dimanche 13 février 2022

Terrible twos (by two)



(Cette photo s'intitule "le câlin deux secondes avant la bagarre")

(J'en ai une comme ça pour tous les jours de l'année.)

Et donc mes gosses ont eu deux ans.

Alors c'était l'été dernier, certes, mais j'ai été pas mal occupée entre-temps.

Parce qu'ils ont fait la fameuse CRISE DES DEUX ANS.

(Ou "terrible twos", comme on l'appelle chez nos amis outre-Manche.)

(Et du coup, comme j'ai deux gamins en même temps qui font leur "terrible twos", est-ce que j'appelle ça "terrible twos by two"? Ou cash je fais ma multiplication et je dis "terrible fours"?)

(Tant de questions, si peu de réponses.)

Les terrible twos (pour ceux et celles d'entre vous qui auraient la joie de ne pas savoir ce que c'est) c'est un âge de merde sensible, où le gamin est confronté à une poussée d'hormones et une explosion de ses capacités motrices, MAIS où il a encore du mal à s'exprimer verbalement. Tout ça crée pas mal de frustration, et donc le môme se comporte comme une sale petite ordure entre dans une période de contestation.

En gros, ton gamin te fait une mini-crise d'adolescence, à base de "je fais c'que j'veux c'est pas toi qui décides J'TE DÉTESTE" (mais avec moins de drogues et de musique emo, et plus de roulages par terre).


(Mes gamins quand je leur dis "mets tes chaussures")

Donc voilà, on a eu un très joli avant-goût de ce que ça va donner d'avoir deux crises d'adolescence en même temps dans la même maison, et laisse-moi te dire qu'on a GRAVE HÂTE. 

La petite consolation, c'est qu'on n'était pas les seuls à être au bout de notre vie avec nos mômes, cf. les transmissions de la crèche tous les soirs (propos véridiques):

- Ils ont été.... plutôt taquins. 
- On sent....on sent qu'ils sont vraiment en recherche de cadre, hein. 
- L'ambiance était vraiment.... électrique.
- Eh bien.... Disons que je vous souhaite d'avoir une soirée plus agréable que la journée qu'on a eue.

(J'adore les euphémismes de crèche pour éviter de te dire tout de go "J'en peux plus de tes connards de gosses".)

Bref, tu l'as compris, les grumeaux étaient pénibles

Tous les jours, c'était la bagarre pour la moindre chose : ils refusaient de s'habiller, de manger, de mettre leurs chaussures, de se mettre dans la voiture, bref, chaque geste du quotidien était prétexte à des crises de rages et des hurlements.

On en était à un stade où les autres parents de la crèche avaient arrêté de simplement me regarder avec de la pitié dans les yeux, et me plaignaient carrément à voix haute:

- SAMUEL ! VIENS METTRE TES CHAUSSONS! AUGUSTE! NE TOUCHE PAS A CA! VIENS ICI! LAISSE CE CASIER TRANQUILLE! JE COMPTE JUSQU’À TROIS ET JE TE METS LES CHAUSSONS DE FORCE! ET TOI, ENLÈVE CE BONNET! ET TOI, LÂCHE CETTE CHAUSSURE! UN...
- Oh là là, je l'admire, dis donc!
- Oui, moi aussi! C'est sûr qu'avec deux, ça doit pas être facile.
- DEUX....TROIS! MAINTENANT CA SUFFIT LES CAPRICES! JE M'EN FICHE SI TU ES PAS D'ACCORD C'EST MOI QUI DÉCIDE! ET TOI TU ARRÊTES DE LÉCHER CE TAPIS!
- Quel courage!
- Ah ça oui!


(Un très joli sentiment, mesdames, mais c'est pas vraiment comme si j'avais eu le choix, hein.)

(Flaxou m'avait bien suggéré de les abandonner dans la forêt, mais honnêtement, ça leur aurait trop fait plaisir.)

Bref, j'étais devenue la meuf que les autres mères regardaient en se disant "comme quoi, je me plains, mais ça pourrait être pire".

(En gros, j'étais devenue Lois dans "Malcolm".)

Et je désespérais de faire obéir ces enfants monstrueux, parce que rien ne marchait : ni les menaces, ni les cajoleries, ni les punitions, et ON N'A PLUS LE DROIT DE LES TAPER, PUTAIN!
 
(Et, autant je comprends à quel point c'est important d'éduquer ses enfants sans violence, autant je me dis que les générations d'avant avaient quand même drôlement la paix par rapport à nous.)

