dimanche 30 octobre 2016

L'Instant Kiwi: un long week-end à Whanganui


Et donc le week-end dernier c'était Labour Day, et comme tous les longs week-ends, Flaxou et moi on est partis à l'aventure.

On a décidé d'aller dans un endroit où on n'était jamais allé, et mine de rien ça commence à nous restreindre quelque peu – après 4 ans, quand même – parce qu'on a visité à peu près tous les endroits accessibles du pays.

Du coup, maintenant, on est un peu obligés de partir dans les vraies aventures de bonhomme, genre les parcs nationaux de huit millions d'hectares où y'a ni routes, ni maisons, et où tu marches trois jours au milieu de la forêt avec tout ton barda sur le dos.

Sauf que comme on n'est pas des sado-masochistes, on n'avait pas vraiment envie de marcher trois jours au milieu de la forêt avec tout notre barda sur le dos – pardon, mais je ne comprendrai jamais les gens qui disent que c'est une activité fun.

- Ha c'était magnifique, on a marché trente kilomètres par jour pendant quatre jours et on a dormi sous une tente microscopique dans des draps qui puent, c'était tellement revigorant! Je me sens super relaxée, j'ai rechargé mes batteries à bloc, hihi!

NOPE, désolée Micheline j'y crois pas, y'a pas moyen que ce soit "revigorant" de bouffer de la farine et de mariner dans du jus de chaussettes sales pendant des jours.

Donc pour moi, les week-ends rando, c'est mort: autant je saisis parfaitement l'attrait de courir dans la forêt pendant des jours, autant l'idée de devoir porter une charge de mille kilos sur mon dos par monts et par vaux, merci mais non merci.

(Bah oui parce que moi il me faut minimum deux litres d'eau par jour, déjà.)

(Ou alors le week-end rando devient très vite le week-end cystite.)

D'autant que c'est triste mais je ne suis plus la petite sauvageonne que j'ai été, et niveau confort, je suis un peu une princesse, donc laisse béton, tu m'entendras jamais qualifier un week-end où tu dors sur des cailloux et tu te toches avec des fougères de "relaxant".

Fort heureusement, il existe un endroit magique en Nouvelle-Zélande où l'on peut concilier l'amour de la forêt vierge et de l'aventure et l'amour de pas flinguer son dos et ses pieds, et cet endroit, c'est le parc national de Whanganui.


Le parc de Whanganui (ou Wanganui, on peut dire les deux) (l'orthographe officielle du moment c'est Whanganui, mais ça change à chaque pleine lune, alors on va pas enculer les mouches) BREF le parc de Whanganui est une réserve naturelle de plus de 700 kilomètres carrés, construit autour du fleuve Whanganui ("le grand estuaire" en Maori).

Le fleuve est l'un des plus grands de Nouvelle-Zélande, et a été appelé par les Français "le Rhin de la Nouvelle-Zélande" (heu....okay).

(C'est une rivière, quoi.)

(C'est un peu leur seul point commun.)

(A ce moment, là, moi aussi je peux m'amuser hein.)

(A partir de maintenant, le Tongariro sera connu sous le nom de "Ballon des Vosges de la Nouvelle-Zélande", deal?)

La particularité du parc de Whanganui, c'est que le meilleur moyen d'admirer sa beauté pleinement, c'est de descendre la rivière en canoë plutôt que de traverser la forêt à pied.

Du coup, tu imagines un peu notre bonheur quand on a appris qu'on pouvait avoir le beurre et l'argent du beurre en faisant une "rando" de plusieurs jours au milieu du bush, MAIS sans avoir à faire d'efforts ou porter des trucs lourds.

(Et en plus on pouvait dormir dans un refuge et pas sous une tente – bim, sourire de la crémière.)

C'est donc plein d'entrains qu'on s'est mis en route vers Raetihi, où nous attendait notre canoë de location – non sans un petit arrêt autour des volcans du plateau central, parce que si déjà on passe à côté, on va pas cracher dessus:


(Franchement, ça donne pas envie?)

On a donc osé le détour de deux heures, juste le temps de faire une petite balade et manger notre takeaway acheté sur la route (big up à Flaxou qui a trimballé son petit tupp' en polystyrène à la main jusqu'à ce qu'on trouve un coin sympa pour pique-niquer) (bah oui mais quand on veut des frites, on assume).


