vendredi 2 février 2024

Tout cramer, et repartir sur des bases saines


Et donc on fait des travaux chez nous.

Parce que c'est pas que ça m'enchantait pas de vivre dans un appartement qui n'a pas été rénové depuis les années 70, mais le lino gris et le carrelage marron, au bout d'un moment, ça commence à gaver un peu.

Et vu qu'on a décidé de rester vivre dans le village préféré des Français (préféré pour toujours, pas juste en 2017, chut c'est moi qui ai raison) on s'est dit que ce serait plus facile de rénover notre appartement que de le revendre et d'acheter quelque chose de plus récent. 

(D'autant que revendre mon appartement, ça impliquerait de trouver un acheteur qui serait d'accord de vivre cerné par ma famille, et pour moi c'est un don du ciel, mais pas sûr que ce soit le cas de tout le monde.)

(J'ai du mal à être objective sur le sujet, parce que ma famille c'est la meilleure du monde) (et mon village le meilleur de l'univers.)

Bref.

On a donc décidé de rénover tout l'étage du bas (celui du haut aurait bien besoin d'être rénové aussi, mais, budget oblige, on s'est rabattu sur l'essentiel : cuisine et salle de bains). Et quand je dis "on" c'est clairement juste moi, parce que Professeur Flaxou est la personne la moins matérialiste du monde et que, du moment qu'il a Internet, l'eau courante, et un matelas ferme pour son vieux dos, c'est un homme comblé.

(Le mec pourrait vivre dans une cave sans peinture ni fenêtres du moment qu'on lui met un PC dedans.)

Mais comme il est bien urbain, il a accepté de suivre le mouvement.

- En même temps, j'ai pas vraiment le choix, l'appart est à ton nom uniquement.
- Oui, chéri, mais on le rénove avec TON argent!
- Donc en fait, si tu me quittes juste après les travaux, tu auras un appart qui vaudra plus cher, et moi j'aurai zéro appart et plus d'argent, c'est ça?
- Chuuut t'en fais pas, je gère tout, tiens tu veux aller jouer sur le PC pendant que je signe tous ces devis?
- Okay!


Donc ça c'était facile, mais je m'en doutais déjà.

(Professeur Flaxou est complètement allergique à tout ce qui touche de près ou de loin à la paperasse ou à l'argent.)

(On a un compte courant commun et un compte d'épargne, et il ne sait pas combien d'argent est dessus.)

(C'est moi qui ai tous ses identifiants parce que, je le cite, "si c'est moi qui les garde, je sais que je vais les perdre".)

(Je pourrais lui voler tout son pognon depuis des décennies et il ne s'en rendrait jamais compte, du moment qu'il y a du courant dans la maison et du comté dans le frigo.)

(Je te dis ça pour que tu comprennes à quel point je suis une sainte, parce que tous les jours de ma vie je pourrais être en train de m'acheter des livres, des épées, et des cailloux qui brillent, ET JE NE LE FAIS PAS.)

Pour les grumeaux, je m'attendais à plus de résistance, alors j'y suis allée doucement:

- Les enfants, il faut que je vous explique quelque chose d'important: après Noël, on va déménager pendant quelques mois, parce qu'on va faire des gros travaux chez nous, et on ne pourra pas rester ici. Je comprends que c'est perturbant pour vous de changer vos habitudes, mais...
- On aura des jouets à l'autre maison?
- Oui, j'amènerai tous vos jouets préférés.
- Okay!


(Clairement, ils ont hérité de l'esprit "go with the flow" de leur père et ça fait bien plaisir.)

Donc comme on est des pas-doués et qu'on sait rien faire de nos vingt doigts et aussi qu'apparemment on est des GROS BOURGEOIS j'ai engagé un architecte pour chapeauter les travaux, et il m'a en retour SAIGNÉ A BLANC établi un budget correct.

Et les travaux ont débuté en janvier, donc entre Noël et Nouvel An, on était occupés à faire les cartons et à déménager, au grand dam de ma mamie:

- Mais pourquoi vous ne pouvez pas rester?
- C'est juste pour trois mois, mamie.
- Mais justement! C'est pas très long, vous pouvez rester sur place. Tu m'as bien dit que vous ne toucherez pas à la chambre des petits?
- Ben non, mais nous, on n'aura plus de chambre...
- Il y a la chambre d'amis!
- ...et plus de salle de bains...
- Utilisez la nôtre!
- ... et plus de cuisine....
- Je vous ferai à manger tous les jours!
- ...Et ils vont couper l'électricité, et le chauffage.
- Ah, alors non, vous devez partir! Tu ne peux pas prendre le risque que les petits prennent froid!


(J'aurais dû penser à cet argument tout de suite.)

Avant de partir, on a démonté la cuisine, et découvert que les occupants précédents avaient laissé un petit mot rigolo sur le vieux papier peint derrière les placards:


Ha ha ouais, ce serait marrant si l'ancien locataire c'était pas mon PARRAIN.


(Qui n'a probablement pas pensé à l'époque que sa famille vivrait encore ici.)

(Pas merci pour cette image qui va me hanter le restant de mes jours.)

(J'AI MANGÉ DANS CETTE PIÈCE.)

