dimanche 17 janvier 2016

Les enfants, ça sert à rien


Et donc je reviens de vacances.

Même si je me refuse encore à appeler « vacances » ce marathon de bouffe, de pinard et de famille que sont désormais devenus chacun de mes jours de congés des trois dernières années.

(C’était bien la peine de déménager au bout du monde pour passer toutes les vacances en Alsace, tiens.)

(Le tourisme est un peu moins enthousiasmant quand c’est pour voir des trucs que t’as eu sous le museau toute ta vie.)

(Ouah, le musée Unterlinden! C’est pas comme si j’avais passé UN MOIS À BOSSER DEDANS, hein.)

Bref, c’est bon, j’ai évacué le moment crispant ‘First World Problems’ (« bububu je vis dans le pays le plus génial du monde et je dois passer mes vacances dans genre le dixième pays le plus génial du monde : ma vie est un enfer ! »), maintenant on va pouvoir se concentrer sur les choses cool de mon séjour.

Parce qu’en fait c’était quand même super cool, ce séjour. Je fais ma victime qu’on a gavée comme une oie, mais faut pas se leurrer, quand je suis toute seule en Nouvelle-Zélande je me gave aussi, hein. Juste que c’est des chips goût ketchup et pas des repas gastronomiques dans des restaurants étoilés, du coup le changement est plutôt bienvenu.

(J’te raconte pas le choc culturel d’aller manger dans des restaus avec des nappes sur les tables.)

(À Auckland, même dans les restaus chics, on te fait boire ta bière au goulot.)

Mais évidemment, je n’étais pas venue que pour la bouffe, mais surtout pour voir ma famille d’amour.

(Et la famille de Fla, que j’aime d’amour aussi.)

(Surtout maintenant qu’il y a Sarah dedans.)

(Comment avoir les meilleurs repas de famille du monde ? Case ta BFF avec ton beau-frère.)

(Hashtag ‘life hack’)

Ma famille, donc, qui était très heureuse de me revoir. Sauf une petite personne qui n’en avait rien à foutre.

Cette personne, tu l’as deviné, c’est ma petite nièce, qui vient de faire ses trois ans, et attention c’est pas un cadeau la bestiole. Parce que ouais okay elle est mignonne et tout, mais elle a le pire caractère de cochon du monde, assorti d’une tendance bien autoritaire – mais pas autoritaire genre « prof de français », hein. Autoritaire genre « pas-de-l’oie et uniformes kakis », tu vois le délire.

(Ou, comme le formule ma mère : « Ah ben oui mais ça c’est les Scorpions, faut pas chercher ».)

Par contre, elle a hérité de l’amour de la mode de ma sœur, mais comme c’est une mini-dictatrice, j’te raconte pas les efforts qu’il faut faire pour marcher droit, c’était comme de passer trois semaines dans un crossover chelou entre ‘les Reines du Shopping’ et ‘1984’.

Par exemple, le jour où je suis arrivée de l’aéroport, j’avais mes baskets violettes, qui m’ont valu un magnanime « Elles sont jolies tes chaussures, tata ». Moi je me disais «Mais dis donc, cette enfant est devenue vraiment adorable, super duper!».

Et puis le lendemain, je suis allée la chercher à la maternelle :

- Salut Lyson ! T’as vu c’est moi qui te chercher auj…

- Tata pourquoi t’as pas mis tes chaussures violettes?




(Ah ben super accueil Johnny Cash, bonjour à toi aussi, hein.)


Moi, je me remets tant bien que mal de ce vent magistral, et je lui explique :

- C’est parce qu’il pleut, alors j’ai mis mes chaussures en cuir pour pas avoir les pieds mouillés.

- Mais tu sais, je pense qu’il vaut mieux avoir les pieds mouillés, parce que ça, c’est très moche.
- ….
- Bon maintenant on va chez Maminette, comme ça tu peux aller changer de chaussures.

Non mais si je voulais me coltiner ce genre de réflexions toute la journée, j’aurais épousé Sarah, hein.


(Sarah qui m’a interdit de porter mes chaussures à Nouvel An parce qu’elles allaient pas avec ma tenue et que « Je te prêterais bien des chaussures à moi, mais j’veux pas que tu les déformes avec tes pieds de Hobbit ».)

