lundi 8 juin 2020

Vis ma vie de mère au foyer


Et donc ça y est, c'est le déconfinement, tout le monde est dehors, tout le monde retourne au travail.

SAUF MOI.

Moi, gentille bobonne qui reste coincée dans les années pré-mai 68 au milieu des couches sales et des piles de lessive, parce que ma crèche est toujours fermée.

- Ah bon, mais comment ça se fait?

Me dit le PUTAIN D'UNIVERS ENTIER quand je leur explique que je n'ai pas repris mes cours.

EH BEN JE SAIS PAS FIGURE-TOI.

Tout ce que je sais, c'est qu'en mai, j'ai reçu un e-mail me disant "On n'est pas sûrs de rouvrir en juin, on vous tient au courant", et qu'ensuite c'était silence radio total jusqu'au MARDI 2 JUIN, où j'ai reçu un autre e-mail me disant "Au fait, on n'est toujours pas rouvert pour le mois de juin", SANS DÉCONNER DIS DONC.


L'e-mail ne disait pas pourquoi la crèche ne rouvrait pas, mais me donnait quand même une liste des assistantes maternelles encore disponibles dans la vallée ("encore disponibles" = les meufs cheloues dont personne ne veut en temps normal), ce qui de toute façon ne me sert à rien vu que j'ai deux bébés et que toutes les nanas listées n'ont plus qu'une place de libre.

- Ouais mais de toute manière c'est mieux comme ça, moi j'aime pas l'idée de les mettre chez une nounou qu'on connaît pas. Au mieux, elle est géniale, ils s'attachent à elle, et après quand on les remet à la crèche ils sont tristes, et au pire, elle s'en occupe mal.

Est intervenu Professeur Flaxou le bon parent, qui en a encore quelque chose à foutre de l'éducation de ses mômes, et franchement bravo à lui parce que moi j'ai jeté l'éponge début mai.

(Sérieusement, je m'en bats les couilles, je file mes bébés à n'importe qui.)

(Faites-les regarder Cyril Hanouna toute la journée, droguez-les au Toplexil, mettez-leur Cannibal Holocaust à l'heure du goûter, donnez-leur des petits couteaux et faites un Fight Club de bébés, sans déconner j'en ai plus rien à carrer, juste PRENEZ-LES UNE JOURNÉE COMPLÈTE.)

Et donc, alors que le monde entier revient à la vie, je reste encore coincée dans ma routine de purées, couches, rangement, nettoyage, lessives, cuisine, biberons, vaisselle, et la même promenade en poussette tous les jours, et sérieusement pendant des siècles et des siècles tu naissais femme et c'était ça ta vie? TOUTE ta vie? Juste ça?

Mais là je juge un peu les générations précédentes pour pas avoir fait la révolution féministe plus tôt, hein.

Non parce que clairement, il faut une certaine trempe pour s'épanouir dans une vie pareille, et chapeau aux meufs qui y parviennent, parce que moi je suis en train de mourir à petit feu sans mon travail, Simone de Beauvoir avait raison.


Alors, je ne dis pas que cette vie n'a pas ses avantages : c'est vrai qu'il y a des moments où je suis super heureuse d'être à la maison pour voir mes petits bouts de chou évoluer de jour en jour – d'autant qu'ils sont à un stade où il y a quelque chose de nouveau quasiment tous les jours.

Depuis le début du confinement, ils ont appris à s'asseoir, à se mettre debout, à marcher avec leurs trotteurs, à jouer à la balle, à faire "tope là", à faire coucou de la main, à manger des morceaux solides, à dire des mots, et attends je t'ai pas dit le meilleur mais AUGUSTE A UNE DENT!



Bon, après, plus haut, j'ai dit "dire des mots", mais c'est quand même un peu approximatif. Disons qu'ils maîtrisent bien l'usage du "maman", et que j'ai pu constater empiriquement que "ba-ba" veut dire "papa" (puisqu'ils ne savent pas encore faire le son "p") mais pour le reste, c'est beaucoup de devinettes. Quand je mets Auguste dans les bras de ma grand-mère et qu'il dit "mah-meh", est-ce qu'il veut vraiment dire "mamie", ou bien est-ce que c'était juste une syllabe au hasard, comme ça?

Par contre, quand je leur donne un truc qu'ils aiment, ils disent "miam-miam" et ça c'est systématique, donc bravo, j'ai des enfants qui ne savent pas dire "mamie" mais qui savent dire "miam-miam", est-ce que vous vous foutez pas un peu de notre gueule?

