jeudi 13 septembre 2018

Oh mamie mamie blue

Ce matin je me suis réveillée et j'avais trente ans.


(3615 références de vieux)

(3615 meuf qui utilise encore le 3615 comme une référence alors que ça vient du MINITEL)

Alors, qu'on se le dise, j'ai abordé cette nouvelle dizaine avec un mot en tête : la SÉRÉNITÉ.


Ceci pour plusieurs raisons :

Premièrement, j'ai déjà fait ma crise de la trentaine quand j'avais 28 ans (en mode "mon dieu où va ma vie, ce travail est-il vraiment fait pour moi, quelle est ma place dans l'univers, comment puis-je rendre ce monde meilleur pour mes enfants, et d'ailleurs est-ce que je veux vraiment des enfants ou est-ce que c'est la société qui m'a lavé le cerveau?")

(Ah oui ben je fais pas les choses à moitié.)

Du coup, j'ai tout plaqué (sauf Flaxou), je suis rentrée en France et j'ai abandonné ma carrière naissante dans le marketing pour devenir prof d'anglais, c'étaient les deux meilleures décisions de ma vie, et je suis totalement en paix avec moi-même et confiante dans l'avenir qui s'ouvre devant moi.

(Ou l'abysse qui s'ouvre à mes pieds.)

(SÉ-RÉ-NI-TÉ)

Deuxièmement, Professeur Flaxou a passé le cap de la trentaine il y a trois ans, du coup ça fait déjà quelques années que je nous considère conjointement comme des trentenaires. (Puisqu'on en est à un point où j'écoute du metal et qu'il lit des livres, donc il faut bien avouer qu'on n'est plus qu'un gros symbiote.)

(cf. mon utilisation parfaite du mot "symbiote" ci-dessus.)

(C'est certainement pas mon bac L qui m'a appris ce que c'était.)

Troisièmement, on va pas se leurrer, j'étais déjà une petite mamie à onze ans et demi, donc c'est pas non plus comme si j'allais radicalement changer mes habitudes de jeune qui boit des tisanes et se couche à 22h30.


("Des amis? Non merci maman, je préfère lire seule dans ma chambre avec ma SUBLIME COUPE AU BOL")

Du coup, j'étais confiante, heureuse et sereine quant à cette nouvelle dizaine qui m'attendait.

SAUF QUE.

Sauf qu'hier midi, alors que je déjeunais avec ma mère, elle m'a regardé en fronçant les sourcils, et puis elle a dit "bouge pas", et elle a arraché

MON.
PREMIER.
CHEVEU.
BLANC.


NON MAIS C'EST QUOI CETTE BLAGUE?

MON PREMIER CHEVEU BLANC LA VEILLE DE MES TRENTE ANS?

T'ESSAIES DE FAIRE PASSER QUOI COMME MESSAGE, AU JUSTE, UNIVERS DE MERDE?

Et oui, je sais, les cheveux blancs ça veut rien dire, y'a des gens qui ont leurs premiers cheveux blancs à 18 ans gna gna gna, MAIS j'ai hérité des cheveux gras et filasse de mon père et il a eu ses premiers cheveux grisonnants à quarante-cinq ans, QU'EST-CE QUE C'EST QUE CETTE INJUSTICE TOTALE.

(De toute façon j'ai tout hérité de mon père, à part son chromosome Y.)


(Je peux déjà m'estimer heureuse de pas avoir de bouc.)

Du coup, j'ai quand même pas mal badé pendant une-demi journée, en mode :


Heureusement, y'a un truc qui m'a sauvé de la déprime "les jours passent comme les voitures, c'est fou ce que le temps passe vite, t'as vu c'est ce que j'me dis aussi quand j'vois l'chemin qu'on a parcouru jusqu'aujourd'huiiii" (je ne m'excuserai pas de t'avoir mis cette chanson en tête, elle est dans ma tête en boucle depuis l'an 2000, alors tu peux bien la chanter pendant une journée), et ce qui m'a sauvé, c'est le fait que J'ADORE quand c'est mon anniversaire.

