vendredi 13 mai 2011

Essential What The Fuck



Pendant les exams j'avais besoin de détente, alors un soir, j'ai dit à Professeur Flaxou (qui s'apprêtait à passer le week-end sur Starcraft pendant que je révisais) : tiens, si on allait au cinéma. Comme il fait tout ce que je lui demande, il a dit oui, alors on a regardé ce qui passait dans le ciné à côté de chez moi.

On voulait voir "Source Code" (Flaxou parce qu'il aime bien la science-fiction, moi parce que j'aime surtout les yeux de Jake Gyllenhaal) mais ça passait que dans le ciné de perpète-les-oies. (Et en VF en plus! Abomination! Sacrilège! Autres adjectifs excessifs!)

Du coup, j'ai regardé quel film avait le plus de bonnes critiques, et je suis tombée sur "Essential Killing". Alors, au début, je me suis un peu méfiée, parce que le réalisateur c'était Jerzy Skolimowski, qui avait un article de cinq pages dans le dernier Télérama. Oulah! ça sent l'art et l'essai, et ça peut me valoir une malédiction éternelle de la part de Professeur Flaxou, qui n'accroche aux films d'art et d'essai que s'il y a de la science-fiction dedans (ça limite un peu la chose).

Mais ensuite, j'ai vu le résumé :

"Capturé par les forces américaines en Afghanistan, Mohammed est envoyé dans un centre de détention tenu secret. Lors d’un transfert, il réchappe d’un accident et se retrouve en fuite dans une forêt inconnue. Traqué sans relâche par une armée sans existence officielle, Mohammed fera tout pour assurer sa survie."

Bon, ça fait pas intello du tout, ça fait même plutôt film de mec à la testostérone. 

Mais bon, j'ai flairé le piège quand même (après tout, c'est un réalisateur polonais) et je me suis dit : attention, on va peut-être avoir des plans interminables sur le mec qui survit dans la forêt inconnue, et des interrogations existentielles jusqu'à plus soif, façon Gus Van Sant. ("Last Days" m'a donné envie de faire un trou dans ma télé: mais je m'en fous que ce soit Kurt Cobain ou n'importe quel pékin, fais-le faire autre chose que d'errer dans la forêt! Fais-le prendre une douche, déjà, hein.)

Mais ensuite, j'ai lu les critiques, et j'ai vu :

"la dynamique haletante d'une chasse à l'homme digne des meilleurs films d'action hollywoodiens", "une chasse à l'homme époustouflante", " filante comme l'éclair", "mise en scène aiguisée", "un film à la tension constante", "impressionnante expérience sensorielle", et pléthore de critiques sur l'acteur principal absolument fantastique.

Soit, ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille que les Cahiers du Cinéma aient mis CINQ étoiles (les mecs qui mettent trois étoiles et demi à Tarantino, "pour l'effort"). Et j'ai un peu tiqué quand Charlie Hebdo a dit que ça rappelait un peu "Gerry" de Gus Van Sant. (Alors pour les gens qui ont pas vu, je te résume "Gerry" : c'est deux mecs qui marchent dans le désert pendant deux heures, et à un moment donné du film ils parlent, et on s'aperçoit qu'ils s'appellent tous les deux Gerry. Générique.)

Mais attends, on a lu les mêmes critiques, ils sont tous d'accord pour dire que c'est haletant de suspense, quand même. Après si ça se trouve c'est le journaliste de Charlie qui a voulu se la péter, genre je fais des références de ouf. (Ça arrive plus souvent qu'on le croit. Surtout chez "le Monde". Hier ils ont fait une analyse sociologique de "B.A.T - Bon à tirer" des frères Farrelly. Ça va très loin.)

Et donc, j'ai fait taire mes doutes éventuels, et on est allés voir "Essential killing".

EH BEN PUTAIN QU'EST-CE QU'ON S'EST FAIT CHIER !

