dimanche 26 avril 2015

Brève immobilière



(Mon idée de "faire les cartons")

Et donc nos colocs attendent un heureux événement.

(Ça veut dire "un bébé".)


(Apparemment, quand tu as passé 30 ans, avoir un bébé est un truc qu'on félicite, et "Haaan ça craint!" n'est plus une réponse acceptable à la nouvelle.)


(Prenez note.)


Donc on a décidé de partir, parce qu'on pressent un sacré bouleversement dans le rythme de vie de la maisonnée. Ce qui est normal, en soi, puisqu'un qu'un bébé, ça change tout.


Sauf que le changement, tu le supportes beaucoup plus facilement quand c'est TON gamin.

Et en discutant avec Maria, j'ai vite compris que ce ne serait pas possible de rester longtemps. Surtout au moment où j'ai entendu le mot "couches lavables":


- Mais pourquoi les couches lavables, au fait?
- Parce que l'être humain naît avec un dégoût naturel de la saleté. Seulement, avec les couches en plastique, les bébés marinent dans leur pipi et leur caca, et ils s'habituent. Du coup, après, c'est plus difficile de leur apprendre à être propres.
- Admettons, mais en quoi les couches lavables vont changer ça?
- Parce que je ne vais pas utiliser des couches. Je vais utiliser des langes en tissu.
- Ah. A l'ancienne, quoi.
- C'est ça. Du coup, dès que le bébé fera pipi, le lange va fuir.

OOOOKAY.


- Mais c'est pas très pratique, non?
- Ben justement, ça va nous motiver à changer le bébé tout de suite, comme ça il ne restera jamais mouillé.

C'est une idée.

(Je sais pas pour toi, mais moi je leur donne deux semaines.)


Et avant d’aller plus loin, je tiens à préciser: je m'en fous de comment les autres gens élèvent leurs gamins. Ça ne regarde qu'eux et c'est leur prérogative en tant que parents.


Seulement, c'est plus difficile d'être détaché des décisions éducatives desdits parents quand tu dois partager une maison avec eux.


Alors, quand j'ai entendu que Richard et Maria avaient décidé de vivre sans babyphone (parce que c'est pas naturel, donc ils laisseront la porte de la chambre ouverte en permanence), que le bébé aurait un lit sans barreaux (parce que ça le traumatiserait trop de vivre dans une prison) et qu'ils avaient pris la décision de caler leur rythme de vie sur celui du nouveau-né (aller se coucher dès qu'il dort, rester éveillé tant qu'il est éveillé), je me suis dit: ouais mais non mais là ça va pas le faire, les gars.


Donc, comme on n'avait pas super envie de vivre dans une maison avec des couches qui sèchent partout, des fuites de pipi sur la moquette, et où tout le monde va se coucher à dix-huit heures trente, on a décidé de trouver un appart juste pour nous deux, où on pourra encore faire des grasses matinées sans être réveillés par des pleurs, et regarder des films non éducatifs à la télé.

(De toute façon, d'ici à ce que le bébé soit né, dans la maison, il n'y aura plus de télé. Ni de micro-ondes. Ni de couteaux. Et tous les coins seront matelassés.)


(Maria a déjà fait déménager l’ordi de Richard dans le salon, parce qu’elle est persuadée que les câbles USB sont dangereux pour le fœtus.)


(Véridique.)


Et puis, déjà que je dois me contrôler pour ne pas faire de commentaires à Richard et Maria sur l'éducation de leur chien, je pense qu'il vaut mieux pour ma santé mentale (et notre amitié) qu'on se casse avant qu'ils aient le temps de mettre leurs méthodes d'éducation enfantine en application.


- Tu sais, ici en Nouvelle-Zélande, les gens ont une mentalité très anglaise. Ils disent toujours "il faut éduquer", "il faut faire obéir les enfants". Alors qu'il n'y a pas besoin!
- Pas besoin de quoi? D'éduquer ses enfants?
- Non, il suffit de les aimer.


