jeudi 4 août 2022

Un long week-end à Dublin


Et sinon je suis partie en long week-end à Dublin.

(Eh non, y'a pas que mes enfants dans ma vie!)

(Ils ne représentent QUE 95% de mon temps de cerveau disponible, okay?)

Avec mes copines Sarah et Lucie, on a décidé de se faire un petit break sans mômes et sans mari, le week-end de la liberté, le week-end des FOLIES FURIEUSES:

- Alors vous allez genre, sortir en boîte?
- Mieux! On va faire des MUSÉES!

(Oui, ça reste des week-ends entre intellos, hein.)

(Mais ça reste un truc qu'on ne peut pas faire avec des enfants en bas âge!)

(Liberté tout de même.)

(Au fait, je précise qu'on est parties en avril, mais je publie cet article en août, ça te donne une idée de mon temps libre.)

Et donc on est parties à Dublin avec un planning de folie, merci aux talents de Lucie la prof:

- Mercredi c'est la journée en bus à Galway, voici vos billets, NE LES PERDEZ PAS! Jeudi on a le rendez-vous à 9h30 pour la prison de Kilmainham, j'ai regardé l'itinéraire en amont, on a 32 minutes de tram et 16 minutes de marche, donc mettez vos réveils à 7h30, toi Charlotte 7h15 parce que je sais que tu prends ta douche le matin. Si jamais on se perd à n'importe quel moment du séjour, le point de rendez-vous c'est le salon de thé. On synchronise nos montres tout de suite?

(Tu la sens, la meuf qui est habituée aux voyages scolaires?)

Et autant te dire que l'ambiance était plutôt "hop hop" que "cool zen", parce qu'on est toutes mamans et qu'on sait bien que c'est pas tous les jours qu'on a des vacances où on peut faire ce qu'on veut sans boulets aux pieds nos adorables chérubins à prendre en compte.

Donc on a commencé fort, avec un voyage en bus pour les falaises de Moher et la petite ville côtière de Galway - voyage que Professeur Flaxou avait du mal à appréhender:

- C'est loin de Dublin?
- Ben c'est de l'autre côté du pays, sur la côte Ouest, donc c'est quatre, cinq heures de route.
- Donc vous allez passer huit heures dans le bus? En une journée? C'est de la merde!

Oh oui dis donc, quel cauchemar! 

Huit heures assise avec rien d'autre à faire que parler à mes amies, lire mon livre, ou écouter des podcasts sans interruption! Avec la possibilité de grignoter autre chose que des Dinosaurus pré-mâchés! 

(Huit heures de bus c'est pas un cauchemar, mec. Huit heures de bus, c'est plus de temps libre que j'en ai sur une semaine entière.)

(Bref.)

Un voyage pas regretté du tout, donc, vu que les falaises de Moher c'est plutôt incroyablement magnifique:



(Et en plus y'avait des boutiques et j'ai trouvé des peluches de macareux pour mes enfants.)

(Mes enfants que je m'étais juré de ne jamais laisser approcher d'une télé avant leurs trois ans, et qui ont saisi leurs peluches dans leurs petites mains en criant "C'est Oona et Baba! Comme dans Puffin Rock!".)

Et puis c'était direction Galway, en passant par Burren, un paysage lunaire complètement ouf:



Et par une très jolie campagne parsemée de lapins sauvages et de châteaux forts:



Pour finalement arriver à Galway et se rendre à l'endroit le plus important de la ville:

- On fait quoi, on va au port, à la cathédrale, ou...
- BOOKSHOP!!!!


C'était le grand dilemme du séjour : quel est le nombre maximum de livres qu'on se donne le droit d'acheter, sachant qu'on doit rentrer avec uniquement un bagage à main (bagage à main déjà quasi-plein à l'aller, au demeurant)? 

Ce nombre variait selon notre degré de bon sens : pour moi, c'était deux ; pour Sarah, trois; et pour Lucie, sept ("mais en fait juste quatre parce que l'un des bouquins c'était une trilogie mais regroupée en un seul toooome" OK mais qui a dû prendre un sac en plus juste pour caser ses bouquins de la taille d'une Bible, hm?)