(Ça va, la vue était PAS MAL.)

Après cette pause, donc, c'était direction Raetihi pour la nuit, et le lendemain, c'était parti pour deux jours de canoë – non sans un briefing pas flippant du tout:

- Bon, comme vous vous en doutez, il n'y a pas de réseau sur la rivière, donc s'il vous arrive quelque chose, vous ne pourrez prévenir personne.
- ....
- Mais pas d'inquiétude, on connaît votre itinéraire, donc on pourra venir vous chercher si jamais on ne vous voit pas arriver au refuge à la tombée de la nuit.
- Et si on a une urgence?
- Alors on vous donne un tracker GPS; si vous avez un souci urgent, par exemple si vous avez besoin de soins médicaux, appuyez sur le bouton, et on enverra un hélicoptère de secours pour vous chercher.
- Ah, c'est chouette.
- Oui par contre l'hélico met deux heures à arriver, donc j'espère que vous êtes qualifié en premiers secours, haha!


Mais c'est pas grave, on est des oufs, moi j'ai mon certificat de premiers secours (qui me sert à rien dans des cas de ce type, mais c'est pas grave, au pire du pire je sais faire un garrot, et si tu me donnes du fil dentaire je peux te faire une suture) (oui, okay, ce sera une suture de type "ourlet de pantalon", mais quand on est dans la jungle on fait pas le difficile).

C'est donc le coeur plein de joie qu'on s'est mis à l'eau:


(Passion gilet de sauvetage)

Comme je suis une quiche en canoë, j'étais à l'avant, AKA la place des quiches (où t'as juste besoin de savoir pagayer) et Flaxou, fort de ses années d'expérience en colo EDF, faisait le gouvernail à l'arrière – ce qui veut dire qu'il nous amenait au milieu du courant quand y'avait des rapides, et ensuite il branlait plus rien.

- Pagaye plus fort, Cha!
- Ouais enfin toi je t'entends pas pagayer!
- Non, mais ça c'est parce que je... manie le gouvernail.
- Ah bon?
- Non non, te retourne pas, tu vas nous faire chavirer! Regarde droit devant, toujours droit devant.

IL A BON DOS LE DROIT DEVANT, HEIN.

(Flemmard.)

Mais malgré cette trahison évidente, c'était quand même une journée géniale.

(On a vu des chèvres sauvages et une fois y'avait un bébé chèvre avec sa maman, j'vois pas comment tu peux faire mieux, honnêtement.)


(Bon et aussi le paysage était PAS MAL.)

Après plusieurs heures de pagayage et de repas en boîte, on est arrivés en début de soirée à notre refuge pour la nuit, John Coull Hut, où on a pu s'asseoir pour un repas à base de crackers et de poulet en conserve – ce qui aurait été supportable si y'avait pas eu les gens les mieux préparés du monde juste à côté de nous, qui avaient emporté des glacières et se faisaient cuire des steaks et des patates douces.


(3615 gros seum) 

Mais on a profité pour discuter avec d'autres êtres humains – ce qui n'était pas facile pour tout le monde:

- Chaaaaaaa!
- Quoi?
- Je m'ennuiiiiiiie!
- Ben chais pas moi, va discuter avec des gens.
- Mais j'aime pas les geeeeennns!
- Ben va lire un magazine.
- Mais j'aime pas liiiiire!

(Vis ma vie avec un enfant de cinq ans et demi.)

Finalement, j'ai réussi à convaincre Flaxou de s'asseoir dans un coin avec un National Geographic, et là, le miracle: il s'est fait un copain.

- Eh, tu l'as trouvé où le National Geographic?
- Y'en a une pile dans la cuisine.
- Y'a des articles bien?
- Oui, là j'en lis un pas mal sur les parasites.
- Ah j'adore les parasites! Quand j'étudiais la microbiologie on avait étudié la douve du foie de mouton, tu connais?
- HAN!
- Quoi!
- Mais la douve du foie de mouton c'est mon parasite préféré!!


(Apparemment les randonnées canoë attirent les biologistes, voilà comme ça t'es prévenu.)