Je commence à penser que les critiques étaient tous sous l'effet d'un hallucinogène quand ils ont vu ce film. Genre on leur a mis un ecstasy dans leur verre de champagne, et après ils étaient tellement speed qu'ils ont cru que le film était haletant. Parce que je l'ai cherché, moi, l'haletant. De toutes mes forces. Avec tout mon cœur. Mais j'ai rien trouvé.

Alors déjà, l'histoire, elle est exactement comme ce qu'ils disent dans le résumé. Mais quand je dis "exactement", c'est-à-dire que pendant tout le film, tu n'auras AUCUNE info supplémentaire.

Je t'explique le film. Le héros est dans un canyon, il tue des américains au lance-roquette (c'est même pas des soldats, donc on sait pas trop pourquoi il les tue, mais on peut penser que c'est parce qu'il est taliban et qu'il tue tout ce qui est américain, je sais pas). Ensuite il se fait choper, on le torture, on l'emmène avec d'autres prisonniers dans un avion (qui va où?), puis on les met dans des fourgons (qui vont où?), le fourgon a un accident, le héros s'évade en brisant ses chaînes (oui, parce que c'est bien connu, les menottes de l'armée, tu les fais sauter avec un trombone, les doigts dans le nez). Et là, il se met à courir dans la neige, dans une forêt immense, avec les militaires au cul. Et ensuite, pendant une heure, il mange des fourmis et des écorces, il boitille, et il marche.

Et le réalisateur le montre en train de faire absolument n'imp, et on comprend pas pourquoi. Genre à un moment, il passe 15 minutes à le filmer en train d'essayer de monter une pente, il arrête pas de tomber, et il recommence, tu te dis bon dieu mais qu'est-ce qu'il peut bien y avoir en haut de cette pente? Le mec est absolument perdu dans la forêt, tu te dis que ça doit être quelque chose d'important, sinon il ferait demi-tour. Et là, plan suivant, il est dans un endroit complètement différent. Pourquoi il montait sa pente alors? Il est arrivé en haut ou il a fait demi-tour, finalement? On sait même pas!

Mais en fait, c'est pas le pire moment de n'imp du film. En fait, ce film, il aurait pas dû s'appeler "Essential killing", mais plutôt "Essential WTF?", parce que c'est vraiment ce qui vient à l'esprit quand tu le vois.

Parce qu'il y a des trucs vraiment à l'arrache. Genre le héros, il est sourd (parce que les américains ont fait exploser une bombe à côté de lui). Mais en fait, il est sourd qu'une fois sur deux. Par exemple, au début du film, il pique la voiture des américains, y'a de la musique à fond, et il l'entend pas. Par contre, le lendemain, il est dans sa forêt, et il est attiré dans une clairière par le bruit d'un camion. Hop, magie, il est plus sourd!

Et le meilleur moment, c'est quand même quand le héros va téter le nichon d'une femme enceinte parce qu'il a faim. Tu te dis, bon il a faim, ça se comprend. Mais  la meuf, elle a des commissions dans son sac! Juste à côté d'elle! (Enfin bon, après chacun fait ce qu'il veut, moi je suggère juste.)

Sinon y'a aussi le fait que l'armée américaine décide de transporter des talibans en avion et en fourgon, tu te dis, bon, peut-être qu'ils les amènent à Guantanamo. Ensuite ils sont dans la neige, bon, tu te dis, ils les ont peut-être amenés se faire juger aux Etats-Unis, bien que ça n'aie aucun sens. Mais non, en fait c'est encore mieux que ça! En fait ils l'amènent dans un pays qui a presque rien à voir du tout avec le conflit afghan! Ils l'amènent en Pologne! (Pour info, la Pologne est, certes, engagée dans le conflit afghan, mais au même titre que tous les autres pays de l'OTAN, donc il n'y a pas d'explication.)