Mais sinon Galway c'était joli hein:





Le lendemain, c'était direction Kilmainham Gaol, une prison qui commençait déjà avec un potentiel bien glauque:



(Rappelle-moi ce que je fous ici?)

Où on s'est pelé les miches pendant des heures:

- Et pensez qu'aujourd'hui, on a des vitres en verre et vous êtes bien habillés; alors imaginez la température pour les hommes, femmes et enfants qui étaient emprisonnés ici à l'époque.
- Excusez-moi? Vous avez dit "enfants"?
- Oui, en général des adolescents qui étaient condamnés pour vol ou mendicité, mais d'après les archives, il y a eu des enfants emprisonnés dès l'âge de 6 ans.
- Mais c'est terrible!
- Enfin c'était plutôt leur rendre service, parce que c'était l'époque de la Famine, donc au moins, quand ils purgeaient leur peine de prison, ils étaient nourris une fois par jour pendant quelques semaines...


(Su-per.)

On était bien contentes d'arriver dans la partie moderne de la prison:


Puis dans la cour extérieure, où on a même eu droit à un rayon de soleil:


Même si, évidemment:

- Et c'est dans cette cour que les rebelles de la guerre d'indépendance ont été fusillés au petit matin. Juste contre ce mur, là-bas! Vous trouverez leurs lettres d'adieux à leurs familles dans la dernière salle du musée.

Et donc on s'est dit "tiens, on a parlé que d'histoires glauques toute la matinée, et si on allait chialer un bon coup?"




(Je re-chiale en uploadant ces fichiers, pas merci mon SPM.)

On est sorties de là drainées et tristes, et on s'est dit, comment est-ce qu'on pourrait se remonter le moral cet après-midi? Et la réponse était plutôt évidente:


(DES LIIIIVRES)

Direction Trinity College, donc, et leur bibliothèque qui renferme l'incroyable Livre de Kells, un bijou médiéval incomparable et chef-d'oeuvre de l'art Anglo-Saxon, avec ses enluminures complètement gue-din:


Extraordinairement bien préservé pour un truc écrit sur du vélin, le livre est tellement protégé qu'on ne peut le voir que sous atmosphère contrôlée et dans une pièce tamisée, où il est présenté comme un truc du Da Vinci Code:


(Tellement envie de planifier un casse élaboré pour le voler tel Benjamin Gates.)

(Pour les curieux : ils tournent une page de temps en temps, c'est pas tout le temps la même.)

Et on aurait pu penser que c'était le clou de la visite, mais même pas!

- Non mais déjà, t'as payé une visite spéciale juste pour aller voir un vieux livre moisi, où t'as pu voir qu'une seule page parce qu'il est sous verre, j'espère bien que c'était pas ça le clou de la visite!

(Flaxou ne peut pas comprendre.)

Le clou de la visite, disais-je, c'était évidemment la "Long Room", l'iconique bibliothèque de Trinity College:


Cette splendeur!


Cette beauté!


(Cette ref)

Et encore, là, y'a pas cette extraordinaire odeur de vieux livres, faut se l'imaginer, mais vraiment c'est merveilleux. De loin mon moment préféré de tout le séjour, d'ailleurs c'est facile à juger, té-ma cet air béat et niais:


(Best. Day. Ever.)

- Ah okay, donc t'as passé l'aprèm à regarder de loin des livres que t'avais pas le droit de toucher, et ça, c'était ton moment préféré de tout le séjour?

(Professeur Flaxou ne comprendra jamais.)

Dans la Long Room, on trouvait aussi une sublime harpe en bois, appelée "la harpe de Brian Boru" (un roi de l'Irlande unifiée en l'an mille, et fondateur de la dynastie des O'Brien, un clan de nobles qui existe encore aujourd'hui) mais qui en fait n'est absolument pas la harpe de Brian Boru, puisqu'elle a été fabriquée vers le 14è-15è siècle. 