(Et pourquoi mes chaussures n’allaient pas avec ma tenue ? Parce que Sarah m’a aussi empêchée de porter la tenue que j’avais prévue pour Nouvel An, sur le doux ton de : « TU T’FOUS D’MA GUEULE ? VA TE CHANGER TOUT DE SUITE ! »)

(Alors que oui, okay, c’était un pull Star Wars, mais avec des paillettes. Festif, quoi.)

(Fashion police partout, fashion justice nulle part.)

Bref, j’ai passé pas mal de temps avec ma nièce pendant ces vacances. Ce qui était assez étrange pour moi, parce que j’ai pas passé de temps avec des enfants depuis l’époque ou j’en étais un moi-même. Y’a donc certaines choses que je prends pour acquises chez les gens, mais qui font cruellement défaut à la gent marmaillesques.

Genre la patience. Ou la propreté. Ou la politesse.


Ou à peu près tout ce qui fait de nous une civilisation et pas un troupeau de sauvages.


Parce qu’en fait, je m’en rendais pas compte à l’époque, mais les enfants sont des animaux.

(Rousseau et l’État de nature, c’est bon, c’était pas la peine d’aller chercher sous l’Équateur, mec. Si t’avais pas abandonné tes cinq enfants dès leur naissance, tu l’aurais trouvé tout de suite, l’État de nature.)

(Bouffon.)

Parce que moi j’étais partie du principe que ma nièce, maintenant qu’elle avait trois ans, qu’elle avait passé l’âge terrible du foutage de merde, qu’elle allait à l’école et tout, ben elle serait un peu plus posée.

Eh ben mon vieux, j’étais pas au bout de mes peines.


- Bon, pendant que Maminette fait à manger, on va jouer ensemble. Qu’est-ce que tu veux faire ?
- Un dessin !
- Et si je te dessinais un sapin de Noël, et après on le décore ensemble ?
- Ouais !
- Voilà, alors on met des boules, des guirlandes, et…
- J’VEUX JOUER AUX CUBES !
- Mais on n’a pas fini le dess…
- LES CUBES !

Et après une minute à jouer aux cubes :

- Tu me racontes une histoire ?

- Si tu veux.
- Lis-moi ‘Camille fête Noël’ !
- D’accord. « C’est le soir de Noël chez Camille. Tout le monde est arrivé pour faire la fête : les cousins, papi et mamie… »
- J’VEUX REGARDER LA REINE DES NEIGES !



- On va pas regarder la Reine des Neiges maintenant, parce qu’on va bientôt manger. Écoute ton histoire.
- JE VEUX TÉTINE !
- Non, Maman a dit que c’était que pour la sieste.
- MAAAAAIIIIIIS JE VEUUUUUX TÉTIIIIIIINE !
- Meuf, tu m’as prise pour un jambon ou quoi ?

Qu’on se le dise, les gosses sont nuls en négociations : ils se contentent de répéter ce qu’ils veulent sans avancer de nouveaux arguments, mais attends gamine t’iras nulle part avec une attitude pareille ! (T’es pas jolie à ce point.)

(Bonus pour la technique pas flag du tout « Je fais les bruits de pleurs mais sans aucune larme ». CREDIBILITAY.)

Niveau tact, ça pèche un peu aussi à cet âge-là, cf. les remarques bien vexantes que je me suis mangées dans la gueule pendant mon séjour :

- Tata pourquoi t’as pas mis de maquillage aujourd’hui ?

- Parce que j’avais pas envie.
- Mais tu sais, il faut mettre du maquillage tous les jours, parce que t’es pas très belle.

(Merci du conseil, BELZÉBUTH.)

Enfin, l’avantage des gamins de cet âge, c’est qu’ils sont impossibles à vexer (je pense que t’as pas de fierté quand on doit encore te torcher le cul), du coup c’était pratique, j’avais jamais besoin de faire dans la dentelle :

- Tu manges quoi ?
- Une tartine de miel. T’en veux?
- Mais tu sais, t’as pas le droit de manger des tartines quand il fait nuit, parce qu’après tu vas manger le dîner.
- Meuf, je suis une adulte, je mange ce que je veux.
- Non c’est pas vrai.
- Ah si si, c'est vrai. 
- ....
- Regarde, hop, je sors du chocolat du placard, et je le mange! Il est sept heures du soir, je m’en balek!
- T’AS PAS LE DROIT !



(J'vais me gêner, tiens.)