(ALERTE BABA COOL)

- Tu sais, les enfants terribles, ils désobéissent parce qu'ils sont malheureux. Si les parents imposent trop de choses, les enfants sont mal dans leur peau, et c'est pour ça qu'ils sont difficiles. Tandis que si on aime ses enfants, si on les laisse s'épanouir et être heureux, alors ils seront obéissants d'eux-mêmes, puisqu'ils n'auront pas de raison de se rebeller.

Effectivement, c'est un raisonnement qui tombe sous le sens.


En plus c'est bien connu que tous les enfants sont des êtres de logique pure et abstraite, donc je ne vois pas comment ça pourrait mal tourner.


(Oui, parce qu'avec un raisonnement pareil, on peut dire n'importe quoi. Y'a plein de choses dans le monde qui fonctionneraient super bien si tout le monde y mettait du sien.)


(Tu me donnes deux heures avec une humanité pleine de bon sens et de logique, on éradique la pollution et la guerre et on fait marcher le communisme, à ce moment-là.)


Du coup, malgré mon inexpérience totale en la matière, je sens quand même un peu venir la couille dans le potage:


- Donc, ton enfant, tu ne vas rien lui interdire?
- Ah si, quand même. Mais rien qui nuise à son épanouissement. Toutes ces choses qu'on impose aux enfants, comme rester assis à table....
(Ouais, pourquoi pas)
- Ou les forcer à manger ce qu'ils n'aiment pas....
(Mouais, enfin bon...)
- Ou leur imposer une heure pour aller se coucher....
(Attends, quoi?)
- C'est ridicule! Tu n'imposerais jamais ça à un adulte!

Non, effectivement, je n'imposerais jamais ça à un adulte.


Principalement parce qu'il est déjà passé par le stade où on lui imposait des trucs, puisque que c'est ça la différence entre un enfant et un adulte.


Bref bref.


Tu vois que je commence déjà à me chauffer alors que cet enfant n'est même pas né, donc je pense vraiment qu'il faut qu'on s'en aille avant que Richard et Maria ne deviennent des parents slash esclaves et se retrouvent emmurés dans leur maison à manger du jambon et de la purée au ketchup.


Bref bref Brejnev.


Du coup, on cherche un appartement à louer pour juste nous deux.


Enfin, techniquement, on cherche une petite maison à louer pour juste nous deux, rapport au fait que les appartements, à Auckland, existent peu ou prou, puisque les Kiwis sont terrifiés à la seule idée de vivre dans moins de soixante mètres carrés d'espace vital par personne.

(Ces gens sont des paysans.)


Cela fait donc quelques semaines que l'on goûte aux joies de l'immobilier à Auckland, un calvaire auquel on avait échappé quand on est arrivés dans le pays, puisqu'on avait cherché une coloc, et que dans les colocs, tu avises directement avec les locataires (et éventuellement les propriétaires).


AVERTISSEMENT : Contrairement à la majorité de mes billets, la suite de cet article ne va pas du tout te vendre du rêve sur la Nouvelle-Zélande. Te voilà prévenu.


(On a beau vivre chez les Bisounours, c’est quand même pas la terre de lait et de miel, hein.)


Faut savoir en premier lieu qu’Auckland est clairement un marché de demande et pas d’offre, du coup, les gars, ils se font bien plaisir. Déjà au niveau des prix des locations, qui sont UN PEU RAIDES.

Comprends par ça que, pour un appartement (ou une petite maison jumelée) avec une chambre double, une chambre simple et un salon, il faut compter entre 350 dollars (ça c’est pour les taudis dans les quartiers moches et éloignés, aux murs suintant le moisi, à la moquette qui pue et aux fenêtres qui ne ferment pas) et 600 dollars (pour les trucs rénovés dans les quartiers chicos). Et après, ça va encore plus haut, genre 650 dollars si on veut être au centre-ville, ou 700 dollars si on veut une vue sur la mer.


Et si tu te dis « bah ça va c’est pas cher », dis-toi que c’est le loyer pur et simple, sans charges, eau ni électricité.