Les plus alcooliques d'entre vous auront sûrement reconnu la harpe, non pas pour son histoire de fake news, mais pour sa similarité avec le logo d'une célèbre marque de bière dégueulasse et amère comme l'anus de Satan très prisée dans le monde entier pour une raison qui m'échappe totalement.


C'est aussi cette harpe qui a servi de modèle pour les armoiries de l'Irlande (et qu'on trouve sur les passeports irlandais), mais ça, personne ne s'en est rendu compte, hein, bande de poivrots?



Une fois la visite terminée, c'était direction un autre musée:

- Eh attendez y'a une boutique!!!
- Ouiiiii la boutique!
- LA BOUTIQUE! LA BOUTIQUE!


(La meilleure partie du musée)

Une fois qu'on avait acheté des sacs, des porte-clefs, des stylos et des T-Shirts, donc, c'était direction Dublinia, le musée des Vikings.



Oui oui, j'ai bien dit "le musée des Vikings" en Irlande, ce n'est pas une erreur.

En fait, même si on a tendance à associer l'Irlande avec la culture celtique (et c'était bien le cas pendant des siècles), les Vikings ont envahi l'Irlande très tôt (dès le 9è siècle) et ont joué un grand rôle dans la création de villes (ils ont notamment fondé Dublin) et l'établissement de routes commerciales avec le reste de l'Europe. L'histoire de l'Irlande est pleine de batailles territoriales, alliances et trahisons entre Celtes et Vikings, jusqu'à ce que finalement ils se fassent tous poutrer la gueule par les anglo-normands (plus précisément par Henry II, roi d'Angleterre et duc de Normandie, et l'arrière-petit-fils de Guillaume le Conquérant).

Du coup, si on parle d'histoire de Dublin, on va en fin de compte parler plus des Vikings que des Celtes, parce que la ville n'existait pas avant l'arrivée des Vikings (c'était, comme un peu partout en Irlande, un grand marais).

Au musée de Dublinia, on suit l'histoire de la ville dans l'ordre chronologique, avec un côté très ludique, comme cet adorable petit cabinet d'apothicaire qui nous explique les remèdes courants aux maux du Moyen Age:


Et puis c'était l'heure de retourner faire un peu de shopping dans les meilleures boutiques de la ville:


(C'était fermé, tristesse infinie.)

Et puis d'aller boire une pinte en écoutant de la musique live (ce qui apparemment à Dublin veut dire "l'intégrale des Cranberries") (ça me va).



Le lendemain, après un appel à la maison pour m'assurer que tout allait bien:

- Ça va, les petits ne me réclament pas trop?
- Ecoute, ils ne t'ont pas mentionnée une seule fois, donc je pense que ça va. Les enfants? Vous voulez parler à maman?
- Heuuuu non on zoue là!
- Il dit qu'ils peuvent pas, ils jouent.


Le dernier jour, donc, c'était direction EPIC, le musée de l'immigration irlandaise, qui retrace toute l'histoire de l'énorme diaspora irlandaise et ses causes : la famine évidemment, mais aussi la pauvreté, la persécution religieuse, et pas qu'un peu les missions catholiques (parce que quel meilleur moyen quand on est persécuté pour sa religion que d'aller à son tour persécuter des gens en leur lavant le cerveau pour leur faire accepter des croyances qu'ils n'ont jamais demandé à connaître?) (BREF).

La plus grande partie du musée était surtout consacrée à l'influence de la diaspora irlandaise, principalement en Amérique, et la contribution des immigrants Irlandais à la politique, la diplomatie, la musique, l'art, l'écriture, le cinéma, etc.


Une pièce entière est d'ailleurs consacrée à une fresque réunissant tous les Irlandais célèbres issus de la diaspora : des immigrés de première génération, comme l'écrivain Oscar Wilde, l'explorateur Ernest Shackleton ou les acteurs Liam Neeson et Peter O'Toole, ou encore des immigrés de seconde et troisième génération, comme Grace Kelly, ou encore Ronald Reagan (celui-là je sais pas pourquoi vous essayez de vous l'approprier, c'est le roi des salauds au pays des trous du cul, laissez-le aux Américains, honnêtement).