Mais même là, je me faisais encore avoir :

- Tata, tu me donnes un Curly ?
- Bon, je t’en donne un, mais tu le dis pas à Maman, d’accord ?
- D’accord.
- Tiens.
- MAMAN MAMAN, TATA ELLE M’A DONNÉ UN CURLY ALORS QU’ON VA BIENTÔT MANGER !!


Alors je sais pas si c’est tous les enfants de trois ans qui sont particulièrement teu-bé, mais mon vieux, tu sens bien qu’elle est pas complètement finie.

J’en veux pour preuve la partie de cache-cache la plus What the Fuck de l’univers, ou je me suis retrouvée au milieu du salon à compter, tout en la surveillant du coin de l’œil. Je compte, je compte, et cette gole-mon ne bouge pas ! Donc je compte plus lentement en lui redonnant les instructions (« Seeeept, huiiiiit, va te cacher, neuuuuuf, va te cacher ») et je la vois qui va nonchalamment se poser SUR le canapé, genre même pas cachée derrière un coussin, nan !

Du coup, magnanime, je me tourne de l’autre côté histoire de faire semblant de la chercher au moins trois secondes, je découvre mes yeux et je fais :

- Quatorze, quinze ! J’arrive !


Et là, j’entends une petite voix fluette derrière moi qui fait :

- Je suis làààà !




Je pense que le concept de cache-cache n’est pas encore bien présent dans sa tête.

(Pourtant tout est dans le nom.)

Et c’est pas faute d’avoir essayé de lui expliquer :

- Non, Lyson, tu dois te cacher quand je compte ! Par exemple, tu vas dans le placard, ou sous le lit…

- Non, j’ai peur !
- Ben alors, tu te caches là ou t’as pas peur.
- Non mais j’ai peur de me cacher.
- Ah ben oui, alors là c’est sûr qu’on va pas y arriver.

Car oui, cette enfant est la pire pétocharde que j’aie jamais vu de ma vie.


Apparemment ma sœur était une immense trouillarde aussi étant petite, mais comme elle a cinq ans de plus que moi, je l’ai jamais connue à cet âge-là. Et moi j’ai jamais eu ce problème – je partais jouer toute seule dans la forêt tous les soirs après l’école, et je me viandais régulièrement dans le fond de ravins ou au pied des arbres en pourchassant des oiseaux ou des souris.

(Une fois je me suis liée d’amitié avec un écureuil, je lui amenais des noix et tout, j’espérais qu’on devienne potes comme Spirou et Spip, mais en fait non, mais c’était sympa quand même de le regarder manger.)

(Vis ma vie de future vieille dame aux chats.)

Et ma petite nièce, au lieu d’avoir peur des choses saines et normales (comme les loups-garous, les requins et les pantins), à la place, elle a peur de TOUT.

Elle a peur du noir, elle a peur des chevaux, elle a peur des chiens, elle a peur des inconnus, elle a peur de courir, elle a peur de sauter, elle a peur des chenilles, elle a peur des piscines, elle a peur de l’autoroute, elle a même peur des CHATS.

(Sérieusement ?)

(Le truc tout mignon et tout doux qui ressemble à une peluche, on est d’accord ?)

Bref, c’est une sacrée précieuse.

Au tout début de mon séjour, on est allées faire les courses, je l’ai mise dans le caddie en disant « on fait la course ? », puis je me suis mangée une heure de sermon :

- Tu sais tata il faut pas aller vite parce que c’est dangereux et on peut tomber et se faire très mal, et d’abord le supermarché c’est pas un endroit pour faire la course….


(3615 ‘Enfant le moins fun du monde’.)

Idem quand on est parties faire une marche en montagne, au début de laquelle elle nous a assuré qu’elle marcherait tout du long, pour s’écrouler par terre 20 minutes plus tard en chouinant qu’elle était FATIGUÉEEEEE.

(Évidemment.)

Donc comme je suis la tata la plus sympa du monde, je l’ai prise sur les épaules, et c’était la panique à bord :

- Je veux pas que tu me poooortes ! J’ai peuuuuuur !

- Tu préfères marcher ?
- ….
- C’est bien ce que je pensais. Petite ingrate.

Inutile de dire que mes tentatives d’alléger l’ambiance en faisant le cheval ont été sèchement réprimandées :


- Tata il faut pas courir parce qu’il y a des cailloux et c’est très dangereux, il faut marcher très doucement et regarder bien où on va sinon on peut tomber sur les cailloux et se faire très très mal, et aussi il faut faire attention parce qu’il y a de la gadoue et ça glisse et on peut tomber et….





