Et donc je suis partie en Nouvelle-Zélande.
Tout le monde arrêtait pas de me dire à quel point c’était
trop cool que je parte, sauf qu’ensuite, plus ils posaient de questions, plus
ils avaient l’air sceptiques quant à ma santé mentale :
- - Et donc t’as déjà un appart là-bas, et
tout ?
- - Ah non non, on n’a rien encore.
- - Ah, vous logez chez des amis ?
- - Non plus, non. On connaît personne là-bas, en
fait.
- - Ah. Et du coup vous allez vous installer où,
Auckland ?
- - On sait pas.
- - Mais… ton boulot, il sera où ?
- - On n’a pas de boulot.
- - …..
- - Mais je vais voir le village des Hobbits !
Professeur Flaxou et moi avons donc passé nos derniers jours
en France à se préparer intensément à dire au revoir avec force larmes et chouineries
à tous les gens qu’on connait, et à se faire ensevelir sous des tonnes de
bouffe par tous les gens qui nous aiment (j’ai pris genre 3 kilos rien que la
dernière semaine) (et ma mamie est responsable d’au moins deux d’entre eux).
(Elle croit que je pars en Barbarie parce que je lui ai dit
qu’il y avait pas de Munster en Nouvelle-Zélande, du coup elle a passé son
temps à me nourrir de tous les mets de son répertoire « parce que dans ce
pays de dégénérés, à tous les coups, ils ont même pas de poitrine farcie,
rends-toi compte »).
Après tous les au revoirs à rallonge, il nous restait donc
très exactement 5 heures pour faire les bagages avant le grand départ. C’est le
seul moment où j’ai réellement stressé : le moment où j’ai réalisé que 20
kilos de bagages, ça veut dire faire un tri EXTREME dans mon armoire.
Et Professeur Flaxou n’était pas d’une grande aide :
- - Mais vire-là, cette robe, t’en as pas
besoin !
- - Mais elle me va tellement bien !
- - Tu la mets jamais !
- - Mais pas parce qu’elle me va pas !
- - Ben pourquoi alors ?
- - Ben ! Parce qu’elle est trop classe pour mettre
juste comme ça.
- - Mais par quelle logique est-ce que tu veux
emmener un vêtement trop classe pour être mis au quotidien ?
- - Mais… imagine si on est invités à un
mariage !
En fait, heureusement qu’il était là, Professeur Flaxou.
Parce qu’à 78 euros le kilo supplémentaire, on pouvait pas exactement se
permettre un excédent de bagages.
(Mais quand même. Demander à sa femme de n’emmener que 4
paires de chaussures pour déménager à l’autre bout du monde, c’est presque de
la violence conjugale.)
Et ça n’allait pas mieux avec les autres choses que j’ai dû
abandonner : mon T-Shirt Reservoir Dogs, ma culotte Pirate des Caraïbes
que j’avais depuis mon premier voyage à Paris (oui, elle était UN PEU vieille,
okay), mon super gilet qui était moche mais tellement confortable et chaud, mon
vieux pull qui sentait comme la maison à Kaysersberg, mon jean troué avec les
poils de mon chat dessus. Mon pull que j’avais mis la veille et qui sentait
encore le savon de bébé parce que ma nièce s’était endormie dans mes bras quand
on regardait Big Bang Theory (je veux qu’elle sache que la science c’est cool),
et que j’étais restée deux heures sans bouger pour pas la réveiller.
Mais au final, et sans que je sache vraiment comment ça
s’était fait, les valises étaient prêtes, les papiers étaient en ordre, la
voiture était vendue, et le reste de ma vie tenait dans cinq cartons entassés
soigneusement par Papy dans la cave de la maison de Kaysersberg.
C’était le moment.
Le plus bizarre, c’est que je pensais que la nuit avant le
départ, j’allais pas réussir à fermer l’œil. J’ai pas pu dormir les nuits
précédant les événements respectifs suivants :
- * Mon premier jour en tant que prof à la fac
- * Mon premier jour de stage de fin de Master
- * Ma soutenance de mémoire
- * La sortie cinéma du Retour du Roi
Donc t’imagines un peu qu’avec le cocktail explosif de
tristesse, d’excitation et d’insécurité que constitue ce voyage, je m’imaginais
debout toute la nuit.
En réalité, à 22 heures, j’ai commencé à piquer du
nez ; je suis rentrée à l’hôtel, je me suis couchée, j’ai pensé
« faut que je mette un réveil pour demain », et c’est la dernière
chose dont je me souvienne.
