dimanche 3 avril 2016

Rona et la lune – une légende maorie


Coucou les p'tits loups!

On va parler mythologie aujourd’hui sur le blog, et on va s’intéresser à la légende maorie de Rona et de Marama (la lune).

Il existe plein de légendes polynésiennes sur la lune, les étoiles et le soleil. Les Polynésiens (et les Maoris en particulier) étaient d’excellents navigateurs, et utilisaient les astres pour s’orienter, et comme en plus ils utilisaient aussi le soleil et la lune pour distinguer les heures et les jours, ils passaient au final pas mal de temps à regarder le ciel. Du coup, forcément, ils se posaient des questions sur certains phénomènes naturels, et, comme tous les peuples antiques, ils ont inventé des légendes pour expliquer ces phénomènes.

Une petite note culturelle ici : contrairement à notre civilisation latine, où la lune est un être féminin, dans la mythologie maorie, la lune, comme le soleil, est un astre masculin, mais sa représentation se fait parfois sous les traits d’un homme, et parfois d’une femme, parce que voilà, y’avait plusieurs tribus et pas de langage écrit, donc forcément, y’a des variations.

(Et apparemment, les avis divergeaient selon les tribus : d’aucuns étaient de l’avis que, comme le cycle croissant et décroissant de la lune ressemblait à celui de la femme enceinte, alors Marama était forcément un astre féminin. D’autres rétorquaient que, vu l’action de la lune sur le cycle menstruel de la femme, la lune ne pouvait être qu’un homme pour infliger tant de douleur et faire couler autant de sang.)

(Deux très bons arguments.)

Bref, dans cette légende, Marama (la lune) a des traits masculins, et il kidnappe des meufs, oklm.

Mais commençons par le commencement.

Rona et son mari, Tamanui-te-rā, ne s’entendaient pas. Ils avaient eu un mariage arrangé, comme c’était courant à l’époque pour sécuriser certaines lignées importantes ou renforcer les alliances entre tribus. (Tout pareil qu’en Europe à la même période.)

Bref, Rona et Tamanui-te-rā se foutaient sur la gueule en permanence et se prenaient constamment la tête sur à qui c’était le tour d’aller chasser, pêcher, chercher de l’eau à la rivière, entretenir le feu, vider le lave-vaisselle, tout ça.

Tout le village était saoulé par leurs engueulades, et franchement je les comprends, parce que j’imagine que ça n’aidait pas niveau isolation sonore qu’ils vivaient tous dans des cabanes en feuilles.

(Ce serait un peu comme de vivre au camping toute l’année.)

(Une certaine idée de l’enfer.)

Bref, un soir, Rona et son mari se mettent à se disputer pour savoir qui ira remplir les tahā (des genres de gourdes en bois) à la rivière. 



Ils ont passé la journée entière à se prendre le chou sur d’autres trucs, et c’est seulement à l’heure du coucher que Rona, qui a soif, s’aperçoit que les tahā sont vides. Elle demande à Tamanui-te-rā d’aller chercher de l’eau, mais il lui tourne le dos et fait semblant de dormir pour échapper à la corvée.

(Une technique ancestrale passée d’homme en homme à travers les âges.)

Du coup, Rona sort du whare (la maison) toute seule et se met en route, les tahā en main, en grommelant tout au long du chemin qu’elle doit toujours tout faire soi-même et que c’est tout de même bien sa veine d’avoir épousé un incapable pareil.

(Une incantation ancestrale passée de femme en femme à travers les âges.)

Quand soudain, un nuage passe devant la lune, et Rona se retrouve plongée dans le noir. Avançant à tâtons, elle trébuche sur la racine d’un ngaio, un petit arbre qui pousse sur les côtes néo-zélandaises (et dont les Maoris utilisaient le jus des feuilles pour repousser les moustiques) 



(Ca n’a rien à voir avec l’histoire, mais c’est toujours bon à savoir).

L’eau des tahā se retrouve éparpillée sur le sol, et Rona, pleine de rage, se met à hurler des injures à la lune.

(La meuf elle est vraiment vénère contre le monde entier.)

La lune répond alors à Rona :

- Meuf, tu ferais mieux de te la fermer tout de suite, sinon il va t’arriver des bricoles.

Mais Rona n’est pas le moins du monde perturbée par le fait que LA LUNE VIENNE DE LUI PARLER, et continue à lui gueuler dessus.

(Il faut de tout pour faire un monde.)

(Y’en a c’est des gens normaux et pas suicidaires, et y’en a qui choisissent d’insulter des divinités.)

Du coup, Marama commence à se fâcher, parce que c’est quand même un astre céleste et il a pas l’habitude qu’on le traite comme de la merde. Du coup, hop, il fait léviter Rona et ses calebasses façon faisceau tracteur dans Star Trek, et il la kidnappe.

Rona commence enfin à flipper légèrement, et se raccroche aux branches du ngaio pour ne pas être emportée. Mais les racines de l’arbre cèdent, et Rona, ses tahā et son arbre sont tous envoyés vers la lune, où on les voit encore aujourd’hui :



(Perso, moi je vois un lapin, mais chacun son délire, hein.)

(Ah, et pour ceux qui se demandaient pourquoi la lune était de travers sur cette photo: c'est comme ça qu'on la voit de Nouvelle-Zélande.)

(La tête en bas, tout ça.)

Bref, assez incroyablement, l’histoire finit bien.

Au début, Rona est passablement vénère d’être prisonnière sur la lune (logique) et engueule Marama de puis belle. Mais au lieu de répondre à ses insultes, il la traite avec respect et gentillesse, si bien qu’elle finit par ne plus avoir de raison de se plaindre.