(C’est comme d’avoir le Walkman le plus chiant du monde.)


Mais ce qui me désole le plus, c’est que ma nièce est la petite fille la plus ‘fille’ de l’univers entier.

J’espérais faire des trucs fun avec elle, genre aller sur la balançoire (elle a peur), faire du vélo (elle a peur), jouer au loup (elle aime pas courir), ou même juste faire de la pâte à modeler ou des Lego, mais tout ça, elle s’en fout.

(Et cache-cache, on voit ce que ça a donné.)

Car les activités préférées de ma nièce sont, dans l’ordre :

1. Jouer à la cuisine

2. Jouer à la maîtresse
3. Jouer à la maman
4. Regarder la Reine des Neiges
5. Dessiner
6. Regarder Peppa Pig
7. Jouer à faire le ménage

SÉRIEUSEMENT ?


JOUER à FAIRE LE MÉNAGE ??


(Nan mais c’est bon, enlève-lui son droit de vote tout de suite, c’est clair qu’elle s’en servira jamais.)

Bref, je me retrouve tata d’une gamine qui déteste faire tout ce que moi j’adorais à son âge (se salir, aller dehors, se battre avec des bâtons, faire la course dans la forêt avec des chevreuils) et adore tous les trucs que je détestais (les princesses, les poupons, les petits poneys à la crinière rose).

Et quand on essaye de faire un truc relativement fun, genre jouer à la marchande, ça fonctionne pas des masses :

- Bonjour madame la marchande ! Qu’est-ce que vous vendez aujourd’hui ?
- J’ai des patates.
- D’accord, alors je vous prends une patate, s’il vous plait.
- Non.
- Comment non ?
- Non parce que je te donne pas mes patates !
- Mais c’est pour faire semblant, Lyson. Regarde, là je te donne la pièce…
- Ma pièce !
- Et maintenant je prends la pata…
- Non ! Ma patate ! Ma piece!

(Okay, donc pour le concept de ‘partage’, je pense qu’on repassera l’an prochain.)

J’ai quand même réussi à lui faire faire une bataille de sabres lasers/bâtons lors d’une balade (ce qui était mon plus fier moment en tant que tata):



Même si, à la seconde ou elle m’a terrassée, elle s'est jetée sur moi en disant :

- Maintenant tu es à l’hôpital !

- Okay.
- On va te donner les médicaments, et après tu vas mettre le sparadrap.
- Mais… on joue plus à la bagarre ?
- Maintenant on va regarder dans les oreilles et on va écouter le cœur.
- …
- Et après tu iras chez le dentiste, il faudra être très sage et puis t’auras une sucette.

(Chassez le naturel, tout ça tout ça.)

Bref, c’était quand même sympa de passer du temps avec elle, et puis au moins maintenant mon utérus est calmé pour les cinq prochaines années.

(Y’a pas de petites victoires.)

- Eh Tata Charlotte, je m'ennuie.
- Ben, t'as qu'à compter les sapins.
- D'accord. Un, deux, huit, onze, quatre,....
- Dis donc, ils t'apprennent vraiment que dalle à la maternelle.
- Chut! Je compte. Huit, seize, deux...



(Mais une petite voix comme ça rend tout mignon.)


Sur ce, à bientôt pour plus d'aventures trépidantes au pays de la tête en bas!

3 commentaires:

  1. AVOUE qu'elle te manque déjà...

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  2. Lol Mais elle a que 3 ans :) Ça viendra.

    Et t'inquiète, j'avais la même ! Maintenant qu'elle a 5 ans, elle est devenue nettement moins donneuse de leçon.
    Mais je confirme pour le côté gosse en sucre qui a peur de tout, et qui peut pas marcher deux minutes dehors: c'est que ça persiste !!

    Chu trop jalouse que t'es réussi à caser ta BFF dans ta belle-famille ! Pfff !

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  3. Tatata, tu as tort de te moquer de Rousseau. Les enfants sont bons, par nature. Rien à voir avec la dureté des adultes.
    Le secret : il faut les accompagner avec amour et doigté.
    Un petit vin de Loire fait parfaitement l'affaire, par exemple, ainsi qu'une petite sauce airelles-morilles, mmmmhhh....

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