Une semaine à Chypre, partie I

Et donc Flaxou et moi on est partis en vacances à Chypre.

A la base, je voulais partir pour une destination un peu moins chaude, vu qu'on sortait de deux mois de canicule à cuire à l'étouffée dans notre salon sous les combles, et puis qu'en plus j'avais assez soupé de la plage en juillet, quand je suis partie une semaine en Espagne faire les vacances du matriarcat avec ma mère, ma soeur et mes deux nièces.

(Et oui, je suis consciente de la first-worlditude de cette phrase).

("Han, j'en ai trop marre de la plage-an ! Je suis déjà partie à la mer y'a deux mois!")

(Vous avez le droit de me jeter des cailloux.)

Bref, je nous voyais bien nous mettre au frais quelque part au fond d'un trou moussu en Ecosse ou en Islande. Mais c'était sans compter sur Professeur-Flaxou-j'aime-les-méduses et sa fascination pour la vie aquatique.

Alors soi-disant que "c'est pas des vacances si je peux pas passer des journées entières sous l'eau à me prendre pour Kevin Costner dans Waterworld" (3615 films que tu avais oublié).

Sauf que, pour moi, c'est pas des vacances si je dois passer mes journées à cramer sur des plages de cailloux pointus où on peut même pas s'allonger pour lire (oui, parce que vois-tu, les plages de sable c'est nul, y'a pas assez de poissons) (mais C'EST LE BUT FLAXOU) (les poissons c'est terrifiant) (QUI en voudrait dans son eau de mer?)

Bref, tu l'as deviné, mon idée des vacances, c'est plutôt de rester bien au sec, loin de toute étendue d'eau, et de passer mes journées à marcher dans des musées et des églises et à prendre des photos de portes.

(#passionportes)

Alors, aux premiers jours de notre relation, on faisait des efforts, et on faisait des vacances qui plaisaient soit à l'un (Niue), soit à l'autre (Prague), et même, des fois, on faisait carrément des vacances à part (cf. ce fiasco de sous-doués).

Mais maintenant, on a passé le cap des douze ans de relation (encore huit et je peux écrire un bouquin sur "comment faire durer son couple") (chapitre un : les concours de pets) et c'est fini, on n'a plus envie de faire des efforts (il est parti le temps des compromiiiiis) donc ça nous laisse avec une seule option : trouver un endroit qui nous plaise à tous les deux.

- Alors il faudrait un endroit près de la mer.
- Mais pas loin des montagnes.
- Avec de l'eau bien claire pour faire de la plongée.
- Et des villes anciennes à visiter.
- Des coraux.
- Des musées.
- Pas trop de route à faire.
- Des animaux sauvages!

Et, crois-le ou pas, Chypre cochait toutes les cases, le tout à trois heures d'avion de chez nous, elle est pas belle la vie?

(Et des petits chats PARTOUT)

Avant de te parler de nos vacances, un peu de contexte géopolitique (#passionrelationsinternationales) :

Chypre est une île située en Méditerranée, au Sud de la Turquie et à l'Ouest du Liban. Elle est habitée depuis l'ère préhistorique, et a été l'objet de moult convoitises, puisqu'elle a jamais été fichue de rester dans les mains d'une même civilisation plus de quelques siècles.

Au tout début, ça se passait pas trop mal : Chypre était indépendante, avec dix (tout petits) royaumes se partageant l'île. Mais dès le sixième siècle avant Jicé, ça a commencé à chier des bulles, puisque les Grecs et les Perses commencent à se bagarrer pour la domination de Chypre (la raison : des énormes mines de cuivre - dont l'île tire son nom). Les Perses gagnent, et dominent Chypre pendant deux siècles, avant de se faire maraver par Alexandre le Grand, qui l'intègre à son empire. L'île devient donc grecque, puis gréco-egyptienne (après la mort d'Alexandre), puis Romaine pendant quelques siècles, puis se fait partager par les Arabes et les Byzantins, qui règnent conjointement sur Chypre entre le septième et le dixième siècle.

Mais c'est pas fini ! Voici venu le temps des croisades, et les Francs s'en mêlent : Richard Coeur de Lion débarque à Chypre en 1191 et trouve l'île drôlement chouette. Il s'en empare, mais les habitants commencent à en avoir un peu marre de toutes ces occupations et décident que maintenant ça commence à bien faire.

(Il serait temps)

Comme ça chauffe pour ses fesses, Richard décide d'offrir Chypre en cadeau aux Templiers, qui se font tellement jeter du caca dessus par les autochtones qu'ils la revendent bien vite aux Lusignans (des potos à eux).

(Ah ben bravo le re-gifting.)

Les Lusignans restent maîtres de Chypre jusqu'au quinzième siècle, quand les Vénitiens viennent s'installer dans un style vraiment... vénitien (comprendre : ils font une alliance en donnant une de leurs filles à marier, puis toute la famille royale est empoisonnée meurt mystérieusement, laissant les Vénitiens seuls maîtres à bord.) (C'est dingue comme tout s'arrange.)

Les Vénitiens ont à peine une petite centaine d'années pour accrocher leurs posters aux murs avant que les Ottomans débarquent. Ces derniers restent jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle, où devine qui arrive ?

(Bah oui, manquait plus que les Anglais)

Chypre est donc placée sous domination britannique jusqu'en 1960 (ce qui explique pourquoi on y roule à gauche et pourquoi tous les bars de l'île servent du cidre), date à laquelle elle obtient (enfin!) son indépendance.

On pourrait croire que là, c'est bon, c'est fini, mais même pas ! Parce qu'en 1974, des Chypriotes d'extrême droite font un coup d'état en demandant qu'on les rattache à la Grèce.

