle se retrouve prise dans l'étau d'un mariage dysfonctionnel, dominé par l'absence d'enfant (une "faute" qui va lui bouffer la vie), au point de la motiver à s'échapper.
Et je dis "s'échapper" au sens propre, puisqu'Esty prend littéralement la fuite avec rien de plus que quelques dollars et les vêtements sur son dos, pour aller à Berlin où vit sa mère (également paria de la communauté orthodoxe), avec laquelle elle a coupé tous les ponts. Mais bien vite, son absence est remarquée, et son mari est sommé d'aller la chercher, sous peine d'amener l’opprobre sur la famille entière....
Evidemment, en tant qu'athée ayant fréquenté l'école catholique, je pense que c'est plutôt clair que je n'ai aucune connaissance des coutumes et traditions dans la communauté Juive Orthodoxe. Bonne nouvelle, les réalisateurs se sont douté que ce serait le cas de la majorité de leur audience, et ont très bien œuvré pour expliquer les choses aux non-initiés, MAIS sans verser dans la surenchère d'exposition (je leur dis notamment un grand merci pour l'absence de voix-off).
Le regard posé sur la vie d'Esty est à la fois franc et pudique, et, à travers elle, on perçoit parfaitement ce double aspect de la vie dans une communauté qui la protège et l'étouffe à la fois. Les personnages sont merveilleusement complexes (le mari d'Esty, par exemple, est très touchant, là où il aurait été TELLEMENT facile de faire de lui le grand méchant de l'histoire) et les interprètes très convaincants.
Evidemment, la série repose quasi-intégralement sur les épaules de Shira Haas, la jeune interprète d'Esty, et je n'ai rien à dire si ce n'est qu'elle est bluffante. Elle dégage une force incroyable qui tranche avec son visage d'enfant et son petit corps tout menu (l'actrice a en réalité 26 ans, mais passerait sans souci pour une adolescente), et son jeu tout en retenue et en nuance fait d'Esty un personnage éminemment sympathique. Dès ses premières minutes à l'écran, on n'a qu'une envie, c'est de la prendre dans nos bras, et de lui dire "chhhh, chhhh, tout va bien petit chaton".
(Ne pleure pas, bubbala, je te protègerai.)
La prise de vue est très belle, la lumière et les cadrages aussi (cette scène du lac! Magnifique!), il y a surement beaucoup de symbolisme qui m'est complètement passé au-dessus de la tête, et si tu as l’œil pour ce genre de trucs, je crois qu'il y a bien moyen de s'éclater.
(Je pense aussi qu'il y a beaucoup de nuances qu'on ne peut pas vraiment comprendre si on n'est pas Juif, mais perso, ça ne m'a pas empêchée de beaucoup aimer cette série.)
Bref, si les sous-titres ne te rebutent pas, n'hésite pas à y jeter un oeil!
1. The Haunting of Bly Manor