Comme à mon nouveau boulot les gens sont trop sympas, ils ont décidé de me payer une formation aux premiers secours.
(C’est peut-être aussi parce que la seule personne formée était la fille qui était à mon poste avant moi, et qu’en gros, depuis que je suis arrivée, on aurait tous eu le temps de crever vingt fois, mais bon.)
(C’est sympa quand même.)
Donc je suis allée à une formation d’une journée, et le programme était fort alléchant : on allait m’apprendre à faire des massages cardiaques, à utiliser des défibrillateurs, à empêcher des gens de s’étrangler sur leur Tim Tam, à soigner des plaies ouvertes, des brûlures, des fractures… Bref, à la fin de la journée, j’allais être Docteur Quinn, femme-médecin.
Et je me réjouissais d’avance en me disant que ça y est, putain, j’étais grave préparée pour l’apocalypse de zombies.
Sauf qu’on dirait que les services de premiers secours n’ont pas reçu mon mémo :
- Alors, pour le traitement des fractures, qui peut me dire ce qu’il faut faire ? Oui, Charlotte ?
- Fabriquer une attelle ?
- Non.
(Ça commence très bien.)
- On va faire en sorte que le patient soit le plus à l’aise possible, appeler le 111, et toucher à rien.
- …. Donc on va pas apprendre à faire une attelle ?
- Non.
Et c’était comme ça pour tout !
Chaque problème qu’on abordait, c’était « Rassurez le blessé, appelez une ambulance, et posez-vous sur vos culs. »
(Ça va me faire une belle jambe à la fin du monde.)
En plus, l’instructrice a trop brisé mes notions de survie.
Soi-disant que dans le monde moderne c’est super mauvais d’amputer des gens sans anesthésie et de les recoudre avec du fil dentaire.
Soi-disant que dans le monde moderne, l’ambulance elle arrive chez toi en dix minutes, et du coup y’a pas besoin de cautériser les plaies avec des tisonniers chauffes à blanc.
- …Et veillez à ce que le bandage ne soit pas trop serré. Des questions ?
- Oui, alors là, on a vu comment arrêter une petite hémorragie, mais si c’est une artère qui est sectionnée, est-ce qu’on peut faire un garrot ?
- Un garrot ? Mais ça arrêterait le flux sanguin dans tout le bras !
- Non mais après, le bras, on l’ampute.
- ….
- Quoi ? J’ai pas bon ?
Soi-disant qu’il faut rien faire soi-même et laisser les gens qui ont fait dix ans de médecine s’occuper de tout.
(Moi je dis : où est le fun dans tout ça ?)
(V’là comment c’est trop relou d’administrer les premiers soins dans un monde où y’a des professionnels de la santé dans tous les coins, prêts à prendre le relais.)
(« Écartez-vous ! Je suis formée aux premiers secours ! Je suis officiellement qualifiée pour appeler une ambulance ! »)
Et même quand j’essayais de glaner deux-trois infos utiles, l’instructrice n’y mettait vraiment pas du sien :
- …Surélevez le membre blessé en attendant les secours, et rappelez-vous bien : la première chose dont on a besoin pour guérir une entorse, c’est le repos. Des questions ?
- Oui, alors quand vous dites « repos », c’est quoi la période minimum ?
- C’est-à dire ?
- Supposons que la personne blessée doive se remettre à marcher le plus vite possible. Combien de temps au minimum est-ce qu’elle doit se reposer avant de pouvoir reprendre la route ?
- …. Je ne comprends pas votre question. Pourquoi est-ce qu’elle devrait marcher ?
- …Non, pour rien.
Mais bon, même au sommet de ma mauvaise foi, je dois quand même avouer qu’on a fait pas mal de trucs utiles, à cette formation. J’ai quand même appris comment garder quelqu’un en vie jusqu’à ce que les médecins arrivent pour récolter ses organes, c’est toujours bien utile.
(Et si tu trouves que c’est cynique, on en reparlera le jour où t’auras besoin d’un rein.)