(Décidément, vous aimez être une province, les gars.)

La Turquie profite alors de la déstabilisation politique pour jouer les Vladimir Poutine, et annexe toute la partie Nord de l'île, en mode "on pose nos couilles sur la table". A ce jour, 30% du territoire est toujours une zone occupée par l'armée turque, et le gouvernement y a envoyé plusieurs milliers de "colons" civils. La zone a même un nom, la République Turque de Chypre Nord (RTCN), mais cet Etat n'est reconnu par personne... sauf la Turquie. Environ 3% du pays est occupé par un No Man's Land maintenu par les Casques Bleus.

Après, ça ne fait pas de Chypre une zone chaude à visiter, puisque les relations entre les deux nations restent étonnamment courtoises : on peut même passer d'une zone à l'autre assez aisément à divers checkpoints sur l'île, à condition de montrer son passeport.

Bon, par contre, notre voiture de location (louée à l'aéroport de Larnaca, qui se situe du côté grec) ne pouvait pas franchir la frontière (ou plutôt, si, elle pouvait, mais la garantie de la voiture, non), du coup, on a passé nos vacances sur le côté grec de l'île, avec juste une petite excursion pédestre en zone occupée à Nicosie, la capitale du pays traversée par la ligne de démarcation.

(Un petit côté berlinois qui nous fait tout de suite nous sentir à la maison.)

Côté logement, on est passés par le pire et le meilleur d'Air BNB, puisqu'on a eu droit à des expériences très différentes pour des tarifs très similaires (tous aux alentours de 30/40 € la nuit), avec, d'un côté :

- Le chalet de montagne avec un lit confortable et une vue imprenable, mais un système d'eau chaude.... perplexe.

(En fait, on nous avait expliqué qu'il fallait allumer le chauffe-eau dans la cuisine pour chauffer l'eau pour la douche, MAIS le proprio avait omis de nous dire qu'il fallait appuyer sur un deuxième bouton, situé dans la chambre à coucher, pour allumer l'échangeur à eau chaude, lui-même situé dans la douche, et qu'il fallait également allumer.)

(Je viens en vacances pour résoudre des puzzles Dwemer, c'est magnifique.)

Big up également à la bouche d'égout qui était moitié dehors dans la rue et moitié dans la chambre (?? okay ??), et big up aussi à l'odeur de cadavre qui en sortait et emplissait la chambre dès qu'on faisait couler de l'eau dans la baraque, c'était charmant.

- La chambre crado à Nicosie avec option "j'avais oublié que vous veniez", et donc : sol crasseux, poils sur la lunette des toilettes (ou cheveux?) (nul ne le sait, et nul n'a voulu s'approcher assez près pour l'analyse), et, bonus, le PLUS GROS CAFARD DE L'HISTOIRE DES CAFARDS qui est tombé de ma serviette de bain pour venir me faire un petit coucou en sortant de la douche.

(Saluons au passage les sens affûtés de Flaxou, qui a entendu mon glapissement de terreur à deux portes de là, et a illico déboulé dans la salle de bains avec une pantoufle à la main en disant "okay, où est le cafard?")

Et, à l'autre extrême, on avait :

- Un appartement complet et entièrement neuf à Limassol, avec air conditionné, et t'sais les douches de riches qui font de la pluie? Ben ça.

- Une chambre avec salle de bains privée dans la résidence d'une nana absolument adorable, qui nous a goinfrés des gâteaux maison de sa maman, nous a donné mille bonnes adresses et recommandé plein de trucs chouettes à voir, et aussi ELLE AVAIT UNE PISCINE !

(Alors, certes, je sais qu'on était techniquement à 30 minutes de la mer, mais la piscine était FROIDE et ça, après une journée passée en plein soleil à regarder des cailloux romains, ça n'a pas de prix.)

(#sueur)

On a eu des expériences un peu similaires en termes de restauration, où on s'est fait avoir deux-trois fois en allant manger dans des restaus qui avaient l'air chypriotes, mais étaient en fait tenus par des Anglais, et du coup on se retrouvait avec une pizza au cheddar et une bière tiède, TROP COOL RAOUL.

(Ci-mer les hordes d'Anglais qui défilent à Chypre chaque année et se disent visiblement "Tu sais ce qui me manque? La bouffe médiocre.")

A part ça, la cuisine chypriote est franchement délicieuse, mais par contre, faut aimer les patates :

- Oh là là, on a encore trop mangé hier soir ! Je vais faire light ce midi, juste une petite salade.
- Et voilà votre salade...
- Merci.
- ... et voilà votre accompagnement de frites !

Car oui, il semblerait que le Chypriote aime les accompagnements – mention spéciale au bled montagnard dans lequel on est allés s'enterrer, où il n'y avait qu'une seule taverne ouverte, et où, comme j'avais pas trop faim, j'ai juste commandé un sandwich pita à l'halloumi, jambon et tomate. Dix minutes plus tard, la serveuse arrive :

- Voilà une salade grecque...
- Mais j'ai pas comman...
- ...et votre assiette géante de couscous à la tomate....
- Hein?
- ...et vos quatre sandwichs pita...
- Mais vous l'aviez écrit au SINGULIER...
- Et ne vous inquiétez pas, votre portion de frites arrive tout de suite !

Moi :

(Mes slips trop petits ne vous disent pas merci.)

Et sinon, qu'est-ce qu'on a fait à Chypre, à part se plaindre qu'on avait trop à manger?

Eh bien, tu le sauras très bientôt au prochain épisode!

(Ce teasing de ouf.)

(Comme quoi j'ai pas fait des études de communication pour rien, MAMAN.)