Bref, le héros tue des gens pour pas se faire attraper (il aurait pu juste s'enfuir, mais il est taliban, il est plus à ça près), il trouve refuge chez une paysanne qui l'héberge et le soigne, on sait pas pourquoi (moi perso un mec couvert de sang et de neige se pointe chez moi, je m'enfuis en courant). La nana, pas du tout, les flics viennent sonner chez elle en disant "on cherche un mec super dangereux", elle dit non non il est pas chez moi, et ensuite elle l'aide. Sans rien demander. Ça pourrait être un violeur d'enfants, on s'en fout.

Ensuite la nana donne un cheval au héros, il part à cheval, il se met à cracher du sang plein le cheval, et puis tu vois le cheval tout seul qui broute de l'herbe, et c'est fini. Il est mort? Sûrement que oui. Bon.

A quoi il servait, en fait, ce film?

J'ai mieux compris l'histoire en lisant le résumé Allociné qu'en regardant les une heure quarante-cinq!  

Même - et ça c'est carrément génial - on trouve PLUS d'infos dans le résumé Allociné! Eh oui! Parce que toi, dans ton film, tu sais pas que le mec s'appelle Mohammed. C'est l'homme sans nom. Forcément, il lâche pas un mot du film entier. Peut-être parce que l'acteur est américain et pas du tout afghan, et que ça aurait un peu plombé sa crédibilité de l'entendre parler arabe avec l'accent new-yorkais, enfin c'est juste une idée (tu me diras, on aurait au moins rigolé un peu).

D'ailleurs, ce film, c'est un peu la fête du casting qui a rien à faire ici : le mec est en Pologne, il arrive dans une maison, et paf! Emmanuelle Seigner qui lui ouvre la porte! Donc là, moi je me dis : attends, Emmanuelle Seigner, si elle était polonaise, ça se saurait quand même. Ben non, elle parle pas un mot de polonais (à moins que Roman Polanski lui ait appris, mais elle aurait un accent quand même).

Donc, dans le film, elle fait quoi? Elle dit rien. Et pourquoi elle dit rien? Parce qu'elle est muette.

Alors là, ça sent quand même la grosse ficelle scénaristique, je suis désolée.

- Ecoute, pour le rôle de la paysanne, je veux absolument Emmanuelle Seigner.
- Mais elle parle pas polonais.
- C'est pas grave, on dirait qu'elle serait muette.
- Mais alors comment on fait passer la partie où elle lui parle?
- Ça on s'en fout, y'a pas besoin.

Oui, Jerzy, pour toi y'a pas besoin, tu le connais ton film, c'est toi qui l'a écrit. Mais pour nous autres, je t'assure, ça peut servir.

En plus, pour ce qu'elle sert, Emmanuelle Seigner, dans ce film. C'est sûr que c'est une bonne actrice, mais franchement, on la voit cinq minutes à tout casser, n'importe quelle actrice aurait fait l'affaire. Même une mauvaise actrice. Même Mathilde Seigner. (C'est dire.) (Y'a une répartition de talent un peu injuste, dans cette famille.)

Et puis c'est pas pour dire, mais Vincent Gallo, meilleur acteur du monde et tout le tralala : moi je veux bien, mais bon, c'est pas avec ce film qu'on peut tester sa palette de jeu, vu qu'il a que deux expressions : la souffrance, et la surprise. C'est vrai qu'il fait très bien la souffrance et la surprise. Mais comme il est filmé en gros plan pendant une heure trente, ça finit par lasser un peu.

Professeur Flaxou a également remarqué, avec son oeil de faucon, que notre héros se trimballe tout le long du film par -10 degrés dans une forêt, avec un bonnet sur la tête, qui est en fait une cagoule remontée, puisqu'on voit les trous des yeux sur le rebord du bonnet.

- Il est con, pourquoi il a pas déroulé la cagoule, il aurait eu moins froid!
- Il est afghan, il a sûrement jamais vu une cagoule de sa vie.
- Ouais enfin c'est pas trop dur de comprendre que t'as moins froid quand tu mets du tissu sur ton visage.
- D'accord. Ensuite, il aurait eu chaud. Mais du coup, il aurait pas eu l'Oscar.
- Tout s'explique!