J’ai aussi appris comment administrer un massage cardiaque et le bouche-à-bouche sur un adulte, un enfant et un bébé (des mannequins en plastique, rassure-toi) et par contre je tiens à dire ALERTE DEGUEU parce que, je sais pas si t’étais au courant, mais pour faire du bouche-à-bouche à un bébé, il faut souffler à la fois dans la bouche ET dans le nez du môme, et bon, perso, j’ai vu ce que les bébés ont dans le nez, et ça donne moyen envie de mettre sa bouche dessus.
(Parents, vous êtes avertis : si votre mioche est crado, je le laisse crever.)
Petit aparté rigolo pour le massage cardiaque : pour prendre le bon rythme, l’instructrice nous a filé un tuyau : se chanter une chanson dans la tête. Les deux chansons qui marchent le mieux sont – attention thématique ultime - « Stayin Alive » et – encore mieux - « Another one bites the dust ».
(À choisir selon le côté de la Force duquel on se situe.)
J’ai aussi appris comment empêcher une personne de s’étouffer, même si je me suis faite troller par mes connaissances acquises en regardant des séries (Franchement, y’a que dans les séries qu’on voit des adultes qui s’étouffent en mangeant, on est d’accord ? J’veux dire un gamin, soit, ils mettent n’importe quoi en bouche, mais comment est-ce qu’un adulte arrive à s’étouffer avec de la bouffe ?).
Bref, il s’avère que la manœuvre de Heimlich (alias le truc où les gens se mettent derrière toi et t’appuient sur l’estomac), ça ne se fait plus.
Maintenant, il faut taper dans le dos des gens, c’est complètement nul, aucun sens dramatique.
(Alors bon, okay, y’a moins de chances de faire des hémorragies internes et bla bla bla, mais merde, au moins avant, ça avait de la gueule !)
Bon, après, si le truc est toujours pas sorti, on peut quand même faire une manœuvre similaire à Heimlich, mais en appuyant sur la poitrine, pas sur le ventre. Ce qui peut être problématique quand on fait un mètre cinquante-sept.
- Mais si c’est quelqu’un de grand qui s’étouffe, on fait comment pour atteindre sa poitrine ?
- Vous lui mettez un coup derrière les genoux, comme ça il tombe par terre, et là, quand il est à la bonne hauteur, vous lui faites la manœuvre.
- Cool.
(LAISSE-MOI TE SAUVER!)
(N’empêche, le pauvre gars, déjà qu’il s’étouffe, en plus je dois lui kickboxer les articulations.)
- Maintenant on va apprendre à utiliser un défibrillateur.
YES.
Enfin un truc glamour !
Eh ben non, archi pas.
Moi je m’imaginais déjà comme dans « Urgences », les palettes aux mains, en train de crier :
- Chargez à deux cent ! On dégage ! … Il fibrille ! Chargez à trois cent! Ne me meurs pas dans les pattes, espèce de salopard!
(Un truc un peu cool, quoi.)
EH BEN NON.
Soi-disant qu’il faut être un vrai médecin pour pouvoir décider quand est-ce qu’il faut mettre de l’électricité dans les gens.
(C’est toujours les mêmes qui s’amusent.)
Non, à la place, le commun des mortels comme toi et moi, on a juste le droit d’utiliser les défibrillateurs publics, et attention l’adrénaline, c’est à peu près aussi passionnant qu’un épisode de Dora l’Exploratrice.
Y’a un enregistrement qui te donne la marche à suivre, et le seul truc qui est demandé de ta part, c’est d’exposer la poitrine du patient, éventuellement de le raser vite fait s’il a trop de poils (si si) (t’es plus ou moins qu’une esthéticienne de secours dans ce scénario), puis de coller les palettes sur le gus, et après tu t’écartes et tu fais plus rien, parce que la machine prend le contrôle.
(Franchement, je suis bluffée par un niveau de technologie pareil - surtout dans un pays où les gens sont impressionnés quand on leur dit qu’on a l’ADSL à la maison.)