Là où c'est rigolo, c'est que les gars ont clairement vu large quand ils ont pensé "Irlandais", parce qu'on trouvait dans ce musée les accomplissements de personnalités comme John Kennedy, dont la famille était Américaine depuis quatre générations (il faut remonter à son arrière-grand-père pour trouver un gars né ailleurs qu'à Boston). Mais bon, soit, la famille Kennedy est connue pour avoir clamé leur héritage culturel haut et fort à une période où il était de bon ton de le cacher, donc je comprends qu'on les intègre dans la culture irlandaise.

Par contre, je t'avoue que j'étais un peu perplexe quand j'ai vu qu'ils avaient dans leur collage Barack Obama ou même notre de Gaulle national, et accroche-toi pour les justifications, tu vas voir que c'est un travail de généalogie presque paléontologique:

Barack Obama, c'est son arrière-arrière grand-père du côté de sa mère qui a émigré aux Etats-Unis en 1850 (on dira donc qu'il a eu sur le jeune Barack une influence.... pas ouf).

Pour notre bon Général, c'est son arrière-arrière-grand-père du côté maternel qui était (déjà) militaire dans la brigade irlandaise, des mercenaires servant l'armée française sous l'Ancien Régime. 

Donc on est clairement là, OKLM, en train de revendiquer l’identité d'un gars dont 1) les racines irlandaises remontent à avant la Révolution Française et 2) qui était probablement le Français le plus chauvin que la terre ait jamais porté? Vous êtes souples, hein, les potes.

("Oui mais on a un très grand musée et on a besoin de monde pour le remplir, okay?")

Ils avaient tellement besoin de monde qu'ils ont même parlé des criminels et hors-la-loi:


("Oui okay, c'était un voleur et un meurtrier, mais c'était un Irlandais! Wouhou!")


(Putain et même lui c'était un deuxième génération mais les gars JPP de vous.)

Après, on dira ce qu'on voudra, mais ça montre une certaine ouverture d'esprit de revendiquer des gens qui sont loin d'être des Irlandais de souche. (Alors que chez nous, pour Chopin et Marie Curie, on a eu aucun mal à dire "c'est bon ils sont à nous", mais pour qu'on accepte Zizou il a dû gagner une Coupe du Monde, je me demande à quoi c'est dû.) 

Et après encore un déjeuner hautement gastronomique:


(Oui mais chaque musée c'est genre 20 balles hein)

C'était direction le dernier musée de ce long week-end : le musée de l'archéologie.

Et là, clairement, les filles m'ont perdue.

Parce que non seulement le musée est GIGANTESQUE:


Mais en plus il est plein de trucs incroyables, comme des objets d'art de la période Viking:


Des myriades de colliers et torques en or datant de l'âge de Bronze:


Une pirogue de 4500 ans creusée dans un tronc évidé et fossilisée dans les marais:


Et plein d'autres trucs en état incroyable retrouvés dans les marais (qui étaient partout, je le rappelle), notamment des corps humains sous vide qui ont visiblement mis les archéologues en émoi, cf. cette vidéo du musée qui montrait un expert tentant tant bien que mal de maîtriser son enthousiasme morbide:

- C'est une découverte absolument incroyable! Rendez-vous compte, on a un cadavre qui date de l'Age de Pierre, deux mille ans avant Jésus-Christ, donc un corps vieux de plus de quatre mille ans! En temps normal, on aurait quelques dents, des morceaux d'os si on a de la chance, et là, là, là! On a tout!! Pas juste des restes fossilisés de fibres textiles, mais des vêtements entiers ! Des cheveux! De la peau! Des ongles, des empreintes digitales, même des ORGANES VITAUX! On a même pu analyser le contenu de son estomac et voir ce qu'il avait mangé juste avant sa mort !!! C'est fabuleux!!

(Y'a rien de plus mignon qu'un scientifique qui est trop heureux d'un truc complètement nul pour le commun des mortels.)

