dimanche 14 avril 2013

Life, the universe, and everything.



Depuis que j'ai emménagé à Auckland, ma vie est plus ou moins la même qu'en Alsace.

Je me lève, je prends mon bus, je bosse, je rentre à la maison, je joue au PC, Flaxou me fait à manger et je corrige ses lettres de motivation. Oui, c'est plus ou moins exactement la vie qu'on avait à Strasbourg (juste avec moins d'amis). (Mais j'ai pas besoin d'amis en Nouvelle-Zélande. Mon PC il a Facebook, c'est bon.)

Y'a juste quelques petits détails qui sont là de temps en temps pour me rappeler que je suis dans un autre pays : les palmiers devant mon arrêt de bus. Les gens pieds nus dans la rue à 8 heures du mat' qui vont au travail. Les matins quand je sens l'odeur de la mer en sortant de chez moi (même si je la vois pas). (Tu veux pas encore que j'aie une maison avec vue sur la mer? je suis pas Jérôme Cahuzac, merci bien.)

(Oui, je suis les actualités françaises. Les actualités Kiwies, on a vite fait le tour : du sport, des faits divers, du sport, du sport, et au fait on vous avait parlé de sport ou pas? je me souviens pas. Bon, dans le doute, on va vous parler de sport.)

(Sérieusement, faut le voir pour le croire. TOUS les sports qui se déroulent vaguement en Australasie passent au journal. Même les équipes féminines juniors de ligue 3 de netball ont droit à leur 15 minutes au journal national!)

Mais, ce qui m'aide à me souvenir que je suis à l'autre bout du monde dans un pays ultra cool (et pas coincée en Europe dans le sixième mois consécutif d'hiver), c'est les petites excusions en terre inconnue qu'on se paye de temps en temps avec Flaxou.

Depuis notre grand road trip de décembre, on n'a plus eu le temps (ou la thune) de bouger vraiment loin. Heureusement, la Nouvelle-Zélande est un petit pays, et on a bien fait exprès de ne pas inclure Auckland et les 200 km à la ronde dans notre tour initial du pays, histoire de se ménager du suspense pour la suite.

Ainsi, le week-end dernier, on a repris nos sacs de rando et nos boîtes de bouffe pour chat (quand tu sors à plus de 50 km d'une ville, c'est indispensable d'emporter de la bouffe et une jerricane d'essence, parce que des fois, t'as des surprises). 

Et on est allés passer le week-end à Coromandel Peninsula.

Coromandel Peninsula, à deux heures de route d'Auckland, c'est un petit coin de bush et de plage comme la Nouvelle-Zélande sait si bien les faire, avec, paumés au milieu, une "ville" de 30 pékins avec deux auberges de jeunesse et trois restaus à emporter qui ne font que du fish&chips ou des burgers (les deux grands plats nationaux de la Nouvelle-Zélande) (oui, c'est assez ironique).

Alors, comme d'habitude, on a visité des petites plages désertes, ça en devient presque lassant tellement on a pris l'habitude.


En plus Cathedral Cove c'était bondé, mais alors, y'avait genre VINGT personnes!


(Laisse tomber la neige comment on s'est barrés tout de suite.)

Par contre, le lendemain, on a visité des trucs un peu plus originaux. D'abord, on est allés à Paeroa, ville entièrement insignifiante et banale, et qui ne vaudrait absolument pas le détour, si ce n'est qu'elle est le lieu de naissance d'un véritable mythe Kiwi : le L&P.


Le L&P (de son nom complet Lemon&Paeroa), ce n'est ni plus ni moins que LA boisson préférée des Néo-Zélandais. C'est une limonade ma foi franchement bonne, mais c'est surtout un incontournable des sodas Kiwis : on en trouve partout, et tout le monde en boit. Il faut s'imaginer ça un peu comme le Coca-Cola dans n'importe quel autre pays. (D'ailleurs, je précise qu'on trouve aussi du Coca partout ici, faut pas croire que la Nouvelle-Zélande a échappé au rouleau compresseur.)

Mais le L&P reste tout de même la boisson gazeuse la plus consommée en Nouvelle-Zélande, ce qui a d'ailleurs poussé Coca-Cola à racheter l'entreprise familiale (je vous avais dit, on n'y échappe pas).