Dans mon désespoir apparent, une gentille dame de la crèche a cru bon de me jeter une bouée de sauvetage en me disant:

- Vous avez lu Filliozat? C'est très bien expliqué et plein de solutions pratiques pour gérer cet âge sensible entre 18 mois et 3 ans.

Et, même si, d'ordinaire, j'évite les livres sur l'éducation des enfants et je préfère y aller au feeling, là, j'ai immédiatement acheté le bouquin.

(Parce que mon feeling, là, me disait "une fessée et au lit", donc clairement j'allais pas l'écouter.)

Et té-ma comme même la couverture te vend du rêve dès le départ:


(Featuring un enfant en larmes au premier plan, super Hubert.)

Et, alors, je trouve le livre super utile pour les bébés et les très jeunes enfants (j'ai par exemple appliqué avec succès le truc de dire "stop" plutôt que "non", ou bien d'utiliser des instructions avec des phrases affirmatives plutôt que négatives ("laisse les pâtes dans l'assiette" plutôt que "ne jette pas les pâtes par terre"), et ça marche vraiment bien).

Par contre, pour les grands (2 ans et plus), j'ai quand même l'impression que l'autrice essaye de nous la faire à l'envers:

- Votre enfant demande toujours à choisir? C'est normal, il acquière un sens de l'autonomie. Lui laisser le choix, c'est bon pour son développement!
- Ok, super, je le laisse choisir.
- Par contre, ne vous attendez pas à ce qu'il fasse réellement un choix!
- Comment ça?
- En fait, à cet âge, votre enfant n'a pas réellement de critère de choix, parce qu'il est incapable de conserver des images dans sa tête pendant longtemps : il ne vit que dans l'immédiat. 
- Donc je le laisse choisir?
- Oui! 
- Mais il saura pas choisir.
- C'est ça.
- Donc il va se frustrer tout seul et me faire perdre quarante minutes?
- Exactement!


(Et puis le coup de "votre enfant ne sait pas conserver des images dans sa tête", tu me la referas quand tu les verras me faire les dialogues complets de "Totoro" dans la bagnole quand ils écoutent la B.O du film.)

Globalement, j'ai quand même l'impression que l'autrice bascule vachement entre "l'enfant est incroyablement intelligent" et "l'enfant est con comme une planche". 


Genre, faut pas féliciter un enfant quand il fait un truc bien (?) parce que ça souligne que l'action aurait pu être mal faite, et du coup, ça va générer de l'anxiété dans son petit cerveau et créer une peur de l'échec.

Okay, donc mon gamin de deux ans peut faire des déductions poussées de ce genre ("si c'est bien fait, ça peut être mal fait") avec des conditions hypothétiques et tout, mais par contre, il est trop con pour comprendre une instruction comme "attends deux secondes, c'est pas ton tour"?


(Ben meuf, dis à mes mômes qu'il arrivent pas à se représenter un futur proche, quand tous les jours ils me demandent "on mange quoi ce soir" ou "on va chez qui demain".)

Pour un peu tout le reste, on est quand même sur du constat "c'est pas sa faute s'il fait n'importe quoi, votre enfant est très très teu-bé, à vous de vous armer de patience jusqu'à ce qu'il soit un tout petit peu moins con".


En gros, c'est à nous de devenir des parents qui ont toujours le temps et l'énergie pour passer trois plombes à décrire les situations et à mobiliser le cortex préfrontal de leurs enfants:

- Ce n'est pas constructif de dire "ne tape pas ton frère"! A la place, essayez plutôt la méthode suivante, qui ne prendra que douze à quarante-cinq minutes. D'abord, décrivez la situation en disant "je vois", puis demandez à l'enfant en tort s'il comprend pourquoi l'autre pleure. (Souvent, il ne comprendra pas que les pleurs ont été causés par lui, car rappelez-vous, il est con comme une chaise!) Puis demandez à l'autre enfant d'exprimer son ressenti, et enfin, demandez au premier comment il pense qu'il faudrait faire pour consoler celui qui pleure. Et voilà! Problème résolu! 


Eh ben laisse-moi te dire que ça a marché DU TONNERRE.

- Qu'est-ce qui se passe ici? Sammy! Lâche ton.... attends, non, c'est vrai, je dois... hmm... euh... JE VOIS un petit garçon qui est accroché à la joue de l'autre comme un Rottweiler et en train de le mordre jusqu'au sang ...