Bref, après une nuit super fêtarde (on s'est tous couchés à 20h30 parce que la nuit était tombée et qu'il y avait plus rien à faire à part discuter dans le noir) et un réveil en fanfare (6h du mat, enfin bon du coup c'était comme une grasse mat' en fait), on a pris un petit-déjeuner fort équilibré, à base d'eau froide et de lembas:

- Elles ont l'air bonnes tes barres de céréales, Charlotte, c'est fait maison?
- Oui.
- Y'a quoi dedans?
- Du muesli, du sucre, du beurre, du sirop d'érable, du miel, des noisettes, des noix de cajou, des noix de pécan, des noix du brésil, des raisins secs, des cranberries, des pommes séchées, des baies de goji, et du beurre de cacahuète.
- ....
- Je voulais rajouter des pépites de chocolat, mais j'en avais plus.


(Tu comprends pourquoi Flaxou appelle ça du lembas.)

Et puis on s'est remis en route (pendant que les gens les mieux préparés du monde se faisaient griller des toasts à la banane et à l'avocat) (qui sont ces gens, quels sont leurs réseaux?)


Et après quelques heures de pagayage, on est arrivés à notre destination finale: THE BRIDGE TO NOWHERE.

Le Bridge to Nowhere est, exactement comme son nom l'indique, un pont qui ne va nulle part. En gros, tu gares ton canoë le long de la berge, tu marches 45 minutes sur un sentier au milieu du bush, et là, y'a un pont en béton qui traverse une gorge, et de l'autre côté... y'a rien.

En fait, le pont a été construit au début du XXè siècle dans l'optique d'exploiter la vallée de Mangapurua. Le gouvernement avait décidé de donner la terre aux soldats revenus de la Première Guerre Mondiale pour qu'ils puissent construire leur ferme dans le bush – avec l'espoir de fonder une ville une fois suffisamment de monde installé.

Sauf que non, sauf que pas du tout.

Parce que oui okay, dans la vallée de Mangapurua, y'a de l'eau, mais c'est un peu tout ce qu'il y a, en fait. Et c'était une super mauvaise idée de s'installer près du fleuve Whanganui, parce qu'il a environ quarante mille affluents, et c'est donc un fleuve qui est en proie à des crues soudaines et brutales en permanence.

(Du coup les mecs se défrichaient péniblement un lopin de terre, et HOP CRUE SOUDAINE a pu d'champ!)

Donc bon, les mecs ont vite renoncé à faire pousser quoi que ce soit, tout le monde s'est cassé, et le bush a bien vite repris sa place dans la vallée – à tel point qu'aujourd'hui, la seule trace qui reste de cette tentative ratée de colonisation, c'est ce pont qui part de nulle part pour aller nulle part.


(Un exemple parfait de la logique Kiwie dans toute sa splendeur.)

Le point positif de toute cette histoire, c'est que le Bridge to Nowhere est maintenant une curiosité locale qui attire les touristes et fait prospérer la région – parce que la majestueuse splendeur de la forêt vierge, c'est bon pour attirer les étrangers, mais si tu veux faire venir du Kiwi quelque part, il faut l'appâter avec des monuments, sinon il fera jamais le déplacement.

- La nature? Pfff relou, y'en a partout, c'est bon.
- Oui mais là y'a un vieux bout de béton moisi au bout.
- Super, on est partis!

Bref, le Bridge to Nowhere était censé être la fin de notre voyage en canoë.

 En effet, la descente entière de la rivière se fait en trois jours, mais Flaxou et moi on n'avait que deux jours de dispo avant de devoir rentrer à Auckland. "Qu'à cela ne tienne", nous a dit l'agence de location de canoës, "Vous avez qu'à faire la moitié du chemin, et on viendra vous chercher le second jour en jetboat pour vous faire descendre le reste de la rivière en mode express".

On arrive donc en avance au Bridge to Nowhere, et là, on tombe sur un jetboat amarré avec son conducteur dedans (qui avait la tête de Tywin Lannister qui aurait oublié de se laver). On lui tient donc à peu près ce langage:

- C'est vous qui passez nous chercher tout à l'heure?
- Oui, c'est moi. Par contre j'ai prévenu le camping ce matin que je pourrais pas venir vous chercher à 14h, ce sera 16h.



(Génial.)