En vrai, j'avoue que cet enthousiasme était contagieux, parce que moi aussi j'ai passé une-demi heure devant les momies des marais en mode:

- Nan mais c'est trop cool, vous avez vu ses yeux? Ils sont encore là! 
- C'est un peu dégueu quand même.
- Et il a même encore des poils de barbe, c'est fou!
- Dégueu.
- Regarde là, on voit même un bout d'entraille qui dépasse!
- Je me casse.
- A toute!

Pour les curieux, ces momies des marais seraient apparemment des sacrifices humains, probablement des rois ou des princes, dans la croyance que, les rois étant liés à la terre, leur sacrifice apaiseraient les dieux lors de périodes de mauvaises récoltes. Le dernier repas de chaque victime consistait en un mélange de céréales et de lait ou de beurre, encore une fois une histoire de symbole liée à la fertilité de la terre. D'ailleurs, on a retrouvé plusieurs centaines de kilos de beurre enterré un peu partout dans les marais irlandais, apparemment c'était une offrande. 


(La main momifiée de "Old Croghan Man", l'un des corps retrouvés récemment)

(Ils ont aussi retrouvé des tonnes et des tonnes d'objets en or enterrés un peu n'importe où, et ils savent pas vraiment si c'était des offrandes, des cachettes en cas de périodes de guerre, ou si juste les Irlandais étaient des genres d'écureuils dont le premier réflexe quand ils recevaient un truc précieux était de l'enfouir dans le sol.)

Après toutes ces émotions, c'était l'heure d'une pause-goûter dans le très prout-prout café Queen of Tarts:


- T'as vu comme le serveur il a direct donné la jolie fourchette à Sarah?
- C'est parce qu'il a reconnu sa qualité intrinsèque de princesse!
- Enfin, je mange plutôt comme une princesse... des égouts.

Puis on s'est dit que ce serait quand même abusé de visiter Dublin sans aller dans une église, donc on a fait un petit crochet par la cathédrale St Patrick:



Avant de retourner à l'auberge de jeunesse, les pieds en compote:

- P'tain en plus j'avais une super crème pour les pieds de l'époque où je bossais chez Lidl et où je faisais dix bornes par jour.... Et j'ai oublié de l'emmener.
- Honte sur toi, Sarah!
- Ouais, t'as oublié d'où tu viens!
- DES ÉGOUTS!

(On aura quand même marché 43 bornes sur l'intégralité des trois jours.)

(Et sans crème pour les pieds.)

Et ce fut le retour triomphant au bercail:

- Mes amours! Vous m'avez manqué!
- Faites un bisou à maman, et ensuite on va au lit.
- Oui, et il faut faire un gros dodo, parce que demain, on a une grosse journée!
- Demain tu repars en vacances?
- Haha! Mais non, mon chéri, je suis rentrée, ça y est.
- Ah donc demain y'aura pas de cadeaux?

(On est peu de chose.)

dimanche 13 février 2022

Terrible twos (by two)



(Cette photo s'intitule "le câlin deux secondes avant la bagarre")

(J'en ai une comme ça pour tous les jours de l'année.)

Et donc mes gosses ont eu deux ans.

Alors c'était l'été dernier, certes, mais j'ai été pas mal occupée entre-temps.

Parce qu'ils ont fait la fameuse CRISE DES DEUX ANS.

(Ou "terrible twos", comme on l'appelle chez nos amis outre-Manche.)

(Et du coup, comme j'ai deux gamins en même temps qui font leur "terrible twos", est-ce que j'appelle ça "terrible twos by two"? Ou cash je fais ma multiplication et je dis "terrible fours"?)

(Tant de questions, si peu de réponses.)

Les terrible twos (pour ceux et celles d'entre vous qui auraient la joie de ne pas savoir ce que c'est) c'est un âge de merde sensible, où le gamin est confronté à une poussée d'hormones et une explosion de ses capacités motrices, MAIS où il a encore du mal à s'exprimer verbalement. Tout ça crée pas mal de frustration, et donc le môme se comporte comme une sale petite ordure entre dans une période de contestation.

