dimanche 20 mai 2012

L'oiseau-tonnerre, ou pourquoi les Indiens fumaient des drôles de calumets.



(Maintenant, Petite-Louve va scalper Fourmis-dans-le-slip. Mais arrête de pleurer, c'est pour rigoler!)


Quand j'étais petite j'avais pas d'amis (à part les arbres et les hérissons) alors je lisais beaucoup. Et mes histoires préférées, c'étaient les contes et légendes du monde entier.


Je passais mes journées à la bibliothèque de Kaysersberg, parce qu'ils avaient la collection complète des contes et légendes de chez Fernand Nathan. T'avais un bouquin par région de France (je suis imbattable sur les dahus et autres vouivres), t'avais les récits antiques genres légendes des anciens Egyptiens, Assyriens, Babyloniens et autres Carthaginois (mais j'ai retenu que les histoires d'Egypte antique, parce que je voulais devenir égyptologue - et aussi parce qu'il y a des histoires sévèrement tordues dans la mythologie égyptienne, c.f. l'histoire d'Osiris que Saper et Lipopette vous contera mieux que moi). Mais mes bouquins préférés, c'était les contes et légendes du monde. Y'avait à peu près tous les pays du monde, et je les ai tous lus (ben oui mais j'avais pas d'amis alors on fait ce qu'on peut).


Et mon livre préféré de chez préféré, c'était celui avec les légendes des Indiens d'Amérique. 


D'abord parce que je me sentais proche de leur philosophie, vu que moi aussi je tapais la discussion avec de la mousse et des cailloux, telle une mini-Pocahontas. Et puis aussi parce que j'aimais bien jouer aux Indiens avec mes cousins parce qu'on pouvait attacher les petits à des poteaux et leur couper des mèches de cheveux (tu comprends pourquoi j'avais pas d'amis?). Et puis, surtout, parce que les Indiens d'Amérique, ils avaient des histoires sérieusement perchées. 


De ce livre, je n'ai gardé qu'une seule légende en tête, c'était celle de l'origine du lapin, que je vous avais contée sur ces pages il y a fort longtemps. Et pendant des années, j'ai cherché ce bouquin partout pour pouvoir vous montrer les super légendes qu'il y a dedans (et aussi pour un petit bol de nostalgie, mais je vais pas te raconter toute ma vie non plus, hein).


Et, il y a quelques semaines, au marché aux livres de Strasbourg, ce fut l'illumination.



(Merveille parmi les merveilles.)


Et, en relisant ce bouquin, j'avoue, j'ai bien rigolé. Parce qu'à l'époque, y'a des choses qui m'avaient un peu échappé.


Genre, les Indiens d'Amérique étaient des gros racistes, c.f. leurs deux légendes pour expliquer pourquoi les hommes ont différentes couleurs de peau : dans la première, c'est quand Manitou décide de créer l'homme et qu'il fait de la poterie humaine qu'il oublie au four :




(ambiance)


Et la deuxième, c'est celle qui explique que les humains sont tous venus se laver dans la même source, mais qu'il ne restait plus d'eau pour les noirs et qu'ils sont donc restés sales :





(Mais je vous rassure, ils sont racistes avec les blancs aussi, pas de jaloux!)

Et pour d'autres légendes, j'ai juste rigolé parce que bon, je sais pas trop ce qu'ils mettaient dans leurs calumets, les Peaux-Rouges, mais je pense que c'était de la bonne.


Par exemple, laisse-moi te conter la merveilleuse histoire de l'oiseau-tonnerre.


C'est une légende typique : comme à l'époque les Européens n'avaient pas encore amené aux Indiens la civilisation, la science et la variole, leur connaissance des phénomènes naturels était un peu sommaire. Du coup, ils inventaient des histoires pour les expliquer. Donc, dans cette histoire, l'orage est un oiseau gigantesque, assez grand pour obscurcir le soleil : le tonnerre, c'est le bruit que font ses ailes en battant, et les éclairs sortent de ses yeux.


Bon, déjà, faut m'expliquer en quoi le bruit du tonnerre ressemble à un battement d'ailes. Même de très très grosses ailes. Mais bon, passons.


L'oiseau-tonnerre déchaîne donc des orages, et, de temps en temps, il emporte des humains pour les donner en pâture à ses petits, dans son aire qui se trouve sur le plus haut sommet de la plus haute montagne de la plus lointaine région, par-delà forêts verdoyantes, déserts rougeoyants, et océans... bleugeoyants? (Bon tu vois le topo, j'te fais pas un dessin).


Alors on peut s'imaginer que les Indiens chercheraient à se défendre contre le monstre qui bouffe des humains. Mais non! Non non non! Les Indiens restent assis les bras croisés en attendant qu'on leur enlève leurs proches, pour deux raisons bien connes :


1) Tout le monde pense que le monstre est invulnérable.


Ah ouais, OK, si tout le monde le dit ça doit être vrai. Et si tu dis trois fois Bloody Mary devant ton miroir elle vient t'arracher les yeux, et si tu ne copies pas ce message sur ton mur Satan viendra exterminer ta famille. 


(Nous avons résolu le mystère des gens qui font tourner ces messages sur Facebook : ils ont du sang Cheyenne.)


Sérieusement, les mecs? On a même jamais vu cet oiseau, mais on part du principe, comme ça, qu'il est invulnérable? Ça sent l'excuse à deux balles, quand même.


- Vite! L'oiseau-tonnerre a emporté ton fils! Il faut le sauver!
- Oh, là, maintenant? Mais j'étais devant le feu de camp, là! En plus je viens de me rouler un p'tit calumet... 
- On fait quoi alors?
- Boh, j'ai d'autres enfants, hein.
- ...
- Une taffe?