Je pense que j’avais accumulé tellement de stress en douce
et de sommeil en retard que, une fois au pied au mur, tout s’est évaporé. La
tristesse de quitter ma famille et mes amis pour un temps indéterminé. Le fait
de se dire qu’on ne savait pas du tout où on mettait les pieds, ce qu’on allait
faire, où on allait aller, si on allait trouver du boulot. Le stress d’essayer
de caser toutes les choses qui m’étaient chères dans une valise de 20 kilos. Même
l’excitation du départ.
Tout s’est évanoui dans les 20 mètres carrés de la chambre
d’hôtel, et j’ai dormi du sommeil du juste jusqu’à la sonnerie du réveil (de
Professeur Flaxou, sinon je dormirais encore).
Le matin, j’ai pris ma douche, j’ai enfilé mes chaussettes
de contention (oui, comme une vieille dame, parfaitement, mais bon, si on n’a
pas fait 25 heures d’avion, on se tait) et on est partis pour l’aéroport.
Je redoutais un peu de passer 12 heures d’affilée dans un
petit habitacle avec plein de gens potentiellement chiants, mais je dois avouer
qu’on a eu un bol de malade sur ce voyage. On n’a eu AUCUN des désagréments
typiques de l’avion, type :
· * Bébé qui pleure
· * Turbulences
· * Toilettes bouchées
· * Gens qui vomissent
· * Connards devant toi qui reculent leur siège au
maximum
· * Retard de l’avion et panique à bord pour les
correspondances
· * Temps pourri et du coup tu vois rien à travers
le hublot alors que, merde, t’as payé pour la place avec un hublot EXPRES.
En plus, on a eu genre six repas en 24 heures (parce qu’ils
nous servaient à manger dès qu’on traversait deux fuseaux horaires), c’était un
peu comme une bande-annonce de la vie chez les Hobbits.
Et les repas, la vie de ma mère je te jure c’était bon. Pas « bon »
genre « mamie », mais « bon » comme dans « j’ai la
flemme de cuisiner alors j’achète un truc Sodebo ».
(Ce qui est déjà une énorme amélioration, la bouffe d’avion
étant précédemment reconnue comme étant « bonne » comme dans « j’ai
vomi des choux de Bruxelles en boîte et maintenant je vais te les faire manger ».)
(Là on avait plutôt l’impression d’être dans une cantine, et
pas dans un des volets de Saw. C’était cool.)
Ensuite on a eu une escale de deux heures à Kuala Lumpur, il
faisait 27 degrés alors qu’il était cinq heures du matin en novembre, NORMAL.
(Et l’aéroport avait la clim, alors je te laisse un peu imaginer comment c’était
dehors.)
Dehors ça avait l’air carrément chouette avec de la jungle et
des palmiers, mais comme on n’avait que deux heures d’escale, on n’avait pas le
droit de sortir du terminal.
(Nan mais le terminal c’est bien aussi, hein. Des barres de
Toblerone en duty-free, trop dépaysant.)
Et puis c’était reparti pour douze heures de vol.
A ce stade, j’avais dormi deux heures dans l’avion d’avant,
et j’avais décidé (pour ne pas être trop décalée de la vie) de me forcer à
rester éveillée tant qu’il ferait jour dehors, comme ça, en arrivant à Auckland
(à une heure du mat’) je pourrais bien dormir la nuit, au lieu de rester
allongée dans mon lit d’hôtel à me dire « putain mais j’ai pas sommeil il
est midi bordel de merde ».
Alors bon, c’était une bonne idée à la base.
Sauf pour un truc qu’il faut savoir avec moi :
quand je n’ai pas mes huit heures, je deviens légèrement
GROGNON.
- - Ladies
and gentlemen, welcome aboard this Malaysian Airlines aircraft….
- - Putain de compagnie de radins de merde.
- - The
emergency exits are located at the front….
- - Vingt kilos de bagages, vingt kilos de bagages !
T’as peur de quoi, t’as peur qu’on s’écrase ?
- - You’ll
find your life jackets under the seats…
- - Et 78 Euros par kilo supplémentaire, mais
fous-toi de ma gueule.
- - In
case of an emergency landing…
- - Et ta mère, Ping-Pong, elle fait combien de
kilos en supplément ta mère?