C'est un peu puéril, mais chaque année, je me réveille le 13 septembre avec la pêche de ma vie, parce que YOUPI C'EST MON ANNIVERSAIRE JE PEUX BOIRE DU COCA C'EST LA FOLIE.


Et pourtant, j'ai rien foutu de la journée.

En fait j'étais censée avoir un cours mais mon élève a annulé, ensuite on voulait aller au ciné avec Sarah mais le film ne passait plus, et puis j'ai voulu aller acheter un sac à dos pour les vacances mais j'en ai pas trouvé, donc je suis rentrée chez moi et j'ai joué à Skyrim.


(Mille deux cent heures et c'est toujours mon jeu préféré, cherche pas, je suis obsessionnelle.)

Bref, je te laisse, je vais aller préparer ma valise parce qu'après-demain je me casse au soleil de Chypre avec Professeur Flaxou pour une semaine de vacances et de visite de temples antiques, et peut-être même qu'on ira faire la fête en boîte, après tout on est jeunes, on est beaux, rien ne peut nous arrêter dans notre élan de dynamisme.


(Bon, okay, faudra faire quelques efforts sur le vocabulaire.)

jeudi 6 septembre 2018

Vis ma vie au kolkhoze


Comme tu le sais, je suis revenue vivre dans le nid familial depuis un an déjà.

Et "nid" est vraiment le terme qui convient, puisque mon logis est entouré par les pénates de mes grands-parents et de mon père, respectivement.

Ça ne nous pose pas de problème (à part le fait qu'on mette les facteurs de Kaysersberg en PLS parce qu'il y a le même nom sur trois boîtes aux lettres et qu'en plus on habite tous au même numéro de rue) (c'est un peu leur hardcore mode à eux), mais après, faut dire que pour nous autres, c'est dans l'ordre naturel des choses.

Pour Professeur Flaxou, qui est relativement nouveau dans la famille (c'est-à-dire qu'il est arrivé déjà adulte, donc il a pas encore eu bien le temps de s'imprégner), certaines pratiques familiales le laissent un peu... perplexe.

C'est en fait via son truchement que j'ai découvert que tout le monde ne fonctionne pas comme nous, parce qu'il a passé six mois à dire "c'est chelou" à des trucs parfaitement normaux.

Par exemple, le fait qu'on ne verrouille jamais les portes.

Enfin, si, on verrouille la porte d'entrée principale, mais ma mamie ne ferme jamais la porte de son appartement à clef, et moi non plus. Et la maison de mon père a une porte secrète qui est presque toujours ouverte (et quand elle ne l'est pas, il y a une clef secrète dans un coin secret que toute la famille peut utiliser pour entrer).

- Mais pourquoi vous laissez toujours ouvert? C'est bizarre!
- Ben, c'est pour que les autres puissent entrer au cas où t'es pas chez toi.
- Mais pourquoi tu laisserais rentrer des gens chez toi quand t'es pas là??!

Mais pourquoi tu ne laisserais PAS rentrer les gens chez toi quand t'es pas là, Flaxou? C'est là que c'est le plus utile !

Par exemple, moi, je laisse systématiquement la porte de l'appartement ouverte, parce que je sais qu'en été, quand il y a de l'orage, mon papy s'inquiète toujours de savoir si on a laissé les vélux ouverts à l'étage, et quand on n'est pas là, il va vérifier. Ou encore, des fois, je rentre de cours tard le soir, quand ma mamie est déjà couchée, et quand j'ouvre le frigo, y'a une assiette de hachis parmentier qui m'attend (avec le coulis de sauce tomate maison à côté). C'est que du bénef !

- Et puis, imagine qu'on a besoin d'un truc qui est chez mon père, et qu'il est parti en week-end. On fait comment? 
- ....
- On va pas attendre qu'il rentre chez lui, quand même !


(A ce stade, la tête de Fla me laissait présager que mon argument n'était pas valide en dehors de ma famille.)

Car, un autre truc qui est apparemment bizarre pour Flaxou, c'est le concept de "communauté" dans la famille.

Ça veut dire "communauté de biens", en fait.

En gros, tout ce qu'on achète, on l'achète qu'en un seul exemplaire, parce qu'en fait on l'achète pour tout le monde.