Bref, au moins ça me fait des choses à raconter (j'aurais préféré qu'on me rembourse mes 4 euros, mais on peut pas tout avoir dans la vie). 

Si vous connaissez vous aussi un film complètement aberrant, envoyez vos suggestions dans les commentaires. 

8 commentaires:

  1. "Je crois que je l'aime" de Pierre Jolivet.
    Un gars célibataire rencontre une belle femme célibataire à Paris, il en tombe amoureux, elle est aussi amoureuse de lui, elle aime la céramique alors il apprend tout sur la céramique pour l'impressionner, et à la fin ils finissent ensemble.

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  2. chevelure-exquise12 mai 2011 à 21:26

    "Skyline" J'adore les films de fin du monde et franchement je demande pas grand chose à un film catastrophe. La preuve, j'ai aimé "le jour d'après" (tu vois le niveau) mais skyline c'est 2h de ma vie et 8€ qu'on ne me rendra jamais et ça, c'est impardonnable.

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  3. Enter the Void: comment as-t'on pu pondre un truc pareil. C'est du WTF du début jusqu'à la fin, mention "vomi" sur la scène de fin.

    Après, les films asiatiqes, surtout coréens, sont souvent gratinés aussi :D

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  4. Je pense que le transfert en Pologne est une référence - super subversive !! - aux prisons secrètes américaines en Europe ( Allemagne, Pologne, etc. ) On ne sait pas exactement où elles sont, mais on sait très bien ce qui s'y passe ^^ Cela dit le statut spécial des bases qui les abritent permet une astuce juridique qui les a toujours protégées des Droits de l'Homme jusqu'ici, même quand les "pays hôtes" ( qui n'ont aucun pouvoir légal dans les bases en question ) se plaignent. Mais bon, c'est les States, donc on s'est pas plaint trop fort jusqu'ici, faut avouer. -.-'

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  5. Bon, ça éclaire ma lanterne, merci bien. Le film est un tout petit peu moins chelou :)

    Et sinon, t'as une idée pour le mec qui boit au sein d'une femme enceinte alors qu'il aurait pu piquer les commissions dans son sac? ^^

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  6. Oui, et d'abord comment la femme enceinte elle a déjà eu sa montée de lait ? (parce que bon, je veux pas dire mais c'est juste après l'accouchement que le bastringue se met en route, normalement...)

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  7. Enter the Void, Gaspar Noé: Déjà, j'aime pas ce qu'il fait à la base. Enfin si. Mais qu'une heure. Ce qui fait que je me suis emmerdée pendant une heure, puis le plan de cette énooooorme b*** m'a achevée.

    Indiana Jones 4, Steven Spielberg:
    Au bucher! Au pilori! Qu'on le lapide! La plus grosse honte du cinéma!

    Sucker Punch, Zack Snyder:
    Raaaah mais non quoi! Comment on peut aimer ce film tout moisi? C'est une honte pour le cinéma! Autant j'ai adoré Watchmen, autant j'ai encore plus haï ce film que 300. Rien n'est bon dans ce film.

    Mais bon y a dix mille films pourris sur Terre

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  8. Moi j'ai bien peur d'avoir vu Bon à Tirer. Mais c'est seulement parce que j'étais dans un ciné overpaumé à Haguenau (déjà l'emplacement en dit long) et que y'avait tous les autres films potables qui avaient été déprogrammés. C'était ça ou Fast and Furious. Alors je me suis dit qu'après tout ça pouvait peut-être ne pas être aussi débile que le titre le laissait suggérer - parce que Fast and Furious, c'était sûr que ça l'était, et pour la cinquième fois consécutive en plus, applaudissez la performance.
    Eh ben en fait : si. Si, c'est aussi débile que le titre le laisse suggérer.
    .. Réflexion faite, je pense que c'est même pire.

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