vendredi 13 mars 2015

Brève Littéraire


Comme je prends le bus tous les jours, je lis pas mal de bouquins dans le temps de latence.

D’autant que les chauffeurs de bus, comme tous les Kiwis, prennent la vie à la cool, et donc c’est nécessaire d’être concentrée sur autre chose que le voyage si mon petit cerveau germanique ne veut pas faire un anévrisme.

(C’est quand même le premier pays où j’ai vu des bus partir avec dix minutes de retard dès le départ du circuit, parce que le chauffeur était arrivé au terminus, avait garé son bus, et était parti se chercher un café au Mac Do en disant aux passagers qui grimpaient dans le bus « J’en ai pour pas longtemps, installez-vous donc en attendant ».)

(Et les passagers qui répondent « Ah mais bien sûr pas de souci Michel, prends même des frites si tu veux, nous on t’attend, cool concombre, y’a pas de malaise. »)

(Ces gens sont fous.)

Bref.

Donc je lis des bouquins dans le bus, que j’emprunte à la bibliothèque parce que les livres en Nouvelle-Zélande coûtent un million de dollars pièce.

(Bon, c’est pas réellement un million, mais 27 dollars pour un livre de poche, pardon mais c’est pas loin.)

(Pour les curieux qui se demanderaient le pourquoi du comment, c’est parce que le pays est trop petit pour avoir ses propres ateliers d’édition, donc tous les livres vendus en Nouvelle-Zélande sont importés soit d’Australie, soit directement des USA ou de Grande-Bretagne.)

Donc souvent, je vais à la bibliothèque et je prends au hasard des bouquins dans la sélection « le choix des libraires ».

Eh ben laisse tomber comment j’ai trop tiré le tiercé de la déprime ce mois-ci.

D’abord, mi-février, j’ai lu « The Bell Jar » de Sylvia Plath, et bon okay j’aurais peut-être dû me douter que c’était un bouquin déprimant quand la première page du livre te dit « Un mot sur l’auteur : Sylvia Plath a écrit un livre et puis elle s’est suicidée. »



Donc c’est l’histoire d’une jeune femme brillante à qui tout sourit, et puis elle tombe en dépression comme ça d’un coup (mais bon, elle a failli mourir d’intoxication alimentaire et puis ensuite un gars a essayé de la violer, perso à sa place je serais en dépression aussi) et puis bon ça va pas fort fort, mais comme c’est les années 50 on la met dans un asile et on lui fait des traitements aux électrochocs (wouuuuh, ambiance de folie !).

Donc tu comprendras qu’à la fin du livre, j’étais pas vraiment la joie de vivre incarnée.

D’autant que, comme j’étais curieuse, j’ai fait des recherches sur la vie de Sylvia Plath, et j’ai lu qu’elle s’était suicidée peu de temps après que son mari, Ted Hughes (aussi un écrivain) l’ait quittée pour une poétesse…. Qui s’est elle aussi suicidée six ans après Sylvia Plath, et de la même manière.

(Ça donne pas trop envie de se marier avec Ted Hughes, si tu veux mon avis.)

(Genre le gars tellement toxique que chaque femme qui l’approche abandonne toute envie de vivre.)

(C’est un peu le Jean-Jacques Rousseau des temps modernes.)

Bref bref.

Du coup, pour me remonter le moral, je suis passée directement à mon livre suivant : un bouquin d’un auteur Kiwi, Lloyd Jones, qui s’intitule « Mister Pip », et v’là la couverture bien rassurante à base de jolies fleurs et de petits oiseaux :



L’histoire en elle-même se concentre sur la vie d’un petit village de Papouasie Nouvelle-Guinée (sur l’île de Bougainville) et est raconté du point de vue d’une jeune fille, Matilda. Suite à une insurrection de rebelles, les enfants du village se retrouvent avec l’énigmatique Mr Watts comme professeur (car il est le seul Blanc qui reste – tous les autres ont fui le pays). Mr Watts a une grande passion dans la vie : Charles Dickens, et plus particulièrement son roman Great Expectations (De Grandes Espérances).

Donc les trois quarts du bouquin, c’est ça : Mr Watts qui apprend aux enfants de l’île à aimer la littérature. Y’a bien des rebelles armés qui arrivent de temps en temps dans le village, mais les habitants restent dignes et Mr Watts calme les soldats en leur racontant des histoires, c’est très mignon et bon enfant et puis TOUT LE MONDE MEURT.

Sérieusement, au bout de presque deux cent pages de bouquin, et alors qu’on ne s’y attendait plus, les militaires débarquent dans le village, butent Mr Watts,  le découpent en morceaux à la machette et le donnent à bouffer aux cochons.



(Ambiance.)

Donc moi j’étais devant le bouquin en mode « Game of Thrones » (c’est comme ça que j’ai appelé l’action de lire un passage cinquante fois de suite le temps d’imprimer ce qui vient de se passer). Parce que, au milieu du style d’écriture enfantin et optimiste, je t’assure que le coup de se faire découper à la machette tu l’avais pas vu venir.