C'est pour ça que Flaxou était surpris la première fois que j'ai invité mes cousins à manger à la maison :

- Tu vas leur faire quoi?
- Un barbecue.
- Mais on n'a pas de barbecue.
- Mais si! Y'a celui de mon père.
- Tu vas lui emprunter son barbecue un dimanche? Et s'il veut l'utiliser? 
- Il m'a dit qu'il ferait ses grillades entre midi et une heure, et je peux l'avoir après.
- Ce serait pas plus simple de faire autre chose?
- Ben, on sera neuf, donc c'est compliqué.
- On sera neuf??! Mais on va les asseoir où? On n'a pas de table assez grande!
- Mais si ! Y'a celle de mon père.
- ...
- Ah tiens d'ailleurs, je vais vite faire un saut derrière, je dois aussi lui emprunter un saladier, cinq verres à vin, et neuf couteaux à viande.


(Flaxou a du mal avec les principes marxistes.)

Alors bon, pendant un moment, Flaxou trouvait que c'était de ma faute, que j'étais pas assez indépendante, que je me reposais trop sur mes parents, et que j'étais une parasite.

Sauf qu'il a vite compris que notre principe de communauté de biens allait dans les deux sens le jour où mon père a toqué à la porte en disant :

- Salut, dis voir, j'ai acheté un nouveau lit, du coup je viens stocker l'ancien dans la chambre du haut. Tu viens me donner un coup de main pour le sommier?


(La chambre du haut = NOTRE chambre du haut)

Fla, en apprenant qu'il y avait un lit supplémentaire dans la pièce à bordel :



(Bah oui Flaxou, mais c'est comme ça quand on ne fait pas partie du soviet suprême.)

Idem le jour où une arrière-petite-cousine est passée dire bonjour avec sa famille sur la route des vacances, et que ma mamie m'a appelé pour me dire :

- Y'a Corinne qui vient ce soir avec son mari et ses filles. Tu te rappelles de Corinne?
- Non.
- Mais si ! La fille de Gilbert et Maryvonne. Tu te rappelles de Gilbert?
- Non.
- Mais si ! C'était mon troisième neveu du côté de ma belle-soeur. Tu te rappelles? Celui qui habitait Paris et que tu as vu une fois quand tu avais huit ans?
- Ah, mais oui, évidemment, où avais-je la tête.



Bref, Corinne est venue avec sa famille, on a tous mangé ensemble, mamie avait fait de la tourte, c'était super. Et puis, à la fin du dîner :

- Au fait Charlotte, je te donne des draps si tu veux.
- Pourquoi faire?
- Pour faire les lits ! Les filles de Corinne vont dormir dans la chambre du haut.

(La chambre du haut = NOTRE chambre du haut, bis)

(Mais du coup c'était pratique, y'avait un deuxième lit grâce à l'ajout de celui de mon père.)

Donc Flaxou a du mal à comprendre qu'on ait une chambre d'amis partagée, mais en même temps, c'est un état d'esprit dans lequel il faut entrer.

- T'as acheté un braséro?

- Il était en soldes chez Aldi, je l'ai eu pour une bouchée de pain!
- Mais on sort jamais dans la cour! On va l'utiliser une fois par an!
- Nous, oui, mais mon père a un jardin, je suis sûre qu'il va l'utiliser tout le temps.
- Mais... pourquoi il irait utiliser ton braséro?

Parce que devine à qui appartient ce braséro, maintenant, Flaxou?





(FACT : tout ce qui est dans le garage appartient à la famille.)

(La preuve : on a utilisé le braséro une fois, je l'ai rangé dans le garage, et une semaine après, mon père me textait "Cool le nouveau braséro, t'as pas des chamallows chez toi par hasard?")

Conclusion :

- Non mais je comprends qu'il te faille un temps d'adaptation pour adopter ce système de valeurs supérieur. C'est sûr que quand on a été élevé dans l'individualisme et le libéralisme sauvage...
- Meuf, ta grand-mère a voté Fillon.

- ... J'ai pas dit qu'on était parfaits.