jeudi 20 janvier 2011

Ma famille à moi c'est celle que j'ai choisiiii, car on a besoin d'affection dans la viiiie!


J'ai commencé à lire "les Misérables".

Ça fait que soixante pages, et j'ai déjà envie de me suicider. J'appréhende un peu les deux mille quatre cent pages suivantes.

En plus j'avais eu envie de le lire, parce que je l'avais déjà lu quand j'étais en primaire, mais c'était la version abrégée pour les enfants, avec cent pages par tome au lieu de huit cent. (Je commence à me demander si j'aurais pas juste pu relire cette version, j'aurais déjà fini.)

Mais j'avais oublié qu'en primaire, j'étais complètement blindée à la souffrance et à la misère. Pourquoi, me demanderas-tu? La réponse tient en trois mots.

Rémi. Sans. Famille.

(Avoue, ça te donne déjà envie de pleurer.)

Faut savoir que, quand j'avais genre huit ans, j'étais une méga-fan de Rémi sans famille. J'avais commencé avec le dessin animé de France 3 (celui avec les personnages mal dessinés et les doublages pourris) et je l'avais trouvé tellement génial que je me suis tapé les 600 pages du livre. Qui va encore plus loin dans la misère, c'est ça qui est génial.

Au cas où tu connaîtrais pas, je te raconte le truc.

Le livre donc il s'appelle "Sans Famille" (ça t'augure des bons trucs) et c'est un monsieur nommé Hector Malot qui l'a écrit. A ma connaissance, il a rien écrit d'autre. Peut-être qu'il s'est suicidé après avoir relu son propre livre, je sais pas.

L'histoire, elle parle d'un gamin qui s'appelle Rémi. Il vit dans la campagne profonde du chais plus combientième siècle (mais c'était y'a longtemps parce qu'il y a encore les voitures tirées par des chevaux). C'est un enfant trouvé, et il vit avec sa mère adoptive qui l'adore, et son père adoptif qui en a rien à foutre de sa gueule et le bat avec une canne. Et ils sont tous bien pauvres et font rien qu'à bouffer de la farine.

Ça commence bien.

Un jour, je crois qu'il y a un truc genre l'anniversaire de Rémi, et sa mère a décidé de lui faire des crêpes, elle a dépensé le peu d'argent qu'ils avaient pour des oeufs et du lait. Rémi est super heureux. Sur ces entrefaites arrive le père adoptif, il dit à sa femme :

- C'quoi c'bordel, c'est pas nourrissant les crêpes, femme, fais-moi de la soupe à l'oignon.

La mère essaye de s'interposer en disant "le petit voulait des crêpes", alors le père bat sa femme, puis tant qu'à faire il bat le gamin aussi, hein, ça mange pas de pain. Et tout le monde mange de la soupe au vieux navet qui pue. (Ambiance.)

Le lendemain, le père adoptif amène Rémi au marché, et il le vend à un musicien itinérant. (Sans rien dire à sa femme, sinon ce serait pas drôle.)

Rémi part sur les routes avec le vieux Vitalis, ses chiens savants, et son singe, et en gros ils font que marcher toute la journée, se poser dans les villages et jouer de la musique pour gagner trois sous et demi, et le reste du temps ils fuient la police.

Alors on pourrait penser que c'est pas si mal, parce qu'au moins le vieux Vitalis est sympa et il devient comme un père pour Rémi. Mais là c'est le moment de vous raconter que Rémi a une sorte de malédiction qui pèse sur lui. Oui, parce que chaque personne dont il s'approche attrape une poisse monumentale.

Prenons Vitalis, pour commencer. Ca fait genre trente ans qu'il parcourt les routes et il lui est jamais rien arrivé. Il adopte Rémi, et en six mois, voilà ce qui se passe :

D'abord, Vitalis se fait choper et va en prison. Rémi est tout seul avec trois chiens et un singe, et il manque de crever de faim. Heureusement, il devient ami avec une dame anglaise très gentille et très riche, qui a un fils handicapé (faut bien un peu de pathos). La dame c'est la mère biologique de Rémi, nous on a tout compris, mais eux, ils sont un peu brut de décoffrage, je crois.