Et juste quand tu te dis que dis donc c’est devenu sacrement dark d’un seul coup cette histoire, eh ben devine quoi c’est pas fini !

Nan parce qu’après, les soldats chopent la mère de la gamine, la violent sous ses yeux, et puis ils l’emmènent dans la jungle pour se faire également découper et manger par les cochons.




(AHAHA TROP COOL LA VIE.)

Bon, je te rassure, ça finit pas trop horriblement pour Matilda (sans compter les cicatrices émotionnelles qui vont la hanter le restant de sa vie bien sûr), parce qu’elle se fait secourir par des gentils et va vivre en Australie avec son père, et puis elle fait des études universitaires et devient une spécialiste de Charles Dickens.

(D’aucuns diraient qu’elle aurait aussi pu se trouver un boulot utile tant qu’à faire, m’enfin elle a eu une enfance difficile alors c’est bon ta gueule.)

Donc c’était quand même un bon bouquin, et je te le recommanderais si je ne t’avais pas spoilé toute la fin (HA HA !) mais je pense que tu ne m’en voudras pas puisque le livre n’a pas été traduit en français et que, même en anglais, il est assez dur à trouver hors de la Nouvelle-Zélande.

(Fun fact : le bouquin a aussi été adapté en film - sorti en Nouvelle-Zélande uniquement – avec Hugh Laurie dans le rôle de Mr Watts. Je l’ai pas vu mais il parait qu’il est seulement moyen, alors tu rates pas grand-chose.)

J’ai quand même deux mots à dire à l’auteur :

Pardon Lloyd Jones mais je me sens super trahie par ta couverture bleue pâle pleine de petits oiseaux, je m’attendais a une histoire bien mignonne mais tu m’as carrément taclé dans l’estomac avec tes histoires de gens coupés en morceaux, je suis à peu près sûre que c’était le but et je trouve que c’est du génie pur, et franchement je serais bien opé pour lire tes autres bouquins, mais là va falloir me donner un peu de temps pour me remettre de ton POIGNARD DANS LE DOS.

(C’est incroyable comme les écrivains peuvent te faire les pires coups de pute et après tu les aimes encore plus.)

(Je propose qu’on appelle ça le Syndrome George R.R. Martin.)

(Ouais je sais je parle beaucoup de Game of Thrones mais ça fait bientôt un an sans nouveaux épisodes et puis encore au moins deux ans avant The Winds of Winter, alors excuse-moi si je pars un peu en couille, c’est le manque.)

(On se reparlera en Avril et ça ira déjà un peu mieux.)

Bref bref Brejnev.

Après toute cette ambiance « balle dans l’slip », je me suis donc installée pour lire le troisième bouquin que j’avais emprunté pour le mois, et qui était une surprise, courtoisie de l’idée de génie de la bibliothèque et de son initiative « Have a blind date with a book for Valentine’s Day ».

Le principe était simple : la semaine de la Saint Valentin, la bibliothèque a érigé un grand présentoir sur lequel étaient placés des livres enveloppés dans du papier kraft, avec juste le code-barre qui dépassait, et une étiquette qui donnait une vague idée du thème (du genre « love is crazy », « love is a fantasy », « love is cruel » etc.)

Bon.

J’ai jeté mon dévolu sur « love is cold » parce qu’on était en plein dans « la semaine de la canicule » (AKA ce que les Aucklandais appellent les cinq jours dans l’année ou il fait plus de 25 degrés) (il faisait 26 degrés) et je me disais que ça ferait ton sur ton.

Ah ben laisse-moi te dire que j’ai pas été déçue, parce que c’était un polar qui se passait en Alaska et qui commençait cash avec un meurtre d’enfant.



(Joie de vivre.)

Tu me diras, où est le « love » dans tout ça ? Eh ben c’est parce que l’enfant a été tué par sa propre mère (dis donc c’est de plus en plus la fête) et que l’histoire se concentre sur le père qui revient de son déploiement en Irak (oui, hein, y’a la guerre aussi, sinon ce serait trop guilleret) et revit son histoire d’amour en cherchant dans sa mémoire les raisons pour comprendre comment sa femme a pu commettre cet acte.

Sauf qu’ensuite il se met lui aussi à tuer tout le monde durant la quête de sa femme, et puis il la retrouve et ils partent vivre heureux dans la taïga loin de la police, et ah ouais je l’avais pas mentionné mais en fait à la fin on apprend qu’ils sont frère et sœur.


(Ah mais quand je te disais que c’était l’ambiance de ouf, c’était pas de la blague.)

Et tout ça nous amène au dernier livre de la fournée, le clou de la sélection de ce mois-ci : « We Need New Names » de NoViolet Bulawayo.