(Pas la fibre. L’ADSL.)
Et bon, après, cette journée ne m’a pas appris énormément, si ce n’est que tout ce que j’ai vu à la télé est faux.
Déjà l’histoire avec le défibrillateur et la manœuvre de Heimlich, mais c’est pas tout !
Le truc de mettre un sac de petits pois congelés sur un bleu ou une entorse parce que ça aide à désenfler ? FAUX ! C’est juste parce que le froid a un effet anesthésiant.
Le truc de faire vomir une personne qui a fait une overdose de médicaments ? NOPE ! Selon ce que la personne a pris, ça peut lui brûler la gorge, et si elle a pris les pilules il y a plus d’une-demi-heure, ça ne sert de toute façon plus à rien.
Le truc du mec viril qui se prend une flèche/un couteau dans le corps et l’arrache nonchalamment ? N’IMPORTE QUOI IMBÉCILE, ça va juste te faire saigner encore plus !
(Je sais que c’est pas toujours fun d’avoir un corps étranger en soi, mais pardon, la moitié de l’humanité doit s’en trimballer un pendant neuf mois, alors tu peux bien fermer ta mouille cinq minutes.)
Voilà, donc ma vie entière n’était que mensonges.
(Si maintenant on peut même plus faire confiance à la télé pour refléter la réalité, mais où va-t-on ?)
Je suis quand même ressortie de ma formation en sachant faire du bouche-à-bouche, administrer un massage cardiaque, mettre les gens en position latérale de sécurité, et sauver la vie d’enfants qui s’étouffent (et éventuellement d’adultes crétins incapables de manger comme des êtres humains normaux). Ce qui, avouons-le, est plutôt pas mal pour une journée.
Bref, lecteur, lectrice, si jamais tu viens en Nouvelle-Zélande, on pourra aller faire des randos dans le bush et t’auras rien à craindre, je suis maintenant une experte en composage de 111 (on a fait des jeux de rôle et tout, je suis rodée).
(Et si y’a pas de réseau, je sais toujours faire un garrot.)
(On est tranquilles.)
Merci, grâce à ton article, j'ai encore moins envie d'aller à ma formation aux gestes et soins d'urgences (qui dure 2 jours et qui me fait donc perdre 2 jours de vacances, la cruauté de la vie!). Mais bon, j'ai bien rigolé au moins et je te tiens au courant si j'en apprends plus au sujet du temps de récupération d'une entorse!!
RépondreSupprimerJ'en profite au passage pour te remercier de faire ce blog, je lis tous les articles qui sortent et ça met de la joie dans ma vie à chaque fois, donc surtout n’arrête jamais!!
Ah bah tiens, on m'a dit l'inverse, que taper dans le dos ça ne servait à rien... On doit pas s'étouffer de la même façon selon l'hémisphère!! :p
RépondreSupprimerhaha, comme d'hab je me suis bien fendu la gueule. Merci. Surtout que je vais faire ma formation secourisme du travail d'ici quelques semaines. Je pourrais comparer.
RépondreSupprimer"mais comment est-ce qu’un adulte arrive à s’étouffer avec de la bouffe", ça me rappelle une petite anecdote.
Au restaurant avec des potes, l'un de mes amis commence à s'étouffer en avalant un morceau de viande de travers (honte à lui). Bref, j'étais juste à côté, j'allais lui taper dans le dos et j'ai une autre amie, médecin, qui me dit "stop!!! Tant qu'il respire encore un peu, faut rien faire, tu risques juste de le bloquer complétement"
Du coup, nous (mes amis, moi, les autres clients, les serveurs, le chat) avons passé la minute suivante à regarder notre ami suffoquer, vomir par la bouche et le nez (oui oui, en même temps...) en attendant de voir si ça allait passer ou si on allait devoir intervenir. Grosse ambiance dans le restaurant.
Oh bin dit, pour un premier commentaire, j’ai écrit un pavé. Continue ton excellent travail, je me poil à chaque nouvel article :)