Ah ouais et peut-être que je l’ai pas précisé mais les montants ci-dessus, c’est le prix du loyer PAR SEMAINE.

(Ah ouais, tout de suite ça rafraîchit, hein ?)


Donc, pour te mettre ça dans le contexte, nous, on cherche une petite maison en location dans un quartier pourri (parce que les quartiers pourris à Auckland ne sont pas craignos, juste moches, et on s’en fout de vivre dans un endroit moche vu qu’on sort jamais sauf pour aller en forêt) et on voudrait un truc pas trop moisi, mais après si c’est pas tout neuf on s’en balek, on a tous les deux vécu dans des trous à rats par le passé, donc on a l’expérience.


(Big up à mon studio de Strasbourg aux fenêtres qui ne fermaient pas, et à l’appart de Flaxou aux murs couverts de graisse et qui sentait la pisse de chat – alors qu’il n’y avait pas de chat.)


Eh ben, avec ce genre de souhaits, on doit taper dans les 400 dollars par semaine en moyenne, ce qui fait 1272 Euros par mois de loyer.


MILLE DEUX CENT SOIXANTE DOUZE EUROS.

(Et là, si tu te dis « Ouah mais les salaires doivent être super élevés à Auckland, du coup ! », sache que la réponse est « LOL ».)


Mais bon, après tout c’est vrai qu’on vit dans la capitale économique du pays, donc c’est peut-être triste, mais c’est quand même compréhensible que le prix de l’immobilier soit très cher.


Le problème principal auquel on est confronté, c’est qu’à Auckland, les propriétaires ne prennent presque jamais les locations en charge eux-mêmes.


Ça veut dire qu’on a affaire à des AGENCES.


(Tremble, vil manant.)


Et les agences sont redoutablement efficaces. Tellement efficaces qu’une fois sur deux, quand je les appelle, ça donne ceci :


- Oui bonjour, j’appelle pour arranger une visite sur la maison en location listée hier.
- Ah non mais ça c’est déjà loué.
- Ah. Est-ce que vous avez d’autres maisons du même type dans le coin ?
- Oui, il y en a une similaire en bas de la rue, elle est libre à partir du mois prochain. 
- Super ! On peut la visiter ?
- Oui, c’est possible, demain mercredi, entre 14 heures et 14 heures 15.
- Ah…Et il y a d’autres horaires de visite ?
- Non. Au revoir !


(Ceci n’est pas une exagération.)


Eh oui, puisque, comme les maisons partent comme des petits pains, les agences réservent les horaires de visite des endroits bien à des heures complètement impossibles, histoire de s’assurer que seuls les gens hyper motivés viennent visiter.


(Ceux qui prennent la peine de poser un congé, en gros.)


Et pour les plébéiens comme Flaxou et moi, il reste les logements qu’on fait visiter les samedis, à savoir : les taudis.

Mais malgré la compétition féroce, Flaxou et moi disposons d’un avantage considérable sur le reste de la population d’Auckland : on est blancs. Et sur ce marché, il semblerait que ça joue malheureusement un grand rôle.

J’en tiens pour preuve le commentaire que j’ai reçu d’un agent lors d’une visite où on était les seuls Européens parmi les potentiels locataires, et où, au moment d’aller chercher ma fiche de demande, l’agent m’a fait signe d’attendre, a regardé autour de lui, puis, au lieu de me donner un feuillet rose comme aux autres, a pioché un feuillet vert de derrière sa chemise en carton, et me l’a tendu avec un clin d’œil en disant :


- Attendez. A vous, je vous donne le VRAI formulaire. 

Donc moi j'étais en mode ARE YOU DECONNING:


(Charmant.)


(Décidément, je vends du rêve avec cet article.)

(« Venez vivre à Auckland ! C’est cher, mais le racisme est gratuit ! »)


Mais rassure-toi, j'ai fait une sortie fracassante de la maison des connards, et je m'en suis allée comme un prince:


(GIF jeu de mots!)

Bref.