La particularité du L&P, c'est que, malgré son extrême popularité chez les Kiwis, on n'en trouve tout bonnement pas en dehors du pays. Ce qui a poussé les Kiwis, qui ne sont pas les derniers pour la déconne, à lui donner comme slogan "World Famous in New Zealand". (Un slogan depuis devenu célèbre et réutilisé moult et moult fois.) 

A Paeroa, on trouve donc des mémorandums de la célèbre boisson un peu partout : des affiches dans la rue, des bancs à l'office de tourisme :


Et surtout, cette statue qui nous salue à l'entrée de la ville, et qui motive à elle seule un voyage à Paeroa.


(Je ne déconne pas. Les gens font le détour juste pour voir cette bouteille. Y'avait genre 4 familles qui faisaient la queue pour prendre des photos quand on est arrivés.)

Après ce petit détour rafraîchissant, on s'est dirigés vers Karangahake Gorges, des anciennes mines d'or désormais abandonnées et ouvertes au public (certaines parties, du moins). Comme d'habitude, on y est allés à l'arrache (notre grande spécialité dans la vie) et on s'est retrouvés ici, à l'entrée des mines...



... Sans lampe de poche.

On a donc passés les deux heures suivantes à explorer des tunnels qui s'enfonçaient jusqu'au noyau terrestre (en tout cas c'était mon impression), éclairés avec un portable (un seul, j'avais pas pris le mien) avec 12% de batterie restante.

Autant te dire que j'ai passé tout le trajet à agripper le téléphone avec l'énergie du désespoir, priant tous les dieux de Tolkien pour que le téléphone ne nous lâche pas au milieu d'un dédale de tunnels souterrains, et en ayant de brusques flash-backs de The Descent à chaque fois qu'on croisait un caillou à l'air menaçant.

Mais sinon, c'était fun fun fun. Je me sentais un peu comme Fievel au Far West.



Et pour finir ce week-end en beauté, on est allés faire un tour à Hot Water Beach à marée basse (vers 23h). Cette plage a la particularité d'avoir des sources d'eau chaude juste sous la surface du sable, ce qui fait qu'en théorie, on peut y débarquer avec sa petite pelle, creuser un petit trou dans le sable, et hop! Jacuzzi gratuit!

Oui. En théorie.

En pratique, ça s'est traduit par Flaxou et moi débarquant sur un parking désert et entièrement plongé dans le noir (avec encore une fois pour seule source de lumière le téléphone portable, maintenant à 5% de batterie) (emmener son chargeur en week-end c'est pour les faibles, Flaxou il aime le challenge). On a trouvé l'escalier menant au sable à tâtons, et ensuite on s'est dirigés au son des vagues vers le bord de l'eau.

Quand soudain, Flaxou (en train de nous guider) pose son pied dans l'eau, et on se rend compte qu'on était au bord d'une étendue d'eau insondable, qui barrait le seul chemin d'accès à la plage.

Et là, Flaxou se tourne vers moi et dit :

- Bah c'est pas grave, on n'a qu'à enlever nos pantalons et traverser à gué.

Mais oui! Bien sûr!

Mettons-nous en maillot de bain par 15 degrés et traversons guillerettement une étendue d'eau noire à la profondeur insoupçonnable! 

Faisons fi de tous les instincts de conservation qui ont permis à notre espèce d'avancer assez loin pour inventer la physique nucléaire et bafouons toutes les lois de la logique en s'aventurant dans un état de la matière regorgeant sans nul doute de créatures qui veulent notre mort!

(Toutes les créatures marines veulent ta mort. Des requins aux oursins. TOUTES.)

Flaxou, pas échaudé par mon discours plein de bon sens, s'est contenté de hausser les épaules et d'entrer dans l'eau en m'abandonnant sur le rivage.

J'ai regardé la petite lumière de son téléphone s'éloigner de plus en plus, et puis je me suis dit que c'était en fin de compte encore pire de me retrouver toute seule dans le noir même si j'étais sur la terre ferme, parce qu'après tout y'a aussi des créatures terrestres qui veulent ta mort (les zombies).

Donc j'ai enlevé mon jean en frissonnant, j'ai noué mes chaussures autour de mon cou, et je suis entrée dans l'eau en priant tous les dieux de Tolkien pour qu'il n'y ait pas un requin embusqué derrière 20 centimètres d'eau. (C'est possible.)