En gros, ton gamin te fait une mini-crise d'adolescence, à base de "je fais c'que j'veux c'est pas toi qui décides J'TE DÉTESTE" (mais avec moins de drogues et de musique emo, et plus de roulages par terre).


(Mes gamins quand je leur dis "mets tes chaussures")

Donc voilà, on a eu un très joli avant-goût de ce que ça va donner d'avoir deux crises d'adolescence en même temps dans la même maison, et laisse-moi te dire qu'on a GRAVE HÂTE. 

La petite consolation, c'est qu'on n'était pas les seuls à être au bout de notre vie avec nos mômes, cf. les transmissions de la crèche tous les soirs (propos véridiques):

- Ils ont été.... plutôt taquins. 
- On sent....on sent qu'ils sont vraiment en recherche de cadre, hein. 
- L'ambiance était vraiment.... électrique.
- Eh bien.... Disons que je vous souhaite d'avoir une soirée plus agréable que la journée qu'on a eue.

(J'adore les euphémismes de crèche pour éviter de te dire tout de go "J'en peux plus de tes connards de gosses".)

Bref, tu l'as compris, les grumeaux étaient pénibles

Tous les jours, c'était la bagarre pour la moindre chose : ils refusaient de s'habiller, de manger, de mettre leurs chaussures, de se mettre dans la voiture, bref, chaque geste du quotidien était prétexte à des crises de rages et des hurlements.

On en était à un stade où les autres parents de la crèche avaient arrêté de simplement me regarder avec de la pitié dans les yeux, et me plaignaient carrément à voix haute:

- SAMUEL ! VIENS METTRE TES CHAUSSONS! AUGUSTE! NE TOUCHE PAS A CA! VIENS ICI! LAISSE CE CASIER TRANQUILLE! JE COMPTE JUSQU’À TROIS ET JE TE METS LES CHAUSSONS DE FORCE! ET TOI, ENLÈVE CE BONNET! ET TOI, LÂCHE CETTE CHAUSSURE! UN...
- Oh là là, je l'admire, dis donc!
- Oui, moi aussi! C'est sûr qu'avec deux, ça doit pas être facile.
- DEUX....TROIS! MAINTENANT CA SUFFIT LES CAPRICES! JE M'EN FICHE SI TU ES PAS D'ACCORD C'EST MOI QUI DÉCIDE! ET TOI TU ARRÊTES DE LÉCHER CE TAPIS!
- Quel courage!
- Ah ça oui!


(Un très joli sentiment, mesdames, mais c'est pas vraiment comme si j'avais eu le choix, hein.)

(Flaxou m'avait bien suggéré de les abandonner dans la forêt, mais honnêtement, ça leur aurait trop fait plaisir.)

Bref, j'étais devenue la meuf que les autres mères regardaient en se disant "comme quoi, je me plains, mais ça pourrait être pire".

(En gros, j'étais devenue Lois dans "Malcolm".)

Et je désespérais de faire obéir ces enfants monstrueux, parce que rien ne marchait : ni les menaces, ni les cajoleries, ni les punitions, et ON N'A PLUS LE DROIT DE LES TAPER, PUTAIN!
 
(Et, autant je comprends à quel point c'est important d'éduquer ses enfants sans violence, autant je me dis que les générations d'avant avaient quand même drôlement la paix par rapport à nous.)

Dans mon désespoir apparent, une gentille dame de la crèche a cru bon de me jeter une bouée de sauvetage en me disant:

- Vous avez lu Filliozat? C'est très bien expliqué et plein de solutions pratiques pour gérer cet âge sensible entre 18 mois et 3 ans.

Et, même si, d'ordinaire, j'évite les livres sur l'éducation des enfants et je préfère y aller au feeling, là, j'ai immédiatement acheté le bouquin.

(Parce que mon feeling, là, me disait "une fessée et au lit", donc clairement j'allais pas l'écouter.)

Et té-ma comme même la couverture te vend du rêve dès le départ:


(Featuring un enfant en larmes au premier plan, super Hubert.)