Ce qui est quand même assez fun, c’est que comme toutes les propriétés se vendent ou se louent en une minute et qu’en plus on est en Nouvelle-Zélande, AKA la terre des gens honnêtes, les agents se foulent pas trop en compliments dithyrambiques quand ils te détaillent les merveilles du truc qu’ils veulent vendre :

- Alors, vous êtes intéressés ?
- Oui, pourquoi pas. Mais je voudrais savoir, la porte d’entrée ne semble pas bien fermer….
- Ah oui, ça c’est parce que l’hiver approche, donc avec l’humidité, le bois gonfle. C’est très courant par ici, comme problème.
- Donc vous êtes en train de me dire qu’elle ne fermera pas de tout l’hiver ?
- Oui, c’est ça.
- ….
- Mais en été, elle ferme très bien !

Ah ben trop merci Jean-Georges, heureusement que t’as pris des cours de vente dis donc.

Et je passe les agents qui ont cessé tout effort :


- Vous voulez le formulaire de demande ?
Ça dépend. Les murs sont sales et pleins de moisi, est-ce qu’il sera possible de repeindre avant de s’installer ?
- Non.
- Même si c’est à nos frais ?
- Oui. Tout doit rester dans l’état. D’autres questions ?
- La moquette est pleine de taches, est-ce qu’il sera possible de négocier avec le propriétaire pour la faire nettoyer ?
- Non. 
- Même si c’est à nos frais ?
- Oui, parce qu’en fait la moquette n’adhère presque plus au sol, donc si vous voulez la nettoyer avec un appareil professionnel, tout va se déchirer.
- ….
- Bon, vous voulez le formulaire ou pas ?

(Je ne sais pas ce qui est le pire dans cette histoire : le fait qu’on ait posé une candidature quand même, ou le fait qu’on ait été refoulés.)


(Ça s'annonce bien, les petits gars.)

Allez, souhaite-nous bonne chance, on a jusqu’à septembre pour trouver un chez-nous.


(Et dans le pire des cas, j’ai fait un stock de boules Quiès.)


(Une dans chaque oreille, une dans chaque narine, et je suis parée pour la venue de bébé.)


(Ramène tes couches lavables, tu peux pas me test.)


5 commentaires:

  1. Haha, le coup du "vrai" formulaire vert tiré de la pile spéciale, avec le petit clin d’œil qui va avec ! Fabuleux. Cela dit, même si j'aime beaucoup de le GIF de mot, j'aurai adoré avoir Pascal L quittant le plateau ^^ Et sinon, tes collocs hippies, sur une échelle de 0 à tes parents ? Ou bien est-ce qu'ils sont déjà au-delà ? :-D

    Bonne chance du coup, ça s'annonce rock'n'roll :-/

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  2. C'est pas très loin de mon loyer mensuel en fait. ;-)
    Sinon, les colocs hippies, ils vont vite revenir sur tête lol. Moi aussi j'élève mes enfants "avec amour" mais il y a quelques règles à respecter quand même. Il y a des lois dans toutes les sociétés, à la maison aussi!
    Bonne chance dans vos recherches en tout cas.

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  3. Oukch.... ! Ils n'ont pas encore inventé le bébé SANS l'option pipi-caca, dans ton pays de cocagne ? Quelle désillusion....
    Ah, et puis on voit que tu n'es pas spécialisée en éthologie, sans vouloir t'offenser.
    Car qualifier de "trou-à-rat" un réduit qui sent la pisse de chat, c'est foncièrement méconnaître la psychologie de ce délicieux rongeur, tss tss....

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  4. Oh mon dieu... je ne veux pas être mauvaise langue... mais des enfants de parents comme ça, ils y en a plein les foyers de l'aide sociale à l'enfance (ex DDASS)... Dans le jargon des services sociaux on appelle ça de la "carence éducative". Et non non c'est pas une blague, on retire bien des enfants à leurs parents pour ça en France.
    Après je connais pas les services sociaux Néo-Zélandais, donc il a peut être une chance de pouvoir rester tyranniser ses parents à vie :p

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  5. Bonne chance à vous !!!

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