(Ah oui, c'est une méthode qui marche particulièrement bien dans les situations critiques, hein.)

Et même pour les petites disputes, cette méthode n'a jamais fonctionné.

- Auguste, regarde ton frère, qu'est-ce qu'il fait?
- Il pleure.
- Tu sais pourquoi il pleure?
- Oui, c'est parce que je l'ai tapé parce qu'il avait piqué mon train.
- Et qu'est-ce que tu penses qu'il faudrait faire pour qu'il aille mieux?
- Qu'il arrête de piquer mon train.
- ....


(Non mais la logique est là, hein!)

Et ça, c'est les fois où leur complicité gémellaire ne vient pas carrément interrompre mon laïus:

- Pourquoi tu pleures, mon cœur?
- SAMMY A TAPÉÉÉÉÉÉ!
- Samuel, viens ici. Je ne suis pas contente, tu as fait une grosse bêtise. Viens t'excuser tout de suite auprès de ton frère.
- Pa'don Gus-Gus! Câlin Gus-Gus!
- Tu sais, Samuel, tu as le droit de ne pas être d'accord avec ton frère, mais tu es un grand garçon maintenant, et tu sais parler, donc si tu as un problème, tu peux utiliser tes mots et dire...
- C'est bon maman! Mon frère il a dit pardon! On peut aller jouer maintenant!


(Qu'est-ce que tu veux faire quand même la victime est du côté du bourreau?)

Et je passe sur les autres enseignements que je n'ai même pas voulu mettre en place, parce que juste non:

- C'est vrai que ça peut être frustrant quand l'enfant vous fait perdre du temps le matin, mais rappelez-vous que sa conception du temps est radicalement différente de la vôtre! Il ne comprend pas la notion d'horaires, ni de retard, il vit uniquement dans l'instant présent, et quand vous le forcez à laisser ses jouets et le mettez dans la voiture de force, il vit ça comme un acte d'une grande violence. C'est nier son existence en tant que personne, et sa capacité décisionnelle. Au final, ce sera beaucoup plus productif de lui laisser prendre son temps pour décider de lui-même qu'il faut y aller... et puis, quelques minutes de retard, ce n'est pas la fin du monde!

Okay, donc clairement, ce livre n'a pas été écrit par un Alsacien.

L'HEURE C'EST L'HEURE MA PETITE MADAME.

QUAND C'EST L'HEURE ON Y VA ET PUIS C'EST TOUT, GOTT VERDAMMI!


Toi tu iras expliquer à mes élèves que je les ai fait poireauter quinze minutes dans le froid devant la salle de cours parce que "Mon enfant n'avait pas fini de jouer aux petites voitures, et voyez-vous, je ne voulais pas mettre un frein à sa capacité décisionnelle."

Plus sérieusement, je me demande à quel point c'est bon pour une famille quand le parent s'efface au point que son gamin a une priorité constante sur chaque aspect de sa vie. Parce que là, dans tout le bouquin, il n'y avait que ça : "voilà ce que telle situation fait à votre enfant", "voilà ce que cette réaction suscite chez votre enfant", mais à un moment donné, on en parle, du parent, ou bien ça y est, on n'existe plus du tout en tant que personne, on est juste la béquille de notre môme jusqu'à sa majorité?

Au final, j'ai quand même glané quelques bons conseils du livre (notamment le fait de donner des consignes plutôt que d'interdire, qui marche très bien parce que mes enfants ont hérité de l'esprit de contradiction de leur père), mais clairement, y'a pas mal de pages dans le bouquin que j'ai juste survolé en levant les yeux au ciel.

Bref, c'est pas bien grave, on est sortis de la période chiante compliquée sans trop de casse, on a trouvé un moyen de récompenser les bons comportements plutôt que de punir à tout va (via les sacro-saintes gommettes) (oui, on donne des bons points à nos enfants comme dans les années 50, comme quoi, y'a des recettes qui marchent encore) et maintenant, on est entrés dans un rythme sympa, et je dirais même qu'on se marre bien:

- Maman, je veux du chocolat!
- Il manque le mot magique.
- Le mot magique?
- Oui, c'est quoi le mot magique?
- C'est.... LA CIGOGNE!
- Que...
- AHAHAHAAHAH
- Quoi?
- Je te fais une blague! C'est une blague, maman! 


(C'est bon, pas besoin de test ADN, c'est sûr, ils ont l'humour de leur père.)