dimanche 13 avril 2014

Culture maorie: le moko


Aujourd'hui, penchons-nous sur un élément fondamental de la culture Maorie: le moko.

Le tatouage est un rituel important dans toute la Polynésie, et la Nouvelle-Zélande n'échappe pas à cette règle.

Le moko est donc une forme de tatouage traditionnel de couleur bleue ou noire, représentant des symboles tribaux.

Par contre, ne va pas croire que le moko est l'équivalent d'un tramp stamp dans le bas du dos qu'on se fait faire à la crise de la quarantaine après une soirée de cuite, ou d'un crâne qui saigne parce que j'ai dix-huit ans et je suis trop dark t'as vu.

Nan nan, le moko, c'est pas de la rigolade mon petit ami.


D'abord, le procédé du moko est très ancré dans la tradition Maorie, et est donc empreint de tapu.


Le tapu (d'où vient le mot "tabou" en français) est un concept qu'on retrouve dans toute la Polynésie, et qui dénote tout ce qui touche au sacré, au spirituel, et à l'interdit.


Dans la culture Maorie, c'était surtout des endroits ou des choses qui sont considérées tapu: la maison d'un chef, dans la culture pré-coloniale, était tapu, et personne d'autre que le chef ne pouvait y entrer sans invitation. De même, la nourriture préparée pour un aristocrate ne pouvait pas être mangée par un inférieur, car elle était tapu également. 


De nombreux lieux sont également considérés comme tapu, y compris dans la culture moderne: les cimetières (modernes et pré-coloniaux) sont tapu, et certains lieux où une divinité (atua) a été aperçue restent tapu par la suite, car ils contiennent la force vitale de l'esprit (mana). 


Mais les gens pouvaient aussi être tapu: donc, le prêtre qui s'occupait des tatouages (le Tohunga tā moko) était une personne tapu, considérée comme sacrée et inviolable. De même, une personne se faisant tatouer était également tapu, ne pouvait pas avoir de relations sexuelles tant que le tatouage n'était pas cicatrisé, et ne pouvait se nourrir que de liquides. 

(Bon, la dernière partie, je la soupçonne d'être plutôt un côté pratique, parce que de un la tête était enflée comme un ballon de basket, et de deux, quand t'as des plaies ouvertes sur le visage, t'as pas trop envie de projeter de la bouffe dedans.)

Ah parce que oui, petite précision rigolote : tu penses avoir douillé quand tu t'es fait faire tatouer "force" en chinois sur la cheville? Ben tu peux aller te rhabiller. Parce que le moko, contrairement au procédé moderne du tatouage (où une aiguille pénètre la peau à de multiples reprises et laisse une trace d'encre sous l'épiderme), était un procédé où l'on prenait un petit burin en os, un petit marteau, on te faisait mordre sur un bout de bois, et on te TAILLADAIT le visage à vif, avant de verser de l'encre dans les plaies encore fraîches.


(Le procédé le plus métal du monde.)





(Décidément j'aime beaucoup cette analogie de "Vikings du Pacifique".)


(D'ailleurs, si jamais tu kiffes la douleur, il existe encore des artistes en Nouvelle-Zélande qui pratiquent le moko traditionnel, avec le petit burin en os et tout, et l'anesthésie en option.)


Le moko n'était pas seulement un procédé esthétique, mais servait un peu à plein de choses.

D'abord et surtout, le moko était une sorte de carte d'identité (plus douloureuse qu'un bout de plastique, mais plus détaillée): les symboles identifient en effet à quel iwi (tribu)hapu (clan), ou whanau (famille étendue) une personne appartenait. Des zones précises sur le visage déclinaient tout ce qu'on avait besoin de savoir sur la généalogie d'une personne: le rang social était gravé sur le front, la profession de la personne sur la joue, la liste de ses ancêtres de chaque côté du visage, etc.

(T'imagines aujourd'hui les ratures que tu dois te manger dans la face dès que tu changes de boulot.)

(Ça fait réfléchir à deux fois avant de quitter son job, c'est moi qui te le dis.)

Tu l'auras peut-être compris, le moko, c'était pas pour le premier pécore qui passait. Seules les personnes de rang élevé avaient l'honneur de se faire tatouer un moko complet sur le visage entier. (Si l'un des côtés de la famille n'avait pas de rang social, on ne tatouait qu'un seul côté du visage, par exemple). Le moko complet n'était autorisé que pour les élus de haut rang, capables de décliner leur whakapapa. 

Parenthèse: le whakapapa, c'est une généalogie qui comprend la descendance de toutes les choses vivantes (incluant les dieux, les cailloux, les montagnes et les arbres) du commencement des temps jusqu'à nos jours.

(Ah ça oui, c'est du boulot de dresser un arbre généalogique quand on est Maori.)

(Bonne chance pour remonter jusqu'à tes ancêtres de la préhistoire et certifier le nom du caillou sur lequel ils avaient bâti leur hutte.)

Le moko était un jalon important qui, en plus d'indiquer un statut social, marquait également le passage entre enfance et âge adulte, avec un procédé très ritualisé en conséquence.

Enfin, le moko avait également une fonction esthétique : plus on avait de tatouages, plus on était désirable aux yeux du sexe opposé. 




