samedi 30 octobre 2021

Pince-mi et Pince-moi rendent maman zinzin


(Dix secondes avant cette photo : "Dis donc, qu'est-ce que les enfants sont calmes ce matin!")

(Quelques mois plus tôt : "j'ai mis mes papiers de cours dans le tiroir sous clé, ils y entreront jamais!")

(Une tragédie en deux actes.)

Les grumeaux grandissent.

Ils développent leur langage, leur caractère, et leurs passions.

Et, autant pour les passions, ils tiennent plutôt de leur papa, autant pour le caractère, ils ont malheureusement hérité de leur maman.

Je dis « malheureusement » parce que, j’ai beau être aujourd’hui une personne tout à fait délicieuse (si), quand j'étais gamine, j'avais un caractère de cochon, qui se manifestait notamment par une tendance à bouder plus ou moins constamment.


(En même temps, l’opprobre était grande, cf. comment ils me fagotaient.)

Et, trente ans plus tard, j'ai Auguste qui décide périodiquement de "bouder en vert", comme il l'appelle poétiquement. (C'est-à-dire qu'il va sur sa chaise à bouder - une chaise qu'il a lui-même élue comme meilleur endroit de boudage - et il se trouve que cette chaise a un coussin vert.)

Quand j'étais petite, je me rappelle aussi que je fuguais régulièrement (en gros, dès que mes parents me faisaient faire quelque chose que j'avais pas envie de faire) (oui, tous les jours, exactement). Je prenais ma valise Les Belles Histoires avec mon nounours dedans, j'annonçais à la ronde :

- J'en ai marre! Je vais vivre chez mamie!

Et je traversais le jardin, je montais chez ma grand-mère, et je lui disais:

- Mamie, je viens vivre chez toi. Tu me fais des beignets de pomme?

Et puis, quand j'avais fini les beignets, je disais:

- Je crois que je vais quand même revenir vivre à la maison, sinon papa et maman vont avoir trop de chagrin.

Pendant ce temps, mes parents:


Trente ans plus tard, ce sont mes enfants qui fuguent tous les matins chez celle qu'ils ont baptisé "Mamie Toc" (puisque je leur dis toujours "avant d'aller chez mamie, il faut faire toc, toc, toc"!).

- Les enfants, vous voulez quoi au petit déjeuner?
- Du PAIN!
- Du BEURRE! 
- De la FAFITURE!
- Okay, on descend manger à la cuisine?
- OUIIIII!

Et une fois en bas, les mômes s'exclament:

- La cuisine CHEZ MAMIE TOC!

Et se barrent en courant, et passent vingt minutes là-bas à se faire déposer des cuillères de confiture directement dans le gosier.

Pendant ce temps, je vais dans ma cuisine vivre ma meilleure vie pendant les seuls instants paisibles de ma journée - c'est-à dire MANGER SEULE:


(Sans personne pour m'interrompre en me demandant un bout de pain, un bout de fromage, du ketchup, plus de pâtes, ou en reversant des assiettes entières par terre.)

Mon autre trait de caractère dont mes enfants ont malheureusement hérité, c'est le côté têtu (qui est présent chez tout le monde dans ma famille, donc est-ce que c'est vraiment de ma faute? Probablement pas), et, comme pour le boudage, c'est un trait qui se manifeste plus sévèrement chez Gus-Gus, le seul gamin avec qui on a dû lutter pour lui faire essayer la CRÈME GLACÉE:

- Mais goûte! Tu verras, c'est bon!
- Veux pas!
- Regarde ton frère, comme il se régale!
- Veux pas!
- C'est sucré! C'est comme un yaourt, mais encore meilleur.
- Veux paaaaaas!

J'ai finalement réussi à ruser en lui barbouillant le nez de glace - nez qu'il s'est empressé de lécher, puis:

- Alors, c'est bon la glace, non?
- Non. Pas bon!
- Bon, je la mange, alors, parce que sinon elle va fondre.
- Donne à Gus-Gus!
- Ah, donc tu veux la manger, finalement?
- Non! Je veux donner à maman.