(Bon, il faut aussi préciser que je n’avais pas encore
complètement fait mon deuil de toutes les jolies robes que j’avais dû abandonner
parce que trop jolies mais pas ultra pratiques.)
(Mais une Vero Moda presque neuve, quoi.)
(En plus elle me faisait des nichons de ouf.)
Et puis c’était l’heure de l’arrivée à Auckland, quand j’ai
senti mon cœur se serrer sur la piste d’atterrissage parce que ça y était, c’était
le moment où je me rendais enfin compte que c’était vrai. Après tellement d’années
à en rêver, j’étais vraiment en Nouvelle-Zélande. Et c’était pas un pays
imaginaire, c’était un vrai pays physique avec des gens et des routes et tous
les lieux les plus formidables du monde, mais dans un seul pays, et c’est trop
génial, et Professeur Flaxou a accepté de venir avec moi, il est trop génial,
tout est trop génial, même le tapis roulant dans l’aéroport, trop génial, TROP
GENIAL.
(C’était un peu mon état d’excitation à mon arrivée dans le
terminal.)
Après, on a passé les contrôles de l’immigration et des
bagages, et c’est là que j’ai constaté pour la première fois une constante
Néo-Zélandaise qui n’en finit pas de m’étonner : la CONFIANCE.
Mon type de visa (Working Holiday) est électronique : c’est-à-dire
que je n’ai pas de visa « papier » avant mon arrivée en
Nouvelle-Zélande, juste un code de confirmation à donner à l’agent de l’immigration
(qui te donne ensuite un petit tampon tout pourrave sur ton passeport, et hop,
ça fait comme un visa).
Par contre, comme c’est un visa d’un an, tu as le choix
entre prendre un billet d’avion aller-retour, ou prendre un aller simple,
mais imprimer un relevé de compte prouvant que tu disposes des fonds suffisants
pour t’acheter un billet retour.
Et, non seulement c’est une idée vraiment débile (quelle
garantie que la personne ne va pas dépenser tout son argent et décider de se
faire expulser ensuite pour économiser 1000 € ?), mais en plus, la nana de
l’immigration n’a même pas vérifié mon papier de la banque ! Elle a même
pas vérifié mon code de visa non plus ! Elle a juste scanné mon passeport,
tamponné ton tampon moche dessus, et dit « Welcome to New Zealand, next !
», et c’était fini pour l’immigration.
Et pour le contrôle des bagages, c’était pareil : sacs
aux rayons X, et là :
- - Madame, vous avez des boîtes de médicaments
là-dedans ?
- - Non, c’est pas des médicaments, c’est mon stock
de un an de pilule.
- - Ah bon d’accord, bonne journée !
(Qu’on se le dise, ça semble facile d’être une mule en
Nouvelle-Zélande.)
Et puis on a pris le taxi jusqu’au Formule 1 (grave
dépaysant), et j’ai enfin passé une bonne nuit de sommeil, malgré le confort de
la chambre, disons, spartiate :
- - Mais y’a pas de gel douche ?
- - Juste une savonnette.
- - Mais y’a pas de shampooing ?
- - Ben t’auras les cheveux moches.
Et comme c'est ma pire anecdote de tout le voyage, je pense
qu'on peut dire EPIC WIN !
(Même si c’est quand même horrible de se laver les cheveux
avec une savonnette.)
(Ma vie est trop difficile-an.)
Voilà, petit lecteur, c’est tout pour le moment. Le reste du
voyage pour le moment se résume à des trucs chiants, genre ouverture de compte
en banque et tout le tralala, MAIS MAIS MAIS, Professeur Flaxou et moi venons d’acquérir
une SUBLIME Ford Festiva de 1997 (ouais, mais le billet d’avion, il coûtait
cher, hein), et du coup, les prochaines nouvelles que tu auras de moi te viendront
de la route des vacances !
(Ca se sent que je suis enthousiaste ?)
(Parce que je le suis.)
PS : Au fait, ici c’est l’été, il fait 23 degrés. (Si t’étais
pas encore jaloux, c’est le moment.)
Bouhouhouhouhouuu tu me manques! Mais j'adore le fait d'avoir un article et j'adore le fait de t'avoir parlé samedi soir (donc dimanche matin pour toi). Profite de tes deux semaines à l'aventure et fait attention, ils ne roulent pas dans le même sens la bas!
RépondreSupprimerNous avons une amplitude thermique de 38 degrés, pas mal :D
RépondreSupprimerBon courage pour la suite et profitez bien de ce nouveau départ !