- Mais ça nous arrange pas des masses, en fait, parce qu'on doit faire la route jusqu'à Auckland ce soir. Il n'y a personne d'autre qui pourrait passer nous chercher?
- Non, c'est juste moi. Par contre, là, j'attends un groupe de touristes qui sont allés voir le pont. Ils seront de retour dans une heure. Si vous arrivez à faire l'aller-retour dans les temps, je peux vous prendre avec moi maintenant, du coup vous arriverez plus tôt que prévu.

On est donc partis au pas de course dans la forêt (avec nos bottes en caoutchouc aux pieds et tout) dans l'espoir fou de faire en une heure un chemin qui met une heure et demie.

(Sachant que bien entendu c'était un sentier qui grimpait, et que j'ai des jambes de trente centimètres de long.)

On est arrivés au pont, on est restés littéralement la seconde qu'il m'a fallu pour faire ma photo, et on est repartis en trottant manu militari.

Finalement, on est arrivés essoufflés et épuisés sur la jetée, mais PILE A L'HEURE.

(Mon âme germanique était en extase.)

Et là, le bateleur nous regarde et nous dit:

- Ah bah dis donc, vous avez fait vite!

Nous, très fiers, on opine du chef en reprenant notre souffle.

Puis le mec nous sort:

- Bon par contre là j'peux pas vous prendre en fait, j'ai plus de place dans le bateau.


Et le type d'enchaîner:

- Non mais reprenez votre canoë et continuez à pagayer le long de la rivière, moi je passerai vous prendre sur le retour.


- Au final, vous aurez, quoi? Une heure, une heure et demie de retard? Ça va!

MAIS JE VAIS T'ENFONCER UNE PAGAIE DANS LE CUL, TYWIN, ET ON VERRA SI CA VA!

ON A COURU A TRAVERS LA FORET COMME DES TEU-BE PARCE QUE T'ES PAS FOUTU DE COMPTER LES CONNARDS QU'IL Y A DANS TON BATEAU, ET MAINTENANT TU VEUX NOUS FAIRE PAGAYER??

Ça, c'était bien évidemment ma réaction interne, en vrai j'ai rien dit.

(J'allais pas me mettre à dos le seul gus qui pouvait nous ramener à la civilisation.)

A la place, je l'ai juste regardé partir avec mon plus bel oeil torve:


(En plus le mec a foutu de l'eau partout avec son jet-ski à la con, ça a fait une flaque dans le siège de mon canoë, et du coup à cause de lui j'ai eu le cul mouillé pendant trois heures, PAS MERCI JEAN-MICHEL CONNARD.)

Donc on s'est remis en route un peu dépités, mais Professeur Flaxou l'amoureux des bois avait vite oublié ce contretemps, en mode "plus je passe de temps loin de la civilisation, mieux je me porte":


Par contre, moi, j'ai boudé.

MAIS BOUDÉ.

J'AI BOUDÉ COMME JAMAIS PERSONNE D'ADULTE N'A BOUDÉ AUPARAVANT.


Et Professeur Flaxou, en essayant de me remonter le moral, en ajoutait encore une couche:

- Non mais Cha, ça nous donnera l'occasion de découvrir la rivière un peu plus! Okay on a mal partout et t'as froid au cul, mais c'est pas si gênant!


- Non mais tu sais, là je fais les calculs dans ma tête et c'est pas si mal! On arrivera à Auckland, il sera, quoi, minuit? Minuit et demie, à tout casser? Ça nous fait genre six heures de sommeil, c'est large!


(Essaye même pas de me parler.)

Bon, au final, j'ai boudé une-demi heure, après on a vu une maman canard avec plein de petits canetons tous duveteux, alors on a fait une pause pour les regarder et ensuite Flaxou m'a donné du chocolat, alors au final c'était quand même bien.


(Et aussi, le paysage était vaguement sympathique.)

Au final, on est arrivés à Auckland à 22h30 – parce qu'on avait calculé les distances avec le traffic, mais bien évidemment y'en avait pas, puisqu'on s'est mis en route à 18h, quand tout le monde à Auckland était déjà chez soi en train de manger le dîner.

On était tellement grisés par notre vitesse qu'on s'est même permis un petit arrêt pipi-dîner:

- Ah, ça va faire du bien d'avoir de la vraie bouffe, après deux jours de viande en conserve! Tu veux manger qu...
- BURGER KING!
- Okay, oublie ce que j'ai dit, du coup.

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