Puis le môme m'a donné UNE LÉCHOUILLE de glace et s'est empressé d'engloutir le reste, en m'affirmant tout du long que c'était "pas bon".


(Mais bien sûr.)

Un autre trait de caractère que les deux enfants ont piqué à leur maman chérie, c'est le côté obsessionnel quand il s'agit des œuvres de fiction. Sur ce coup, je pense qu'il doit y avoir une petite justice karmique au fait que, trente ans après avoir rendu mes parents zinzins avec mes obsessions (le livre "Yanna la petite fée" tous les soirs, le Roi Lion en boucle, etc.), eh ben c'est maintenant moi qui devient cinglée:

- Les enfants, venez changer la couche! Je vous mets un dessin animé!
- TOTOROOOOOOOOOO!
- Les enfants, j'ai une idée : et si, aujourd'hui, au lieu de regarder Totoro pour la quatre-vingt-huitième fois, on mettait un des quatre mille autres dessins animés du catalogue Netflix?
- TO-TO-ROOOOOOOO!
- Regardez celui-là ! Il y a une tortue dedans! Vous aimez les tortues! Et il y a des poissons, vous adorez les poissons!
- Poissons!
- PONYO!
- PONYOOOOOOOO!



(S'ils se mettent à chanter les génériques en japonais, je les abandonne dans la forêt.)

Après, j'avoue qu'une obsession Miyazaki, c'est pas la pire des choses, surtout que, depuis que je suis parent, je me rends compte à quel point l'offre de dessins animés pour enfants est PUTAIN DE LAIDE.

Alors pour les thèmes, je dis pas, hein : l'amitié, la diversité, le respect, l'écologie, tout ce que tu veux, super, mais est-ce qu'il faut que ce soit TELLEMENT MOCHE?

Vous avez déjà regardé un épisode de Pat'Patrouille? C'est animé avec le cul, on est d'accord? C'est un stagiaire qui a fait le background sur Paint, je vois pas d'autre explication?

(Et on ne va même pas aborder l'immondice des dessins animés "dessinés comme les enfants", style Peppa Pig ou l'âne Trotro.)


(La maison de Peppa n'a pas de gouttières, MAIS par contre elle a une antenne télé.)
(Sens des priorités)

Bref, tout ça rend plus supportable le fait de me taper quarante-cinq fois les aventures de Kiki la Petite Sorcière, son chat, et sa copine sans nom (t'sais, la lesbienne artiste qui vit dans les bois et qui parle aux corbeaux, là)


(Hashtag goals)

Même si, après, on a quand même bien l'air con:

- Allez, venez les enfants, on va faire une balade en forêt!
- OUAAAAIIIIS!
- On va chercher des glands!
- Comme Satsuki et Mei!


(La fabrique du cringe.)

Mais, comme je l'ai dit plus haut, pour leurs passions, ils tiennent plus de leur papa, notamment pour tout ce qui a trait à la vie sous-marine, cf. leur autre grande passion télévisuelle : LES REQUINS.

Ça a commencé par moi leur mettant innocemment un documentaire de Netflix sur la grande barrière de corail, en me disant "ils seront contents, ils adorent les poissons-clowns, les jolis coraux, tout ça", et finalement, ils ne voulaient regarder qu'un seul passage en boucle, celui avec les requins des récifs.

Et ça gavait tellement Flaxou de devoir retrouver le passage en question à chaque fois qu'il s'est dit "moi je suis malin, je vais leur montrer un documentaire UNIQUEMENT sur les requins".

- Mais tu l'as regardé en avance, le truc?
- Ben non, pourquoi?
- C'est sur les grands requins blancs, quand même. Si on les voit chasser, tuer des phoques ou chais pas quoi, ça va les traumatiser!
- Oh! Tu penses?

Et c'est bien évidemment à ce moment pile que le documentaire a montré des images de requins blancs en pleine chasse, ce qui n'a absolument pas déphasé nos psychopathes de têtes blondes, qui ont trouvé ça tout à fait délicieux:

- Maman! Maman, regarde, le requin il a croqué le poisson!
- Ha ha ! Maman, regarde! Il a des grandes dents, le requin!