(Et c'est pas Kate qui vous dira le contraire.)

Il est bon de noter que le moko n'était pas une pratique réservée aux hommes, puisque les femmes de haut rang se faisaient tatouer aussi.

(Même si ça serait mieux si elles étaient d'Alexandrie.)

(Blague de 2002, bonjour.)

Par contre, les zones à tatouer différaient chez les hommes (visage, fesses et cuisses) et chez les femmes (menton, lèvres et front), même si, là encore, c'était plutôt une généralité qu'une véritable règle.



Mais venons-en à l'origine de cette pratique.

La naissance du moko chez les Maoris nous est expliqué par une légende, celle de Mataora et Niwareka.

Mataora est un chef guerrier qui épouse Niwareka, une femme venue du monde souterrain, où vit un peuple appelé les Turehu.

Les Turehu (aussi appelés Patupaiarehe) (à tes souhaits) sont des esprits à la peau claire qui vivent dans les forêts profondes et au sommet des montagnes, et qui peuvent être hostiles ou cléments envers les humains.

Dans ce cas, Niwareka était pas trop trop hostile, vu qu'elle tombe amoureuse de Mataora et accepte de vivre avec lui dans le monde du dessus.

Seulement, Mataora a un sale caractère (je commence à croire que c'est un truc génétique chez les Maoris), et, un jour qu'il est bien vénère, frappe sa femme dans un accès de colère. Niwareka est atterrée, car les Turehu sont un peuple pacifique, et ne sont pas habitués à la violence.

(Sérieusement? C'est ça ton explication? Genre les femmes Maories, elles s'en foutent si on les tabasse?)

Niwareka s'enfuit donc de la maison et retourne dans le monde souterrain, mais Mataora est tellement triste et plein de regrets qu'il décide de la retrouver, et part en expédition chez les Turehu. Une fois dans le monde souterrain, il assiste à une cérémonie du moko, et en est ébahi, car en ce temps, l'art du moko n'existait pas chez les humains.

Niwareka refusant de se présenter à lui, Mataora subit donc l'épreuve du moko, et chante le nom de sa femme pendant qu'il se fait taillader le visage. Une fois la procédure finie, son visage est tellement enflé qu'il est méconnaissable, mais Niwareka le reconnaît aux habits qu'elle lui a tissés, et accepte de revenir vivre dans le monde des humains, à la condition qu'il se conforme désormais à des principes de paix et d'amour, et qu'il ne lève jamais plus la main sur elle.

Mataora répond alors que son visage est désormais gravé avec le moko du monde souterrain, et qu'il ne pourrait jamais l'enlever. De cette manière, il signifie à Niwareka que sa promesse sera indélébile.

Les époux retournent dans le monde des humains et vivent heureux et en paix, et c'est Mataora qui enseigne aux humains l'art du moko.

Bon, alors évidemment cette histoire cautionne quelque peu la violence domestique (du moment que tu te repends, pas de souci!) mais, en remettant les choses dans leur contexte historique, je trouve que c'est une vision un poil plus évoluée que celle des Européens de la même époque, où battre sa femme c'était un peu comme taper son chien avec un magazine quand il a fait caca par terre, c'est pour l'éduquer tu vois.

(J'veux dire, là au moins il doit souffrir sa race pour se repentir.)

En conclusion: le moko c'est super badass, et perso je trouve ça très très joli.

(Après, j'irai pas m'en faire un parce que 1. Je suis pas Maorie et 2. Je suis pas sadomasochiste, mais il n'empêche que je trouve tout le procédé et la symbolique vachement cool.)

Et, perso, je pense que c'est assez chouette d'avoir l'histoire mythique de l'art du tatouage venu d'être divins du monde des esprits, plutôt que de dire:

- Bah c'est Jojo, un jour il s'est balafré en coupant un bout de fromage, après y'a des cendres du feu qui sont rentrées dans la plaie et il s'est dit : eh, ça a l'air cool en fait!

C'est une question de classe, tu vois.

4 commentaires:

  1. Sa malheureuse épouse, il a quand même dû drôlement la tabasser, le dénommé Matahora.
    Passke, avant la séance de gifles, elle s’appelait "Niwareka". Et après, pif pouf clac , bingo ! elle devient "Niraweka".
    Moi je dis, déplacer deux vertèbres à sa moitié, c'est déjà du lourd. Mais quand il s'agit de deux lettres, et en plus d'un seul coup, ça dénote clairement le sale type :)

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  2. Au fait, il y a aussi un Mataora qui se transforme quelque part en Mataroa, mais heureusement le whakapapa n'a pas interverti ses consonnes, lui, on l'a échappé belle ....

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  3. Bon, pour ma défense, j'ai écrit cet article tard, et la langue Maorie est composée de genre VINGT-DEUX SYLLABES AU TOTAL, c'est une horreur absolue de se souvenir de tous les noms parce qu'ils se ressemblent à mort.
    En tout cas c'est corrigé maintenant, merci! :)

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  4. Dans la même idée si le mec il doit se pendre c'est pas jojo donc je pense que "tu te repenS" serait plus approprié :P

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