Et là je vais pas te spoiler parce que ce livre est vraiment super bien écrit et absolument magnifique du début à la fin, et j’espère que tu le liras (et que le monde entier le lira), mais disons juste qu’il commence avec ça :


"When is she going to have the baby anyway? Bastard says. Bastard doesn't like it when we have to stop doing things because of Chipo's stomach. He even tried to get us not to play with her altogether.
She'll have it one day, I say, speaking for Chipo because she doesn't talk anymore. She is not mute-mute; it's just that when her stomach started showing, she stopped talking.
Who put it in there, Chipo? Tell us, we won't tell.
Chipo looks at the sky. There is a tear in her one eye, but it's only a small one."

Voilà voilà.


Donc là, j’ai fini mes bouquins pour le mois (miraculeusement sans me jeter par la fenêtre) (de toute façon toutes les maisons dans ce pays sont au rez-de-chaussée alors ça me ferait une belle jambe), et je retourne à la bibliothèque bientôt pour refaire le plein.

Mais comme j’en ai un peu marre de la déprime, j’ai décidé de faire un appel à témoins :

Cher lecteur, chère lectrice, si tu connais des bouquins qui donnent la joie de vivre, c’est le moment ou jamais de faire tourner les titres, parce que j’en ai un peu ma claque des électrochocs, des enfants congelés, des gens découpés à la machette et des viols sur mineurs.

STOP.

Il me faut des sourires, il me faut des bébés loutres, il me faut de l'amour, il me faut des pandas roux qui jouent dans la neige. 

Donc fais péter les suggestions d’œuvres qui donnent la banane. Ça peut être des livres en anglais ou en français, même en finnois si tu veux (mais par contre faudra pas m’en vouloir pour pas le lire en VO).

Bref, si jamais tu connais un livre qui donne la pêche, c’est le moment ou jamais, fais-toi plaiz, fais tourner la joie et l’amour.

(Après si tu veux on se donne rendez-vous une fois que je l’ai lu et on fera des rondes dans les prairies avec des chatons.)

À vos suggestions !

12 commentaires:

  1. "The perks of being a wallflower" c'est pas joyeux joyeux non plus, mais j'ai adoré. C'est triste mais optimiste. Y'a même le film qui va avec, genre le film qui m'a réconcilié avec les sourcils d'Emma Watson et le vieux rock. Olive you!

    RépondreSupprimer
  2. http://interactive.nydailynews.com/2015/03/game-of-thrones-calendar/index.html


    Pour patienter avant l'arrivée de GOT ^^

    RépondreSupprimer
  3. "Je te vois reine des quatre parties du monde", Alexandra Lapierre
    "La Horde du Contrevent", Alain Damasio
    "The World according to Garp", John Irving
    "The Earth's Children", Jean Auel

    RépondreSupprimer
  4. Ayant vécu deux ans en Finlande, je ne te conseille pas trop les bouquins en finnois : ils sont spécialistes de la mélancolie…
    Sinon merci pour ce superbe blog qui me fait rire à chaque fois que je le lis :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce serait oublier "Les sept frères" d'Aleksis Kivi, qui en plus d'être un pilier de la littérature finnoise est très drôle avec plein de chouettes dialogues et des situations burlesques :-)

      Supprimer
  5. J'ai lu récemment "L'analphabète qui savait compter" de Jonas Jonasson. Le truc fait 500 pages mais il est tellement addictif que je l'ai lu en une après-midi et c'est le Bien, il est bien écrit (enfin j'ai lu la traduction française parce que le suédois, bon), et super drôle !

    RépondreSupprimer
  6. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  7. Mon dernier en date c'est Les Vieilles de Pascale Gautier, qui démonte les clichés sur la vieillesse tout en étant très poétique je trouve. Ça se passe dans une ville de vieilles à l'horizon de la fin de l'humanité et c'est à la fois drôle et touchant. Bref, je recommande.

    RépondreSupprimer
  8. Y'a aussi Le Club des incorrigibles optimistes. C'est pas totalement la joie permanente mais dans l'ensemble ça va, et c'est un livre que j'ai refermé avec l'envie de le partager avec le monde entier. Tu sais comme les gens qui mettent leurs livres sur des bancs ou dans des boîtes dans la rue pour que d'autres gens les lisent (mais j'ai du mal à faire ça avec mes livres à moi encore)
    Et peut-être que tu l'as déjà lu mais Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, qui est presque aussi drôle que le titre

    RépondreSupprimer
  9. N'importe quel Terry Pratchett que tu n'aurais pas encore lu? Bon, c'est triste parce que l'auteur vient juste de mourir mais, ses bouquins n'en sont pas moins hilarants. (et même les plus sombres du lot se terminent généralement avec le sourire)

    RépondreSupprimer
  10. Les ouvrages de Dany Laferrière, dont les titres seuls sont déjà une rêverie :
    L'art presque perdu de ne rien faire
    Je suis un écrivain Japonais
    Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer
    Chronique de la dérive douce...

    Merveilleux.

    RépondreSupprimer
  11. Récemment j'ai bien aimé le roman de Elisabeth Kostova, "The Historian". C'est sur les vampires et leur possible ancrage dans l'histoire (dans une lignée type DaVinci Code, des données historiques, artistiques, et un peu de fantastique). :)

    RépondreSupprimer