(Moi, terrifiée : "c'est super les enfants, maman va aller se cacher deux minutes, okay?")

Faut croire que ces gamins n'ont pas peur des trucs classiques, cf. ma tentative désespérée de les faire rentrer un soir et qui a complètement backfire:

- Bon, les enfants, ça fait huit fois que je vous dis que c'est l'heure de rentrer à la maison!
- NAAAAAAAN!
- Il fait froid, c'est l'heure de manger, et il va bientôt faire nuit!
- NAAAAAAAN!
- Allez! Il va faire nuit...et les loups vont venir! Ils vont venir faire OUUUUUUH!

Silence. Doute.

- Les loups vont venir?
- Oui.
- Ils vont venir de la forêt?
- Oui.
- OUAAAAIIIS! Moi je veux rester voir les loups!


(Ça m'apprendra à faire ma maligne.)

Forte de ces expériences, j'ai décidé de les amener au zoo, en me disant qu'ils seraient ravis de voir des vrais loups, ou des vrais crocodiles (bon, okay, on n'a pas de requins, mais y'a un ours polaire alors hein), et qu'ils n'auraient pas peur.

Alors, peur, non hein, on l'a compris, mais par contre, ce que j'avais pas bien saisi, c'est qu'ils sont encore incapables de distinguer le caractère exceptionnel de certains animaux par rapport à d'autres.

Extrait de la visite:

- Regardez, les enfants! C'est l'enclos des loups!
- OUUUUUH! MAMAAAAAAAN! REGAAAAARDE!
- Oui, mon Gus-Gus, c'est des....
- REGAAAARDE Y'A DES FOURMIIIIIS! LAAAAAA!


(Et Sammy j'en parle même pas, son meilleur moment de la journée, c'est quand une mite est venue se poser sur mon sac à dos.)

(Exotisme.)

- C'était bien, le zoo, les enfants?
- OUIIIIIII!
- Racontez à papa ce qu'on a vu comme animaux!
- Des CANAAAARDS!
- Ah? Mais y'avait d'autres animaux, aussi, non? Toi, tu as vu quoi, Gus-Gus?
- Des CHÈVRES!

(Bon, on va dire qu'au moins, ils se sont bien amusés?)

(Ils se sont autant amusés à une heure de route et seize balles l'entrée que si je les avais amené voir des scarabées dans la forêt à un mètre de chez nous, mais okay.)

Bref bref.

Niveau langage, ça y est, on est sur du solide, on a des sujets, des verbes, des adjectifs, des adverbes, la compréhension est quasi totale.

QUASI.

- MAMAN, JE VEUX BITE!
- Heu...pardon?
- BITE ! JE VEUX BIIIIITE!
- Je....
- ALLEZ! BITE! POUSSE-BITE!
- Tu....AH! Tu veux que je te pousse vite!
- Oui! Bite! Très bite!

(Dois-je préciser que cette conversation s'est déroulée, non pas dans le calme feutré de notre domicile, mais EVIDEMMENT au beau milieu d'un supermarché?)

Mais bon, on va dire que pour le langage, c'est presque ça.

Pour la logique, c'est pas mal non plus, je serais même tentée de dire qu'ils en ont plus que nous, cf. cette conversation avec Sammy un matin, entrant dans la salle de bains avec sa brosse à dents et me voyant en train de mettre du mascara:

- Moi je me brosse les dents!
- C'est super, mon chou.
- Et maman, elle se brosse les yeux!


Ainsi qu'un traumatisme qui leur vaudra sûrement dix ans de psychanalyse:

- Les enfants, revenez ici! Laissez maman tranquille, elle prend sa douche!
- Mamaaaaan? Maman se lave?
- Oui, loulou.
- Maman se lave les chev-HAAAAAN!
- Quoi?
- Maman! HAAAAA! Maman elle a pas de zizi!


Sur ce, je te laisse, c'est bientôt l'heure d'aller les chercher.

Je te dis à plus dans le bus (métaphorique, je ne prends pas le bus, y'en a pas chez moi), on causera crise des deux ans, parentalité bienveillante, et livres à se carrer dans le cul. (Sens-tu comme un thème?)