- Alors Rémi, d'où viens-tu?
- Du village de Chavanon. Je suis un enfant trouvé, ma mère m'a dit que c'était le 12 juin.
- Oh! Je connais bien Chavanon. C'est là qu'on m'a volé mon fils encore bébé, il y a de cela neuf ans, le 12 juin. Tu sais, tu me fais beaucoup penser à lui.
- Ah oui tiens.

Non mais franchement.

Ensuite Vitalis sort de prison, alors Rémi retourne avec lui, mais c'est pas la fin de la poisse, puisqu'à peine remis en route, ils traversent la forêt et se font prendre dans une tempête de neige, ils manquent de mourir de froid, et deux des chiens se font manger par les loups. Ensuite, le singe attrape une pneumonie, Vitalis dépense ce qu'il avait économisé en trente ans pour le soigner, mais il meurt quand même. (Non sans bien nous avoir fait chialer avant, parce qu'il voulait monter sur scène avec son petit costume, et il meurt tel Molière.) Ensuite Vitalis envoie Rémi faire une course pour une vieille connaissance, en fait le mec c'est le tenancier d'un "orphelinat" qui force les enfants à mendier et récolte tout ce qu'ils gagnent, et s'ils ne gagnent pas assez, il les bat. (C'est pire que Slumdog Millionaire.) Du coup Vitalis, qui voulait garder Rémi ici pour qu'il dorme au chaud, refuse qu'il se fasse battre et l'emmène avec lui. Mais ensuite ils passent une nuit en pleine neige, et quand Rémi se réveille, Vitalis est mort comme un chien.

(Mais dis donc c'est l'avalanche de joie ici.)

Ensuite Rémi et son chien Capi (le seul chien qui reste) sont recueillis par une famille de jardiniers bien gentils, et qui ont une fille muette dont Rémi tombe amoureux. (Mais il a un problème ce garçon!) Mais ensuite, le jardinier a ses serres ruinées par une tempête de grêle (quand je disais qu'il porte la poisse!) et il est mis en prison pour dettes. Ses enfants vont tous chez des oncles et des tantes, mais personne ne veut de Rémi, alors il reprend la route.

Là il rencontre son ami Mattia de l'orphelinat, qui a un genre de tumeur au cerveau (mais qui sait bien jouer du violon, alors tout va bien). Ils prennent la route ensemble, à un moment ils vont travailler dans une mine, et un jour que Rémi travaille comme à l'accoutumée, la mine s'effondre et il reste bloqué avec d'autres mineurs. Y'en a un qui se suicide, et ensuite les autres attendent les secours pendant des jours dans le noir avec le cadavre. Et ils sont sauvés au moment où les plus vieux commencent à décider qui va se sacrifier pour que les autres puissent le manger. (Rémi il est pas trop d'accord avec l'idée, mais d'autres mineurs disent oui oui pas de problème. C'est horrible cette histoire!)

Ensuite Rémi décide d'aller voir sa mère adoptive et de lui acheter une vache parce qu'elle était gentille avec elle, et que comme ça elle pourra lui faire des crêpes. (Trois ans plus tard, et le gamin a pas lâché le morceau.) Il économise et il achète une vache, et ensuite y'a encore un passage triste parce que le marchand essaye de faire croire qu'il a volé la vache alors que non, mais comme y'avait pas de tickets de caisse à l'époque, vas-y pour prouver.

Finalement il amène la vache à sa mère et elle lui fait des crêpes. Et là tu te dis c'est bon, tout le monde est heureux, on pourrait finir comme ça. Mais non! En fait ensuite Rémi et Mattia vont à Londres parce qu'ils pensent avoir trouvé les parents de Rémi, mais en fait c'est juste des arnaqueurs qui dressent son chien à cambrioler des maisons. (On sait pas trop comment ils ont fait, mais ils l'ont fait.)

Finalement, ils apprennent que sa mère était en fait la madame de la péniche (naaan sans dec') mais qu'elle a un frère malfaisant qui essaye de retrouver Rémi pour le tuer et prendre l'héritage de sa soeur. (Oui, il faut toujours un membre de la famille malfaisant quelque part. Je sais pas trop comment les frères et soeurs d'Hector Malot l'ont pris quand ils ont lu le bouquin.)