On a aussi laissé les enfants peindre des fresques sur les murs (en expliquant bien le sens du mot EXCEPTIONNEL)


- C'est trop bien, parce que quand on reviendra dans la maison, on aura des beaux dessins aux murs!
- Ah... non mon chou, les ouvriers vont détruire tous ces murs.
- Oooh noooon! 
- Désolée.
- Mais quand ils vont venir casser les murs, peut-être que quand ils verront comme c'est beau, ils vont décider de les laisser.


(S'ils veulent se faire VIRER wesh)

Et puis on est partis s'installer à la Maison Blanche.

(C'est comme ça que les enfants appellent la maison où on loge pendant les travaux.)

(On n'est pas en train de taper la discute avec Joe Biden.)

La Maison Blanche, c'est la maison où j'ai grandi, et que ma mère a reconverti en gîte depuis qu'elle est partie s'installer chez son conjoint. 

Et si tu te demandes si ça fait bizarre pour moi de dormir à nouveau dans ma chambre d'enfant, la réponse est : ça va, mais clairement ça va moins bien pour ma mère, qui semble avoir du mal à comprendre que je vais gérer cette maison comme une adulte, et plus comme je le faisais quand j'avais seize ans:

- Et c'est vendredi le jour des poubelles, tu t'en rappelleras?
- Okay.
- Rappelle-toi bien! Il faut les sortir toutes les semaines. Quand les gens ne le font pas, il y a des asticots et c'est dégueulasse. Tu t'en rappelleras bien? Le vendredi?
- Oui, pas de soucis.
- Okay, je t'enverrai un texto jeudi soir pour te le rappeler.


Et après avoir reçu les instructions sur la douche ("tu penseras bien à passer la raclette!"), les produits de nettoyage ("pas plus d'un-demi bouchon!"), l'aspirateur ("et tu fais les escaliers aussi PARCE QUE JE TE CONNAIS!"), la belle vaisselle ("on va la mettre à la cave, c'est plus sûr") et le thermostat ("Est-ce que je peux te faire confiance pour que tu ne dépasses jamais les 19 degrés? Sinon je le laisse sous clé, c'est plus facile") je pensais en avoir enfin fini, tout ça pour recevoir un appel le soir même:

- Dis voir, tu n'oublieras pas de fermer à clé hein?
- C'est déjà fait, maman.
- Le garage aussi?
- Le garage aussi.
- Tu vas vérifier? Tu vas vérifier pendant que je t'ai au bout du fil? Non parce que je sais comment c'est avec toi : tu rentres de tes cours, hop hop, tu files sur l'Internet, et pendant ce temps c'est la porte ouverte à tous les cambrioleurs!


(J'ai soudain cette image de ma mère, prise de sueurs froides en pleine nuit, et s'exclamant "et si elle invite des garçons?")

Bref, tout se passe bien dans la Maison Blanche, les travaux ont démarré comme prévu, et évidemment y'a eu une couille immédiatement:

- Vous vous rappelez quand je vous ai dit qu'il faudrait peut-être refaire une partie de la chape, selon l'état dans lequel on la trouverait en cassant le sol?
- Laissez-moi deviner : elle est endommagée?
- Noooon... En fait, il n'y a pas de chape du tout. Votre sol n'a jamais été isolé. 
- ...
- Vous deviez avoir froid aux pieds, l'hiver, non?

(La réponse est non, parce que mamie chauffe comme une barbare de septembre à avril.)

(Par contre, qu'est-ce qu'on claque en fioul!)

Après, on s'attendait un peu à ce que tout ne soit pas 100% correct dans cette maison, vu qu'elle a été construite par mon grand-père à mains nues dans les années 50 et qu'il semblerait qu'il a un peu fait avec les moyens du bord:

- J'ai encore une mauvaise nouvelle : il faudra refaire une partie de ce mur. On pensait qu'il était fait en béton cellulaire, comme le mur contre lequel il est posé, mais, en détruisant la porte, on s'est rendu compte qu'il était fait en... je sais même pas en quoi... on dirait... des gravats qui ont été mélangés à du ciment...
- Ah, oui! Mon grand-père avait une entreprise de construction, alors il avait tout plein de remblai. Il a sûrement fabriqué ses propres briques pour économiser.


(La tête de l'architecte qui pensait avoir un boulot peinard.)

(Et je sais pas trop si c'est de bonne augure parce que j'y connais rien, mais quand l'électricien est venu et que je lui ai montré notre tableau à fusibles, il a juste poussé un long soupir.)

(Un soupir de joie, sûrement.)

Bref, tout ça avance très très bien, et on est tous très très zen.

En tout cas, on est trois sur quatre à être très très zen:

- Les enfants, c'est l'heure du bain!
- Ouiii, le bain!
- Profitez bien du bain, parce que quand on reviendra chez nous après les travaux, on n'aura plus de baignoire, juste une douche.
- Oh noooooon ! Mais moi j'aime pas prendre juste des douches!
- T'en fais pas, Sammy, c'est pas grave.
- Oh, tu es gentil de consoler ton frè...
- Y'a une baignoire chez Mamie Toc, on ira prendre les bains là-bas!

(J'appelle ça : la Flattitude.)

4 commentaires:

  1. Excellent! Ça fait plaisir de te lire !

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  2. Trop contente de lire ce nouvel article ! Bon courage pour les travaux =D

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  3. Je suis tombé par hasard sur ton blog par hasard en cherchant des infos sur Auckland et je me marre comme un bossu !

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