Et, alors, je trouve le livre super utile pour les bébés et les très jeunes enfants (j'ai par exemple appliqué avec succès le truc de dire "stop" plutôt que "non", ou bien d'utiliser des instructions avec des phrases affirmatives plutôt que négatives ("laisse les pâtes dans l'assiette" plutôt que "ne jette pas les pâtes par terre"), et ça marche vraiment bien).

Par contre, pour les grands (2 ans et plus), j'ai quand même l'impression que l'autrice essaye de nous la faire à l'envers:

- Votre enfant demande toujours à choisir? C'est normal, il acquière un sens de l'autonomie. Lui laisser le choix, c'est bon pour son développement!
- Ok, super, je le laisse choisir.
- Par contre, ne vous attendez pas à ce qu'il fasse réellement un choix!
- Comment ça?
- En fait, à cet âge, votre enfant n'a pas réellement de critère de choix, parce qu'il est incapable de conserver des images dans sa tête pendant longtemps : il ne vit que dans l'immédiat. 
- Donc je le laisse choisir?
- Oui! 
- Mais il saura pas choisir.
- C'est ça.
- Donc il va se frustrer tout seul et me faire perdre quarante minutes?
- Exactement!


(Et puis le coup de "votre enfant ne sait pas conserver des images dans sa tête", tu me la referas quand tu les verras me faire les dialogues complets de "Totoro" dans la bagnole quand ils écoutent la B.O du film.)

Globalement, j'ai quand même l'impression que l'autrice bascule vachement entre "l'enfant est incroyablement intelligent" et "l'enfant est con comme une planche". 


Genre, faut pas féliciter un enfant quand il fait un truc bien (?) parce que ça souligne que l'action aurait pu être mal faite, et du coup, ça va générer de l'anxiété dans son petit cerveau et créer une peur de l'échec.

Okay, donc mon gamin de deux ans peut faire des déductions poussées de ce genre ("si c'est bien fait, ça peut être mal fait") avec des conditions hypothétiques et tout, mais par contre, il est trop con pour comprendre une instruction comme "attends deux secondes, c'est pas ton tour"?


(Ben meuf, dis à mes mômes qu'il arrivent pas à se représenter un futur proche, quand tous les jours ils me demandent "on mange quoi ce soir" ou "on va chez qui demain".)

Pour un peu tout le reste, on est quand même sur du constat "c'est pas sa faute s'il fait n'importe quoi, votre enfant est très très teu-bé, à vous de vous armer de patience jusqu'à ce qu'il soit un tout petit peu moins con".


En gros, c'est à nous de devenir des parents qui ont toujours le temps et l'énergie pour passer trois plombes à décrire les situations et à mobiliser le cortex préfrontal de leurs enfants:

- Ce n'est pas constructif de dire "ne tape pas ton frère"! A la place, essayez plutôt la méthode suivante, qui ne prendra que douze à quarante-cinq minutes. D'abord, décrivez la situation en disant "je vois", puis demandez à l'enfant en tort s'il comprend pourquoi l'autre pleure. (Souvent, il ne comprendra pas que les pleurs ont été causés par lui, car rappelez-vous, il est con comme une chaise!) Puis demandez à l'autre enfant d'exprimer son ressenti, et enfin, demandez au premier comment il pense qu'il faudrait faire pour consoler celui qui pleure. Et voilà! Problème résolu! 


Eh ben laisse-moi te dire que ça a marché DU TONNERRE.

- Qu'est-ce qui se passe ici? Sammy! Lâche ton.... attends, non, c'est vrai, je dois... hmm... euh... JE VOIS un petit garçon qui est accroché à la joue de l'autre comme un Rottweiler et en train de le mordre jusqu'au sang ...

(Ah oui, c'est une méthode qui marche particulièrement bien dans les situations critiques, hein.)

Et même pour les petites disputes, cette méthode n'a jamais fonctionné.

- Auguste, regarde ton frère, qu'est-ce qu'il fait?
- Il pleure.
- Tu sais pourquoi il pleure?
- Oui, c'est parce que je l'ai tapé parce qu'il avait piqué mon train.
- Et qu'est-ce que tu penses qu'il faudrait faire pour qu'il aille mieux?
- Qu'il arrête de piquer mon train.
- ....