Voilà, c'est ça les trucs sur lesquels je cogite maintenant. Alors je pense que tu as bien compris à quel point ça devient impératif pour moi de reprendre le boulot.

J'ai déjà repris deux cours, avec l'aide de la famille qui vient ponctuellement en renfort, mais je ne peux pas non plus trop leur en demander, vu que :

- les oncles et les tantes travaillent (et doivent gérer leurs propres enfants)
- une mamie travaille à temps plein
- une mamie travaille à mi-temps, mais a mal au dos et ne peut rien soulever
- un papy est à la retraite, mais tout seul (donc difficile de gérer deux bébés)
- un papy est à la retraite avec sa femme, mais souvent en vacances maintenant que le confinement est levé.

Heureusement, j'ai la chance d'avoir des parents et beaux-parents hyper impliqués et qui n'hésitent pas à sacrifier leurs jours de congé, leurs projets, voire leur dos si je les laissais faire (n'est-ce pas MAMAN), ce qui fait que j'ai rarement à devoir passer une journée entière seule à gérer les deux gobelins.

Et malgré ça, je pète quand même les plombs!

Non mais t'imagines comment j'aurais fait une trop mauvaise épouse dans les temps anciens?

- Bonsoir ma mie! Qu'il est bon de retrouver la douceur du foyer après une longue journée de trav....
- OH MAIS VAS-Y FERME TA GUEULE!
- Mais... ma mie...
- TIENS, TU PRENDS TON CON DE MÔME ET TU LE JETTES PAR LA FENÊTRE SI CA TE CHANTE, MOI JE VAIS PRENDRE L'AIR!
- Mais... et le dîner?
- EH BEN BOUFFE TA BITE!

Et la cerise de crotte de nez sur ce gâteau de caca, c'est que je ne sais pas quand la crèche va rouvrir! On sait déjà qu'elle sera fermée tout le mois de juin, mais on est dans le noir total concernant la suite des événements, et perso, ça m'étonnerait fort qu'elle rouvre en juillet ou en août, étant donné que c'est la période où tout le monde prend ses vacances.

Donc là, je suis doucement en train d'essayer de me faire à l'idée que je ne vais probablement pas travailler avant septembre.

Je ne vais pas revoir mes élèves avant septembre.

Je ne vais pas avoir de journées libres, à moi, avant septembre.

Je ne vais pas pouvoir aller faire les magasins, donner du plasma, flâner à la bibliothèque, faire une balade en forêt, bruncher avec une copine ou aller manger des sushis, avant SEPTEMBRE.

(Et si d'aventure quelqu'un serait tenté de me dire "Ah mais tu peux faire tout ça, il suffit d'emmener tes bébés!", LOL.)

(Peut-être que tes bébés à toi sont différents, ou peut-être juste que tu es un meilleur parent que moi, mais mes bébés, ce sont des agents du chaos, et je les emmène nulle part, jamais.)


(Mes enfants dans leur poussette, une illustration.)

Alors, lecteur, lectrice, prie avec moi les anciens Dieux des mères au foyer, pour une prompte réouverture de la crèche.

Hestia, Frigg, Vesta, les Domovoy et les Kobold, soyez sympa, laissez-moi retourner à ma vie de membre productif de la société. Et, en attendant, je vous prie pour que vous m'accordiez des petits moments de paix. Des moments sans vomi à ramasser, sans bave à éponger, sans gencives à masser, et sans bobos à consoler.


(Et aussi, si vous pouviez jeter un sort de bienveillance sur mes enfants pour qu'ils arrêtent de nous refaire des scènes de Mad Max avec leurs petits trotteurs, ce serait cool, merci, bisous.)

1 commentaire:

  1. Alors je vous rassure,je ne connais pas une mère qui n’a jamais eu envie de filer ses mômes à la DDASS.Ensuite,dans les temps anciens les gamins étaient emmaillotés dans des langes façon momie pour qu’ils gigotent pas trop,et le tout parfois fixé par un clou à une poutre pour que les rats les bouffent pas.D’ailleurs,l’espérance de vie des gaminous était courte: pas de surveillance,beaucoup d’accidents domestiques.( j’ai entendu perso l’histoire d’un gamin qui s’est fait bouffer un bras par un porc(!).Et bravo,vous me faites toujours beaucoup rire.Bon courage.

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