Et l'autre raison, c'est :


2) "On savait (ah, ça c'est bien, au moins on en est sûr) que, s'il se mettait en colère, il lâcherait ses oeufs qui tomberaient, détruisant les wigwams".


OH PUTAIN.


T'as compris ce que je viens de comprendre? T'as compris qui c'est, l'oiseau-tonnerre? 


(Ma vie entière est un mensonge!)


Il fait moins peur, d'un seul coup, l'oiseau-tonnerre. (Bon, et en plus, cette histoire d'oeufs, c'est n'importe quoi. S'il s'occupe de ses petits en leur apportant des humains à bouffer, c'est pas pour casser tous ses oeufs sur les maisons des Indiens dès qu'ils lui titillent le bout des plumes.)


Bref, passons à la légende proprement dite.


Le héros de l'histoire (il en faut bien un) est un chasseur Indien, réputé pour son courage, sa bravoure et sa prudence, et nommé Michebigoutoung.


QUOI? MAIS QUOI??!


Michebigoutoung? 


T'es sérieux, là? Michebigoutoung?! Non mais c'est pas possible, un nom pareil!C'est pire que quand le Thaïlandais a gagné la Palme d'Or! 


Non mais Michebigoutoung! C'est pas un nom de héros Indien, ça! Appelle-le Aigle Valeureux ou Petit Nuage, mais l'appelle pas Michebigoutoung! Michebigoutoung, quoi! On dirait que tu l'as nommé d'après le bruit d'un vélo crevé! C'est pas possible!


(Plus je répète ce nom et plus je rigole devant mon PC. Mes voisins me trouvent bizarre.)


Bon, calmons-nous. L'histoire.


Un jour, Michebigoutoung (putain c'est pas possible) revenait de la chasse, quand il voit une grande ombre s'étendre au-dessus de lui. Il entend le bruit des ailes de l'oiseau géant (le tonnerre, donc, pas du tout comme un bruit d'ailes, c'est pas grave, grosse ficelle comme dans les films de Michael Bay) et il se sent soudain happé, soulevé, et emporté à une vitesse prodigieuse en direction de l'Ouest. C'est là qu'il comprend qu'il est la proie de l'oiseau-tonnerre.


(Eh ben, il est peut-être brave, mais c'est pas une flèche.)


L'oiseau l'amène sur le plus haut sommet de la plus haute montagne et je vais pas répéter tout mon paragraphe d'avant, et il le dépose dans son nid pour se faire manger par ses petits. Par chance, Michebigoutoung a toujours son arc, ses flèches, et son trident de pêche, et il se défend contre les bébés oiseaux, réussissant même à en tuer quelques-uns.


(Ah bravo, tuer des enfants, c'est charmant.)


Et là, alors là, c'est le moment où tu comprends pourquoi, dans la description de Michebigoutoung, on ne mentionne pas sa grande intelligence. Parce qu'il prend la décision la plus n'imp nawak de l'histoire des Indiens d'Amérique (encore plus n'imp que de dire "Eh, prenons ces couvertures que nous donnent généreusement les Blancs qui veulent nos terres, y'a sûrement pas d'entourloupe"). T'es prêt?


Alors il s'enroule dans la peau d'un des bébés oiseaux, et... il se jette dans le vide.


Oui oui, parfaitement. Il se jette du plus haut sommet de la plus haute montagne, enveloppé dans une peau de bébé oiseau.


Darwin Award, là, quand même, on est d'accord?


Et attends, c'est de mieux en mieux! Grâce à la peau, il se sert des ailes pour VOLER JUSQU’À CHEZ LUI!


Passons sur le fait que si porter une peau d'oiseau suffisait à te faire voler dans les airs, j'imagine que ça se saurait, mais même : c'est une peau de BÉBÉ oiseau! Un bébé oiseau n'a pas de plumes! Il ne peut PAS voler! 


(Pendant ce temps-là, la brigade des Stups du Far West fait une perquisition chez les conteurs de légendes indiennes.)


Et donc l'histoire finit bien, puisque les Indiens, une fois alertés de la présence de futurs autres oiseaux-tonnerre, se sortent enfin les doigts du cul comprennent le danger qui les menace et n'hésitent plus à lancer des flèches aux oiseaux-tonnerres lorsqu'ils passent à proximité de leurs villages, ce qui explique pourquoi, aujourd'hui, ils ne descendent plus assez bas pour qu'on puisse les voir.


(Et peut-être que maintenant ils vivent tous aux Bermudes et que les avions qui disparaissent, c'est ceux qui se mangent un oiseau-tonnerre.)


(T'imagines un oiseau géant sur un avion? Ça doit pas faire du bien aux réacteurs, c'est moi qui te le dis.)


(En fait, là, je viens de comprendre le début de la série Lost.)

4 commentaires:

  1. comme toujours, j'ai bien ri! et puis, sympa tes p'tites lectures d'enfance ;-)

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  2. Non mais sans rire le prénom? J'étais morte de rire à chaque fois que tu le remettais ^^
    Et sinon ça ne choque personne qu'un indien d'1m90 (ouai je les imagine grand les indiens!) rentre dans la peau d'un bébé oiseau sans plume? hum hum ^^

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  3. @Pti baton : Bah, c'est sûrement un gros oiseau (faut quand même qu'il enlève des humains, et je vois mal un oiseau du gabarit d'une mésange le faire), du coup il a des gros bébés :)

    Sinon, très comique, comme toujours ! :)
    A la maison, on a "Contes et légendes de Bretagne" (tu l'as lu ?^^), mais par contre, j'ai jamais réussi à le finir. Pourtant, j'aime les contes et légendes, hein, mais j'sais pas, j'ai pas accroché avec les Bretons.

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  4. On s'en bat les couilles. ^^

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