Du coup Rémi et Mattia repartent en France pour prévenir la mère biologique de Rémi que salut, je suis ton fils perdu, oh et au fait ton frère essaye de m'occire. Ils la trouvent, et devinez qui est là aussi! Lise, la chérie muette de Rémi! (Dis donc c'était vraiment tout petit, la France de l'époque.)

(Au fait, Lise est là parce que non seulement son père est en prison pour dettes, mais l'oncle qui s'occupait d'elle est mort dans un accident d'écluse. C'est les petits détails, comme ça, qui font toute la joyeuseté de l'histoire.)

Bon, et là, peut-être qu'Hector Malot en avait marre de faire des dépressions nerveuses toutes les cinq minutes en écrivant son bouquin, quoi qu'il en soit c'est la débauche de bonheur. Rémi retrouve sa mère. Lise est tellement heureuse qu'elle se remet à parler. Même le frère handicapé de Rémi arrive à marcher. (En fait c'est devenu Jésus, le gamin.)

Et la mère de Rémi est tellement riche et gentille qu'elle décide d'adopter tous les gens de l'histoire qui ne sont pas encore morts : Mattia, sa petite soeur qu'on fait venir d'Italie, la mère adoptive de Rémi, tout le monde! (Et ensuite tout le monde se marie ensemble, comme chez la Comtesse de Ségur.)

Bon en fait c'est pas si déprimant comme histoire.

La prochaine fois, je vous raconterai "Le tombeau des lucioles", et ça va pleurer dans les chaumières, c'est moi qui vous le dis.

9 commentaires:

  1. chevelure-exquise20 janvier 2011 à 17:34

    Je vois que notre conversation de l'autre jour dans le froid strasbourgeois t'as inspiré un article :)

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  2. "... mais il meurt quand même. (Non sans bien nous avoir fait chialer avant, parce qu'il voulait monter sur scène avec son petit costume, et il meurt tel Mozart.)"

    Il ne s'agit pas plutôt de Molière ?

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  3. Hahahahah :D
    J'adorais ce livre ! Le dessin animé, t'as raison le plus remarquable c'est les doublages (où Rémi a la voix d'une fillette de quatre ans ahurie), la mâchoire de Vitalis (qui a dû être membre de la pègre-boxeur-catcheur dans une autre vie), et surtout le générique, où pour Rémi ils ont embauché un ado qui n'a pas du tout la même voix que le personnage habituel et qui a l'air de faire un rap alors que le fond sonore, lui, fait plutôt flonflons-musette...

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  4. J'ai tiqué aussi sur le Mozart/Molière, mais l'article est génial! Ca donne presque (j'ai bien dit "presque"!) envie de lire le livre!

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  5. Il me semble aussi qu'il y a des films. J'avais les cassettes (oui, les cassettes !) :D

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  6. chevelure-exquise21 janvier 2011 à 21:11

    Je sais qu'il y a un film avec Pierre Richard qui joue le rôle de Vitalis

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  7. Celui auquel je pense ( j'ai des recherches :p ) c'est de Ertaud & c'est pas avec Pierre Richard je crois. C'est en 3 dvd & j'avais pleuré comme une madeleine, je pense .

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  8. o_o joyeux dis donc !!

    Je me permets quand même un gros "lol" inapproprié pour la comparaison avec le tombeau des lucioles ^^ parce que je me souviens des réactions de Carole Cri et Julie le jour où on l'a vu "mais c'est horrible de faire des trucs pareils !! on dirait que son seul but c'est de faire chialer les gens !!!".

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  9. J'ai pas lu le livre, mais je me souviens vaguement du dessin animé, la mort du singe, de Vitalis et la mine font "tilt" dans mon cerveau...

    Dans le même genre, y'a Jacquou le Croquant aussi, j'avais vu le feuilleton en 10 000 épisodes quand j'étais petite j'avais trop pleuré !!!

    (faut pas raconter tout de suite le tombeau des lucioles je l'ai pas vu !)

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