Instant Kiwi n° 11: l'overstatement.
(J'aurais pu dire "exagération", mais je suis bilingue maintenant alors faut que je le montre.)
(Esprit de la blogueuse mode, je t'invoque!)
Les Néo-Zélandais sont globalement des gens ouverts d'esprit. Seulement, de par leur isolement géographique, ils ont très peu l’occasion de voyager (beaucoup ne voient que l'Australie en guise de pays étranger - et, faut pas déconner, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, culturellement, c'est un peu comme la France et la Suisse : y'a plein de petites différences, mais bon, c'est pas non plus Samuel Huntington et le choc des civilisations).
Par corollaire, les Kiwis n'ont comme point de comparaison que leur propre pays. Et ça donne des conversations très très rigolotes quand tu les écoutes parler des graves problèmes de la Nouvelle-Zélande.
Par exemple, j'ai oncques évoqué les sueurs froides que m'inspire la Southern Motorway. Mais j'ai omis de mentionner le problème de la circulation.
Parce que c'est pas un problème.
C'est sûr, aux heures de pointe, tu mets quinze minutes à entrer sur l'autoroute (ci-mer le système de feux qui fait s'entasser tout le monde sur la voie d'insertion), mais au mois, après, la circulation est relativement fluide (tu dépasses pas les 70 km/h, mais au moins ça roule).
Mais demande à un Kiwi ce qu'il pense du trafic routier a Auckland, et c'est comme pisser de l'essence sur un feu de camp :
- Han mais le trafic à Auckland, c'est une HORREUR! Des fois je mets, genre, TRENTE minutes pour faire dix kilomètres!
Et moi, j’écoute ça, et je me souviens des bouchons a l’entrée de Strasbourg le dimanche soir, ou on mettait une heure a faire cinq kilomètres.
Je me souviens des heures entières passées a l’arrêt dans la Twingo en plein cagnard du 15 août, au point mort sur l'autoroute du Soleil pendant des centaines de kilomètres, et JE ME MARRE.
Ou bien, autre exemple : les distances.
La Nouvelle-Zélande est un petit pays. Du coup, les Kiwis considèrent tout lieu à plus d'une heure de route de chez eux comme le bout du monde.
Quand je me suis installée a Mount Wellington, j’étais contente, parce que c'est seulement à 20 minutes en voiture de mon boulot (et 45 minutes en bus). Ce qui, pour une ville de plus d'un million d'habitants, est franchement très correct.
Mais quand j'ai dit aux gens de mon boulot où j'habitais, ils m'ont tous invariablement répondu:
- Ah, ouais...c'est loin.
Loin? Mais déconne pas Richard, c'est à vingt minutes! Tu sais ce qu'ils donneraient, les Parisiens, pour habiter à 20 minutes de leur lieu de travail?
(Probablement un rein, vu le prix des loyers franciliens, mais je m’égare.)
Et je ne compte pas le nombre de Kiwis qui ont trouve ça aberrant que je parte à Coromandel Peninsula pour seulement deux jours, parce que c’était à deux heures et demie de route d'Auckland et que "Ça vaut même pas le coup, tu vas passer le week-end entier dans la voiture".
(Alors qu'en vrai j'ai eu le temps de voir une bouteille de limonade géante, d'explorer des grottes, et de me cramer les doigts de pieds.)
Et c'est comme ça pour tout!
Comme indiqué précédemment, je dois quelquefois prendre le bus pour aller au boulot et en revenir. Et quand, un jour, j'ai mentionné a mon patron que j'allais rentrer en bus le soir même, il m'a dit d'un air paniqué:
- Quoi? Tu veux prendre le bus a 22h? Toute seule? Mais c'est super dangereux!
Et bon, il est bien gentil Richard, mais déjà d'une il est PDG et je pense que ça doit faire au moins 25 ans qu'il a pas mis les pieds dans un transport en commun, et de deux : si ça me faisait pas peur de renter seule chez moi a Strasbourg, tu peux bien croire que c'est pas Auckland qui va m'effrayer.
Non pas que Strasbourg soit le pinacle de la criminalité, loin de la (à part pour les vols de vélo), mais c'est juste que la Nouvelle-Zélande, c'est probablement l'endroit le moins craignos de la planète.
Quand je prends le bus de 22h, le chauffeur éteint toutes les lumières, donc le véhicule entier est plongé dans le noir (à part moi, j'ai acheté une petite lampe avec une pince pour pouvoir bouquiner, parce que j'ai donné dans l'art de lire dans le noir et c'est à cause de ça que j'ai des lunettes aujourd'hui alors merci bien mais on ne m'y prendra plus).
Donc oui, c'est sûr, au début, ça surprend.
Et en tant que femme Européenne, c'est facile d'imaginer les horribles choses qu'il pourrait t'arriver dans le noir complet à l’arrière d'un bus désert.
(C'est possible.)
Sauf que les gens qui prennent le bus a 22h au centre-ville, c'est les mêmes gens que moi! Ils sont tous en habits de bureau ou en train de revenir de la gym avec leurs sacs de sport.
Le seul truc qui m'agresse, dans le bus de 22h, c'est l'odeur de transpi.
De même, tous les Kiwis me regardent avec de grands yeux horrifiés quand je leur explique que, le jeudi (après le bus de 22h, donc), je fais le chemin de l’arrêt de bus jusqu’à la maison à pied, toute seule. Soi-disant que c'est pas sûr de marcher dans les rues d'Auckland la nuit.
Nan mais les gens, vous êtes bien mignons, mais faut arrêter de croire que le taux de criminalité est directement lié au degré de luminosité.
(Qu'on se le dise, dans la vraie vie, les méchants ne spawnent pas dans l’obscurité.)
Et puis, honnêtement, a Mount Wellington, les 200 mètres de trajet que j'effectue la nuit à pied se situent entre une église Samoane et une clinique d'ophtalmologie pour animaux de compagnie (si si, ça existe), donc je pense pas non plus que ce soit le quartier de prédilection des coupe-jarrets.
(A la limite, je pourrais me faire attaquer par un chat avec une conjonctivite.)
Donc, pour résumer : les Kiwis ont aucune idée de ce qui se cache hors de leur monde merveilleux.
Mais d'un côté, vaut mieux qu'ils voyagent pas trop, les Néo-Zélandais. Avec cette mentalité de Bisounours, je te raconte pas la hausse cruelle du taux de mortalité Kiwi pour toutes les vacances à l’étranger :
- Oh, bonsoir Monsieur! Vous tombez à pic, je me suis perdu dans ce quartier de HLM, et je voudrais pas m'attarder parce qu'il va bientôt faire nuit. Donc quand je vous ai vu promener votre pit-bull, je me suis dit "Ouf, un brave passant, me voila sauvé!" Dis donc, c'est une bien jolie croix que vous avez tatouée sur le cou. Un symbole celtique, peut-être?
Ça va faire mal, c'est moi qui te le dis.
Là pour le coup c'est l'inverse de l'Australie où il est normal que tu fasses 6h de route (aller simple!) pour... partir en week-end!
RépondreSupprimer