J'étais à mi-chemin, l'eau avait déjà atteint mes cuisses, et j'étais un peu à ça de la crise d'angoisse, quand j'ai été sauvée par un truc.

Flaxou avait disparu derrière une dune. Je le savais parce que j'arrivais à voir cette dune. Je voyais aussi vaguement le bout de l'étendue de l'eau. Je me suis dit : comment je peux voir ça si Flaxou s'est barré comme un crevard avec la seule source de lumière?

Et c'est là que j'ai vu les reflets des étoiles dans l'eau.

J'avais pas pensé à lever la tête depuis qu'on était arrivés, trop préoccupée par le sable dans mes chaussures et essayer de pas me noyer dans un mètre d'eau.

Mais là, j'ai levé la tête, et j'ai vu le truc le plus dingue du monde.

J'ai vu le ciel.

Le VRAI ciel. 

Le ciel qu'il y a au-dessus de nos têtes toutes les nuits et qu'on ne voit jamais, je l'ai vu pour la première fois de ma vie.

J'ai vu tellement d'étoiles que c'était impossible de toutes les calibrer. J'ai vu des constellations que je ne reconnaissais pas, parce qu'elles existent pas en Europe. J'ai vu des étoiles blanches, des rouges, des jaunes. J'ai vu des étoiles filantes.

J'ai vu la voie lactée. 

LA PUTAIN DE VOIE LACTÉE!

Je savais même pas qu'on pouvait simplement voir la voie lactée, comme ça, tranquillou, sans instruments ni rien! Je pensais toujours que ce genre de photos étaient photoshopées!


(Tu te rends compte qu'on a la voie lactée juste au-dessus de nos gueules tous les jours de notre vie et qu'on la voit jamais? Bonjour la vie de merde.)

Après ma découverte du monde, de la vie et des mystères de l'univers, c'était donc un peu difficile d'apprécier les joies des sources d'eau chaude.

Surtout qu'on a passé une-demi heure à grelotter sur la plage en cherchant où est-ce qu'on avait chaud aux pieds pour savoir où creuser, et qu'ensuite, on s'est rendus compte que, non seulement c'était impossible de creuser une piscine parce que le sable arrêtait pas de tomber dans ce qu'on creusait, mais surtout que les sources étaient moins proches de la température "bain chaud" et plus proches de la température "MAGMA EN FUSION".

(J'ai encore les pieds qui pèlent des brûlures que je me suis infligée cette nuit-là.)

Mais c'était quand même chouette, parce qu'on a rencontré un bus de jeunes touristes prêts à partager leurs pelles et leurs bières, et donc on a discuté avec, les pieds dans de la flotte brûlante et les têtes en-dessous de la voie lactée, c'était quand même relativement sympathique comme expérience.

(Le retour était moins sympa. La marée avait monté et l'étendue d'eau a bien failli me tuer.)

(Jusqu'au menton! J'ai jamais été aussi profond dans l'eau de toute ma vie!)

Tout ça pour dire : dans ma vie quotidienne, des fois, j'oublie que je suis en Nouvelle-Zélande.

Heureusement, c'est un pays qui a une manière très agréable de se rappeler à toi.



PS : Je te jure, j'essaye de trouver des trucs désagréables à te raconter, pour que t'aies pas trop la haine de te peler les meules dans un pays de tarés où les citoyens manifestent contre l'égalité sociale pendant que les ministres se tirent avec la caisse. Mais j'y peux rien, c'est génial ici.

(Franchement, lecteur, déménage. Viens nous rejoindre, Flaxou et moi.)

(On plantera des choux à choucroute et de la cannelle et on fera une Alsace 2.0.)

3 commentaires:

  1. Cha est ce qu'il y a des pommes en NZ? Parce que si oui, j'arrive.
    PS: y'a des profs d'art plastiques dans les collèges/lycées? je vais essayer d'entrer dans la Kiwie éducation nationale...

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  2. C'est sûr que tu donnes envie là !!!

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  3. Quelle joie de suivre tes aventures au pays des Kiwis! Cette mystérieuse contrée m'intrigue, et ta façon de raconter les choses est IRRESISTIBLE. Vivement la suite!!

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