(Non mais la logique est là, hein!)

Et ça, c'est les fois où leur complicité gémellaire ne vient pas carrément interrompre mon laïus:

- Pourquoi tu pleures, mon cœur?
- SAMMY A TAPÉÉÉÉÉÉ!
- Samuel, viens ici. Je ne suis pas contente, tu as fait une grosse bêtise. Viens t'excuser tout de suite auprès de ton frère.
- Pa'don Gus-Gus! Câlin Gus-Gus!
- Tu sais, Samuel, tu as le droit de ne pas être d'accord avec ton frère, mais tu es un grand garçon maintenant, et tu sais parler, donc si tu as un problème, tu peux utiliser tes mots et dire...
- C'est bon maman! Mon frère il a dit pardon! On peut aller jouer maintenant!


(Qu'est-ce que tu veux faire quand même la victime est du côté du bourreau?)

Et je passe sur les autres enseignements que je n'ai même pas voulu mettre en place, parce que juste non:

- C'est vrai que ça peut être frustrant quand l'enfant vous fait perdre du temps le matin, mais rappelez-vous que sa conception du temps est radicalement différente de la vôtre! Il ne comprend pas la notion d'horaires, ni de retard, il vit uniquement dans l'instant présent, et quand vous le forcez à laisser ses jouets et le mettez dans la voiture de force, il vit ça comme un acte d'une grande violence. C'est nier son existence en tant que personne, et sa capacité décisionnelle. Au final, ce sera beaucoup plus productif de lui laisser prendre son temps pour décider de lui-même qu'il faut y aller... et puis, quelques minutes de retard, ce n'est pas la fin du monde!

Okay, donc clairement, ce livre n'a pas été écrit par un Alsacien.

L'HEURE C'EST L'HEURE MA PETITE MADAME.

QUAND C'EST L'HEURE ON Y VA ET PUIS C'EST TOUT, GOTT VERDAMMI!


Toi tu iras expliquer à mes élèves que je les ai fait poireauter quinze minutes dans le froid devant la salle de cours parce que "Mon enfant n'avait pas fini de jouer aux petites voitures, et voyez-vous, je ne voulais pas mettre un frein à sa capacité décisionnelle."

Plus sérieusement, je me demande à quel point c'est bon pour une famille quand le parent s'efface au point que son gamin a une priorité constante sur chaque aspect de sa vie. Parce que là, dans tout le bouquin, il n'y avait que ça : "voilà ce que telle situation fait à votre enfant", "voilà ce que cette réaction suscite chez votre enfant", mais à un moment donné, on en parle, du parent, ou bien ça y est, on n'existe plus du tout en tant que personne, on est juste la béquille de notre môme jusqu'à sa majorité?

Au final, j'ai quand même glané quelques bons conseils du livre (notamment le fait de donner des consignes plutôt que d'interdire, qui marche très bien parce que mes enfants ont hérité de l'esprit de contradiction de leur père), mais clairement, y'a pas mal de pages dans le bouquin que j'ai juste survolé en levant les yeux au ciel.

Bref, c'est pas bien grave, on est sortis de la période chiante compliquée sans trop de casse, on a trouvé un moyen de récompenser les bons comportements plutôt que de punir à tout va (via les sacro-saintes gommettes) (oui, on donne des bons points à nos enfants comme dans les années 50, comme quoi, y'a des recettes qui marchent encore) et maintenant, on est entrés dans un rythme sympa, et je dirais même qu'on se marre bien:

- Maman, je veux du chocolat!
- Il manque le mot magique.
- Le mot magique?
- Oui, c'est quoi le mot magique?
- C'est.... LA CIGOGNE!
- Que...
- AHAHAHAAHAH
- Quoi?
- Je te fais une blague! C'est une blague, maman! 


(C'est bon, pas besoin de test ADN, c'est sûr, ils ont l'humour de leur père.)