(Heu ouais enfin « plus de raison », c’est pas comme si t’avais été KIDNAPPÉE quoi.)

(Le Syndrome de Stockholm, le meilleur ami des romances impossibles.)

Rona raconte à Marama ses déboires sur terre et son mariage raté. Marama lui propose alors de rester sur place et d’être sa femme, et elle accepte.

(Ça devait vraiment être un horrible mariage, pour que tu te dises que LA LUNE est un meilleur cadre de vie.)

En cadeau de mariage, Marama offre à Rona un korowai, un vêtement traditionnel sacré chez les Maoris. (Images ici, et .)Le korowai était un héritage de son arrière-grand-mère, orné d’étoiles, et tissé d’incantations magiques. Grâce au korowai, Rona devient la maîtresse des marées, emplissant ou déversant l’eau de ses tahā dans la mer.

Et Tamanui-te-rā, dans tout ça ? Eh bien, il cherche d’abord Rona partout dans le village, puis se dit qu’elle est retournée dans la tribu de ses parents. Il voyage plusieurs semaines jusqu’au village voisin, déterminé à s’excuser et à être un meilleur mari. Une fois arrivé, aucune trace de Rona, mais, le soir venu, alors qu’il explique la situation à ses beaux-parents, leur regard est attiré par la pleine lune, et ils voient Rona, vêtue de son korowai, qui leur sourit du haut des cieux.

Tamanui-te-rā est triste, mais soulagé de savoir que Rona est heureuse, et quelque temps plus tard, il se remarie, apprend à partager les responsabilités, et devient un excellent mari.

Et en fait, c’est pas tant la légende que je trouve intéressante, mais plutôt ce qu’elle nous enseigne. Parce que c’est pas super clair.

La première fois que j’ai entendu cette légende, je pensais que c’était une morale classique, à base de « Soyons respectueux des dieux », mais finalement, Rona a injurié une divinité, et ça l’a rendue non seulement plus heureuse que jamais, mais en plus ça l’a inscrite au panthéon cosmique, alors niveau châtiment divin, c’est bien sympa, je trouve.

(C’est pas chez les anciens Grecs qu’on aurait ce genre de laisser-aller.)

(Chez eux, tu te faisais MINIMUM dévorer le foie par un aigle.)

On pourrait aussi penser que la morale de l’histoire, c’est qu’il faut faire des efforts pour faire marcher un mariage, mais au final, Rona et Tamanui-te-rā, de toute évidence, ils étaient plus heureux séparés qu’ensemble.

Du coup, le divorce, c’est… normal ?

(C’est pas dans les légendes médiévales françaises qu’on serait laxistes comme ça.)

(À la même époque, on était plus ambiance « Rivières de flammes et damnation éternelle ».)

Finalement, le conte de Rona, ça ressemble plus au genre d’allégories que te sortirait un psy pendant une thérapie de couple.

(Enfin, un psy qui prendrait du LSD, quand même.)

(« L’essence du couple, c’est la communication. Si vous vous trouvez toujours en train de vous disputer, faites une pause ! Allez vivre sur la lune avec un arbre !»)

Donc voilà, c'était l'histoire de Rona et de la lune.


A bientôt pour des articles qui ne parlent pas de langue ou de culture Maorie.

(Promis, je vais essayer de me retenir.)

(Même si c'est difficile parce que c'est la langue la plus lexicalement inventive du monde.)

(Cette semaine, j'ai appris que "radio" se disait "te reo irirangi", de "te reo" = la voix, le langage et "irirangi" = le son que font les esprits depuis l'au-delà et qui se réverbère dans le monde des vivants.)

(Donc la radio se dit littéralement "la voix des esprits".)

(C'est tellement COOL.)

(Pardon, j'arrête.)

(Allez, bisous.)

(Ou comme on dit en maori : kihi.)

(Bon okay, maintenant j'arrête.)

5 commentaires:

  1. Vachement cools les légendes maories ! C'est le genre d'histoires que j'aimais bien enfant avant de m'endormir.

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  2. Vus de la lune, aucun doute : les tahas de ton image ressemblent beaucoup plus à une vigoureuse paire de testicules qu'à des gourdes Sigg.
    Du coup, avec ce que tu nous racontes sur le sexe du kidnappeur, tu es sûre que ton histoire maorie, c'était pas un "mariage pour tous" avant l'heure ?
    delest

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  3. Continue de nous parler de la culture maorie, c'est cool !

    Une Alsacienne qui a aussi la voyagite et la languesmarranteite

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  4. Hello,

    Je lis ton blog depuis longtemps et je t'ai taggué ici (http://cfreaky.com/blogger-recognition-award/), loin de moi l'obligation de t'y faire répondre, mais plus pour te dire que j'aime beaucoup ce que tu écris. Et que je suis une fan. Voila.

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  5. Bon courage pour ton nouveau boulot ! J'aimerais espérer que tes collègues soient chiants au point que tu préfères passer tes pauses repas à écrire tes articles de blog plutôt que de discuter avec eux, mais bon, ça serait pas très sympa. Ah et parmi les articles qu'il te reste à écrire : il me semble qu'on n'a pas eu le fin mot de l'histoire du referendum sur le drapeau néo-zélandais ! Pourtant les deux tours sont faits je crois ? Alors alors, quel drapeau a gagné le premier tour, et est-ce que vous avez changé de drapeau au deuxième tour ??
    Un fan parmi d'autres, qui te lit très régulièrement mais commente rarement !

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